Chaque mois, Vélo 101 part à la rencontre d’une femme active dans l’univers du cyclisme. Elles sont nombreuses à graviter autour d’une discipline qui n’est plus, depuis longtemps, réservée qu’à la seule gent masculine. Cette rubrique, notre saga de l’année 2010, permet ainsi de mettre en lumière ces femmes impliquées dans le cyclisme. Elles sont championnes ou assistantes, elles sont épouses de coureur ou bien hôtesses, elles sont mamans de champions ou bien élues… Ce mois-ci, rencontre avec Barbara Rumpus. Vous avez sans doute déjà pu lire son nom au bas d’articles publiés dans L’Equipe. Depuis treize ans, Barbara Rumpus est en effet journaliste à L’Equipe, attachée à la rubrique Cyclisme, qu’elle fut la première journaliste femme à intégrer à l’année. Elle revient avec nous sur son parcours et son métier de journaliste sportif.
Barbara, comment êtes-vous arrivée à la rubrique Cyclisme du journal L’Equipe ?
Je suis arrivée à L’Equipe après avoir gagné un concours ouvert aux étudiants en école de journalisme, lorsque j’étais au Centre Universitaire d’Enseignement du Journalisme (CUEJ), à Strasbourg. Le concours offrait un CDD à la rubrique Foot, ce que j’ai fait durant trois-quatre mois. J’ai donc d’abord commencé sur le football. Puis j’ai travaillé un petit peu à Vélo Magazine, d’où je suis arrivée à la rubrique Cyclisme.
Pourquoi avoir choisi le cyclisme ?
Le sport en général, déjà, était une passion. Le vélo, j’en ai pratiqué un petit peu en cyclo mais jamais en compétition. C’est mon sport de prédilection, celui que je connais le mieux, même si j’en aime d’autres également, mais j’ai eu l’opportunité d’atterrir là où je n’aurais jamais osé rêver.
Vous dites avoir pratiqué le vélo, c’est-à-dire que vous ne le pratiquez plus du tout ?
Non, à Paris je suis un peu flémarde ! C’est compliqué car déjà, le temps d’aller dans la Vallée de Chevreuse il y a 30 kilomètres. J’ai remplacé le vélo par les baskets dans le sac de voyage pour faire un peu de footing.
Le cyclisme est un sport d’hommes, mais cela devait être bien pire il y a treize ans ?
Oui ! Je suis en fait arrivée à L’Equipe car il y avait une volonté du directeur de la rédaction Jérôme Bureau de féminiser les services. Son idée, c’était de mettre une femme dans chaque service. C’est ça aussi qui m’a ouvert les portes. A mon arrivée, d’autres femmes avaient déjà couvert le Tour de France pour L’Equipe mais elles ne travaillaient que sur le Tour. J’ai été la première embauchée pour couvrir le vélo à l’année.
Comment votre arrivée a-t-elle été perçue ?
Ca s’est bien passé et j’ai été bien accueillie par mes collègues, qui étaient très contents d’avoir une petite touche féminine ! Sur le terrain, ça change également le rapport, sans jouer sur la féminité, et je pense que le milieu était suffisamment ouvert. Je n’ai pas eu autant de difficultés que peuvent le relater certaines journalistes femmes ayant couvert le foot. Peut-être a-t-on remarqué que je connaissais le vélo mais on ne m’a jamais fait de réflexion.
Comment ont évolué vos rapports aujourd’hui ?
Aujourd’hui, je suis presque la mamie ! Disons que mes rapports ont évolué par rapport aux coureurs. Quand j’ai commencé ils avaient mon âge et maintenant ils sont plus jeunes que moi, me vouvoient et n’osent pas me tutoyer. J’aurais du mal à évaluer de quelle manière la place des femmes à évoluer car je fais partie du paysage. Et puis le cyclisme s’est énormément féminisé, quand on voit les kinés, les assistantes… A l’époque, quand il y en avait une dans une équipe ça faisait un scandale. Aujourd’hui le regard est différent.
Cette touche féminine vous permet-elle d’avoir un accès privilégié à certaines confidences de coureurs ?
La question est difficile car on ne sait pas vraiment. Ce qui est certain c’est que le rapport change effectivement. Je suis douce et ça doit jouer aussi. Je ne sais pas si c’est parce que je suis une femme ou bien si c’est ma longévité qui entre en jeu. Les coureurs me connaissent, savent comment je travaille, donc il n’y a plus de barrière. Une relation de confiance s’est installée, c’est avant tout cela. Maintenant, il arrive qu’on écrive des choses qui ne plaisent pas, et dans ce cas les coureurs seront plus virulents auprès d’un garçon. Je ne l’ai pas remarqué par moi-même mais mes collègues m’ont souvent dit qu’avec moi les coureurs n’étaient pas comme avec eux. Ce sont surtout eux qui ont vu la différence.
Le vélo a lui aussi évolué avec un ensemble de disciplines, vous intéressez-vous à chacune d’entre elles ?
