Quand as-tu touché ton premier VTT ?
Si je me souviens bien, c’était en ’94 et j’ai tout de suite intégré une petite équipe, la Team Gitane. Quand je suis passé pro, j’ai fait plusieurs équipes comme Lapierre, Bianchi et depuis 2009, je suis dans une équipe allemande, le team Bulls.
En termes de palmarès, j’ai été 8 fois Champion de France, j’ai gagné 2 fois le Roc d’Azur. J’ai été Vice Champion du Monde, 2 fois Champion d’Europe en Marathon, Champion de France Elite en cross country… Un petit palmarès sympathique qui m’aide encore aujourd’hui.
Tu as connu les grandes années du VTT, notamment quand le VTT arrivait aux Jeux Olympiques à Atlanta en ’96. As-tu toujours eu en tête ton après-carrière quand tu étais pilote ?
J’ai eu la chance de faire les bons choix aux bons moments et de pouvoir vivre du VTT assez correctement. Il faut se trouver la bonne équipe, parfois, c’est juste de la chance ! C’est vrai qu’il faut avoir conscience que nous ne sommes qu’une petite poignée à pouvoir en vivre et qu’en VTT, la chute est vite arrivée. C’est un sport à risques où on peut vite tomber et être mis sur la touche.
Pendant ma carrière, j’ai passé mon BAC, un DUT, j’ai fait plusieurs formations, des brevets fédéraux, des brevets d’Etat… donc oui, j’ai toujours pensé à l’après carrière. L’opportunité est venue avec Bulls il y a deux ans car je suis allé les voir en disant que je souhaitais arrêter ma carrière à 40 ans, en finissant sur une bonne note car j’étais Champion de France et numéro 1 mondial en Marathon. J’ai donc demandé au siège si je pouvais m’occuper de développer la marque Bulls en France au niveau communication, image et développement des produits. Ils ont accepté et maintenant je travaille en collaboration avec le groupe. C’est vraiment très intéressant et c’est une reconversion de rêve pour moi !
Tu parles des brevets d’Etat, aurais-tu aimé manager une équipe ?
Cela a été envisagé… En fait, j’ai même crée le Team Bulls France avec Hélène Clauzel qui est quand même deuxième en Elite cette année, 2ème en Espoir et qui fait Vice Championne de France. J’ai managé cette équipe que l’on reconduit cette année et qui existe depuis deux ans maintenant. Cela fait partie de l’image que j’essaie de développer et ce dont j’ai pu bénéficier quand j’étais pilote comme l’aide de marques et de partenaires. C’était un juste retour des choses de créer cette petite équipe de cadets juniors pour leurs donner une chance, à eux de la saisir !
Tu as été coaché par des grands noms et à présent tu travailles avec des commerciaux. Les valeurs et compétences que tu as acquises à l’époque te resservent-elles aujourd’hui ?
Oui, de toute façon, une carrière de sportif, c’est quelque chose d’exceptionnel qui t’inculque des valeurs, qui t’apprend à te remettre en question, à se fixer des objectifs, à savoir anticiper… Il n’y a jamais rien d’acquis. Il faut toujours être dynamique, saisir les opportunités, attaquer, tout en étant fair-play, comme dans le monde du travail.
Tu as eu une carrière très longue en arrêtant à 40 ans. Conseillerais-tu aux jeunes de déjà penser à la suite ?
Oui, cela passe très vite ! Si j’avais arrêté à 30 ou à 35 ans, je me serais aussi dit que c’était le bon âge. Il faut continuer seulement si on en a la force.
Il y a de grands noms du VTT comme John Tomac qui ont créé leur marque et n’ont pas réussi à vraiment percer, comment analyses-tu cela ?
Oui, un grand nom, c’est une chose, mais sans la fibre commerciale, c’est vite compliqué. Il faut savoir tirer les bonnes ficelles, savoir comment cela marche, connaitre le monde du cycle mais aussi le monde du commerce, comme en Asie par exemple où sont fabriqués les cadres ou savoir comment dégager de bonnes marges. Il y a des gens qui s’occupent de l’image, d’autres de la communication, d’autres du développement des produits… II faut regarder tout cela avec minutie. Un grand nom ne fait pas tout… C’est du business, il faut une personne en charge de chaque domaine et qu’elle en connaisse toutes les spécificités. Le commerce va au delà de l’amour du vélo.
Des joueurs de foot comme Didier Deschamps, moins connus que Michel Platini à l’époqu, ont mieux réussi ensuite. Penses-tu qu’il en est de même pour toi ?
Peut-être, j’ai quand même eu un nom qui me sert. Certes, je suis en dessous de mecs comme John Tomac mais mon nom m’a ouvert des portes et me donne une crédibilité auprès des marques et à mon discours. Et puis, le fait de ne pas être un très grand nom m’a permis de toujours garder les pieds sur terre et je me suis toujours remis en question. A 25/30 ans, j’avais déjà conscience que ça allait s’arrêter… Le fait de passer des brevets d’Etat, c’est parce que j’y pensais déjà. D’ailleurs, ma famille n’était pas du tout dans le monde du vélo, cela leur semblait un peu surréaliste que je sois pro VTT. Même mes amis ne se rendaient pas compte et me demandaient quel était mon vrai métier… Le VTT peut paraitre fun vu de l’extérieur mais derrière il y a tout un monde de business. J’ai toujours serré les dents et je me suis toujours demandé ce que j’étais capable de faire après.
J’ai ouvert également mon magasin de vélos sur Colmar, il y a le team, j’ai pleins d’autres projets qui me trottent dans la tête… Ca bouillonne ! A côté de tout ça, je continue aussi à faire du vélo, c’est ma soupape ! Je suis un amoureux du vélo, un passionné.
Tu es d’origine alsacienne. Aurais-tu pu imaginer faire ce travail pour des marques espagnoles ou italiennes comme Orbea ou Bianchi ?
Oui, mais peut-être pas Orbea… Plutôt Bianchi, ou une autre marque qui représente quelque chose à mes yeux et qui a compté pour moi. J’ai eu 8 ans de partage avec Bianchi donc forcément je partage leurs valeurs. J’ai également crée des liens avec Lapierre pendant deux ans… Cela m’a apporté bien plus que de l’argent, c’est comme une famille. On s’est toujours quitté dans de bons termes, j’ai gardé un certain amour pour ces marques. Contrairement à Orbea avec qui je n’ai rien vécu, j’ai des attaches pour ces marques là. Ce que je vis actuellement chez Bulls, c’est aussi ça et c’est génial.
Un exemple de transition réussie à citer ?
Il y a plusieurs pilotes qui se reconvertissent bien et qui continuent à rouler, un peu dans mon style, comme Nicolas Vouilloz ou Fabien Barel, des gars qui avaient la classe sur le vélo mais qui avaient déjà des idées de développements de produits ou de marques quand ils pilotaient. Ce n’étaient pas que des pilotes, ils allaient de l’avant et ils ont bien réussi.
Mathilde Duriez, vélo101