Kevin Ledanois sur le Challenge de Majorque | © Bettini Photo
Comment vis-tu la situation actuelle en tant que cycliste professionnel ?
En tant que professionnel, la situation est compliquée. Nous n’avons plus de courses, pas de visibilité pour une reprise mais on doit continuer à s’entraîner pour maintenir le niveau… Sans savoir à quoi s’attendre. C’est un peu comme un investissement perdu en quelque sorte mais il faut faire avec, on s’adapte.
Il est interdit de rouler à l’extérieur, cela te semble t-il logique ?
La décision du ministère s’est faite attendre au début du confinement mais elle était nécessaire pour éclaircir la situation. Et bien évidemment oui c’est logique. Je rejoins l’idée qu’en étant seul, on a peu de risques mais par principe il suffit d’être logique pour comprendre qu’il faut être solidaire. Certains travaillent pour éradiquer le virus et prennent des risques, ces mêmes personnes nous demandent de rester chez nous pour les aider alors pour une fois, soyons bêtes et disciplinés. Surtout que c’est assez simple de se rendre utile…
En as-tu profité pour couper ou pas du tout ?
Malheureusement j’ai coupé la semaine avant le confinement, je n’ai pas été bon dans le timing pour le coup donc j’ai repris sur mon home-trainer. Mais la majorité des gars que je connais en profite pour couper et passer du temps en famille.
Quels types de séances sont au programme ?
Pour m’occuper avec mon entraîneur Flavien Soenen nous avons mis en place une à deux séances par jour, sans compter la PPG (préparation physique générale). Au programme ce sera des séances spécifiques pour retravailler les bases, donc la force/vélocité, quelques sprints, puis viendra du seuil. On essaie de varier pour ne pas se lasser trop vite.
Salle de sport en place | ©
S’entraîner sans véritable échéance, est-ce quelque chose difficile pour toi ? Mets-tu des choses en place pour y faire face ?
Oui comme je l’ai dit c’est compliqué dans la mesure où nous n’avons que très peu de visibilité sur une date de reprise. Pour le moment je suis parti dans l’optique de me lancer un défi à moi-même : être capable de m’entraîner plusieurs semaines chez moi et de respecter le confinement. Je ne suis pas un adepte du home-trainer mais il faut s’adapter et même si ce défi est assez « débile », il faut essayer de jouer le jeu.
Votre salaire est garanti, on voit des initiatives solidaires de sportifs (Juventus…), que seriez-vous prêt à faire pour les assistants par exemple, qui sont sans revenus ?
Concernant ce sujet, c’est vrai que je ne me suis pas posé la question. Je ne sais pas ce qui va être mis en place exactement au sein de l’équipe mais je fais confiance à la direction chez nous, qui fera le maximum pour ne laisser personne dans la difficulté. La situation est inédite mais il faut être solidaire et réfléchir à des solutions.
Comment rythmes-tu tes journées afin de ne pas te laisser aller ? Fais-tu des choses que tu ne fais pas d’habitude ?
C’est vrai que les journées sont rythmées malgré tout. Dans le détail je suis parti sur des blocs de travail de trois jours avec du bi ou du tri-quotidien. Les journées de repos me permettent de bricoler à la maison, faire mon jardin… J’ai la chance d’être bien épaulé par ma copine, on essaye de trouver de quoi s’occuper tous les deux puisqu’elle ne peut plus travailler non plus.
Qui c’est qui cuisine à la maison ? Vas-tu serrer la vis comme on dit afin de ne pas prendre de poids dans cette période de moindres activités physiques ?
J’aime cuisiner mais je suis trop impatient pour ça. Enfin, c’est surtout que si je cuisine c’est plus pour faire des gâteaux et des pâtisseries que des salades… pas très utile en ce moment. Se serrer la vis va être compliqué, nous sommes déjà frustrés d’être confinés alors si en plus il n’y a aucun plaisir dans l’assiette, le mental risque de lâcher. Il faut savoir trouver l’équilibre et manger proportionnellement à nos dépenses énergétiques. Rien n’empêche un petit plaisir, le tout est d’être raisonnable.
Kevin Ledanois en plein test | © Elen Rius
Quel bilan fais-tu de ton début de saison, avec un total de 9 jours de courses ?
Je suis satisfait de mon début de saison mais je reste un peu sur ma faim. Ca a été axé sur un travail d’équipier, ce qui me plaît énormément, même si je n’ai pas beaucoup de jours de courses. Je devais faire Paris-Nice mais avec les modifications ça n’a pas été le cas. Ensuite je devais attaquer un programme de courses plus axé sur les Coupes de France, où j’aurais pu jouer d’avantage ma carte, mais les circonstances actuelles ont fait que non. C’est frustrant mais la situation est très spéciale, et je suis loin d’être le seul dans ce cas. On verra comment la suite se déroulera, dans tous les cas cette saison sera spéciale, on s’en souviendra.
« Nairo fait même assez froid au premier abord »
Arkéa-Samsic réalise un excellent début de saison avec les succès de Nairo Quintana et de Nacer Bouhanni. Comment vis-tu leurs arrivées ? Qu’est-ce que cela t’apporte ?
C’est clair que l’équipe a réalisé quelque chose de grand depuis début 2020. Les arrivées de Nacer et de Nairo ont fait prendre conscience à tous qu’on est capable de grandes choses. C’était déjà le cas avec Warren mais le fait d’avoir d’autres leaders dans l’équipe l’a déchargé d’une certaine pression et cela a été bénéfique pour tout le monde je pense.
J’ai déjà hâte de recourir et travailler pour eux, c’est quelque chose qui me plaît. J’aime recevoir des conseils des « anciens » comme Flo Vachon, Amaël Moinard ou encore André Greipel sur les Tours de France que j’ai pu faire pour aider au mieux les leaders. Je ne cite qu’eux mais c’est valable avec tout le monde évidemment.
Tu as couru avec Nairo Quintana sur le Tour des Alpes Maritimes et du Var, comment est-il en tant qu’homme et en tant que leader ?
Nairo est quelqu’un de très calme et discret. Pour être honnête il fait même assez froid au premier abord. Quand on le découvre un peu on se rend vite compte qu’il est très, très exigeant sur tous les domaines, que ce soit la nutrition, le matériel, l’entraînement… Et qu’il en demande autant à ses coéquipiers. Mais on a pu voir sur les images de l’équipe qu’il était aussi très souriant et que c’est quelqu’un qui a besoin de se sentir « comme à la maison » pour être performant. Chaque leader est différent mais leur grande exigence est un point commun.
Quel message souhaiterais-tu confier à nos lecteurs ?
Ce serait évidemment de respecter les consignes de confinement. Pour le reste j’espère vraiment que la situation va s’améliorer et que l’on pourra vite raccrocher un dossard et tous se retrouver sur les routes. L’ambiance des courses va vite me manquer je pense.
Par Maëlle Grossetête