A L’Equipe, c’est vrai qu’on parle beaucoup plus de la route, mais j’aime particulièrement la piste, dont je m’occupe d’ailleurs. J’apprécie de faire autre chose que la route parce que c’est un univers différent. J’ai constaté des rapports différents avec un routier sur la piste, où c’est plus confiné, plus intimiste. J’aime toutes les disciplines : le cyclo-cross, le VTT, et j’aimerais découvrir le BMX, que je n’ai jamais vu. On m’a parlé de ce milieu un peu foufou et j’ai hâte de suivre un jour une compétition de BMX.
Vous avez forcément de nombreux souvenirs liés au vélo…
Celui qui me reste en particulier, c’est le record du monde du kilomètre d’Arnaud Tournant à La Paz, en Bolivie, en 2001 (NDLR : en octobre 2001, Arnaud Tournant fut le premier coureur à passer sous la barre de la minute sur un kilomètre départ arrêté en 58″875, record toujours en cours). J’étais aux Championnats du Monde quand Arnaud a décroché ses trois médailles d’or. Dix jours après, nous étions en Bolivie pour la tentative de record du monde. J’étais accompagnée d’un photographe et nous étions intégrés à la vie de l’équipe Cofidis. Des moments comme ceux-là, on n’en vit pas quinze fois dans une carrière !
La piste, malgré le succès des Français, demeure une discipline confidentielle, comment l’expliquez-vous ?
Je ne saurais pas l’expliquer. La piste, c’est télévisuel, c’est percutant… Voir une poursuite individuelle au cœur d’un vélodrome, avec le bruit des roues, c’est magnifique ! Pourtant il n’y a pas beaucoup de licenciés sur piste et les audiences télé ne sont pas très élevées.
Vous verriez-vous évoluer un jour vers une autre discipline ?
Forcément, même si le cyclisme reste ma passion et que je ne suis pas émoussée, au bout de treize ans on peut éprouver l’envie de voir autre chose pour retravailler un autre relationnel, découvrir un autre milieu et d’autres personnes. C’est légitime, maintenant je ne sais pas à quelle échéance. Mais le jour où ça devra arriver, ce sera avec émotion car le milieu cycliste est très agréable et on est toujours bien reçu. Travailler dans ces conditions reste très important.
Pour atteindre un poste tel que le vôtre, quelle recommandation feriez-vous ?
Aujourd’hui, il me paraît obligatoire de passer au préalable par une école de journalisme. Il y a tellement de demandes que la sélection se fait avant tout sur ce critère. Attention aussi à l’école que l’on choisit car certaines ne sont pas reconnues par la Convention collective des Journalistes. Généralement, si vous sortez d’une école non reconnue, la demande va directement au panier car le nombre de demandes est important.
Conseilleriez-vous à un jeune de 13/14 ans de suivre une orientation telle que la vôtre ?
Il y a encore trois ans, je disais toujours aux jeunes que s’ils y croyaient, si c’était vraiment ce qu’ils souhaitaient faire, il fallait y aller et ils y arriveraient. Je prenais mon cas en exemple. Et puis il y a trois ans, le maire de Saint-Martin-de-Landelles, dans le cadre de la Polynormande, m’a présenté son fils. C’est la première fois où j’ai été plus mesurée en lui disant de faire son maximum, d’y croire mais de surtout choisir dans ses études préalables quelque chose qui lui plaise et où il pourrait se recycler. Quand on regarde l’évolution des gens qui sortent d’écoles de journalisme, au bout de deux ans, ils sont énormément, peut-être la moitié, à bifurquer vers de la communication ou autre chose car les places sont chères. Mon conseil à présent serait donc de penser absolument à une porte de sortie. Mais quand on a la foi, qu’on y croit et qu’on a un petit coup de pouce du destin, il faut tout faire pour.
Vous connaissez le projet des Jeunes Reporters du Tour, qui permet chaque année à six adolescents d’apprendre le métier de journaliste sur les trois semaines du Tour, auriez-vous été candidate à leur âge ?
Carrément, carrément ! Je trouve ça gé-nial ! J’aurais adoré faire ça. Je trouve que c’est une opportunité superbe quand on est un gamin, qu’on adore le sport et qu’on a cette chance-là. Je ne sais pas ce que deviennent ces jeunes gens après, mais ça doit laisser des souvenirs extraordinaires.
Les Elles du peloton :
• Episode n°1 : Aude Mangel, épouse de Laurent Mangel
• Episode n°2 : Lydia Poulle, responsable de l’école de vélo Le Grand Braquet La Pomme
• Episode n°3 : Marie-Antoinette Canu, présidente du comité des Bouches-du-Rhône
• Episode n°4 : Cécile Delaire, vététiste du Team Keops-Itwo
• Episode n°5 : Mireille Blain, maman d’Alexandre Blain
• Episode n°6 : Céline Mazard, attachée de presse d’Ag2r La Mondiale
• Episode n°7 : Claire Pedrono, ardoisière du Tour de France
• Episode n°8 : Stéphanie Maurice, Miss Pays de l’Ain
• Episode n°9 : Francine Valentin, organisatrice bénévole pour LVO