Les faits se sont déroulés le 24 janvier dernier en Colombie. L’ancien vainqueur du Tour de France 2019 s’entraînait avec son équipe quand soudain le coureur de l’équipe Ineos percutait à grande vitesse l’arrière d’un bus le blessant très grièvement au point d’y avoir presque laissé la vie ou devenir paraplégique selon les médecins. Pour la première fois après son accident, le coureur de 25 ans a donné une interview à nos confrères de la chaîne d’information « Semana ». Il est notamment revenu sur les circonstances de son accident, la douleur atroce qu’il a souffert pendant de longues minutes, le travail incroyable des médecins et son intention de revenir au plus haut niveau. Extraits choisis de cet interview émouvant.
Egan Bernal : « J’ai percuté le bus à 62 km/h »
Alors que la journaliste lui demande d’expliquer ce qu’il s’est passé ce jour-là, Egan Bernal explique qu’il s’agissait d’une sortie d’entraînement banale. Certains de ses équipiers utilisaient un vélo normal, mais qu’il avait opté pour un vélo de contre-la-montre. Alors que certains de ses coéquipiers s’étaient arrêtés, le colombien leur a dit qu’il souhaitait continuer et a adopté une position aussi aérodynamique que possible. Il poursuit en expliquant qu’en arrivant à hauteur de Gachancipá il a regardé devant lui et n’a rien vu. Il a précisé qu’il y avait une voiture derrière lui qui l’escortait.
Egan poursuit son récit : « J’ai continué à faire ma série et je me souviens que je faisais 58 kilomètres par heure. C’est comme si on descendait une colline et qu’il y avait un vent arrière. Je faisais 58. J’ai commencé à regarder et c’était 59, 60, 61, 62 et quand j’ai vu cette vitesse, j’ai percuté le bus ». La journaliste lui a alors posé la question s’il avait vu le bus : « Non. J’ai percuté le bus à 62 kilomètres par heure. Le bus était immobile. À ce moment-là, imaginez la douleur. Je suis tombé et je me suis dit : « J’ai frappé très fort ». C’était un coup dur. Je pensais que ce n’était pas une personne, parce que j’aurais glissé. J’ai pensé que ce n’était pas une moto ou une voiture, parce que j’aurais volé. Je pensais que c’était une mule ou un bus. J’avais tellement mal que je ne faisais que regarder en bas, j’étais allongé sur la route. À ce moment-là, la personne qui m’accompagnait est descendue ».
Une douleur atroce, je voulais m’évanouir tant j’avais mal
Egan Bernal est ensuite revenu sur les instants qui ont suivi l’accident et la douleur atroce qui l’a accompagnée jusqu’à l’anesthésie à son arrivée à l’hôpital. Le coureur d’Ineos a expliqué que le mécanicien qui l’escortait est descendu de voiture et a essayé de le tranquilliser tout en appelant le médecin de l’équipe resté à l’hôtel. Cependant, ce qui terrifiait Egan dans cet instant était le fait qu’il ne pouvait plus respirer. Il a alors expliqué qu’il était sur le point de s’évanouir quand finalement sa respiration est revenue et qu’il a alors vu le bus. La douleur est alors devenue atroce pour le jeune colombien.
Rapidement arrivé sur le lieu de l’accident, le médecin a refusé à Egan de lui retirer son casque alors que celui-ci lui suppliait de le retirer tant la douleur était insupportable. Le médecin a alors stabilisé la fracture du fémur du coureur qui raconte ce moment très difficile : « Ils ont pris mon pied et m’ont étiré. Ils ont ajusté l’os et ça m’a fait très mal. Je leur disais : non, non, je vous en supplie, ne le faites pas. Cela m’a aidé à ne pas perdre trop de sang, je pense avoir perdu deux litres et demi au total ».
Une douleur généralisée jusqu’à son arrivée à la clinique
La stabilisation de la fracture n’a cependant pas soulagé la douleur du vainqueur du Tour de France 2019 : « À un moment donné, lorsque j’étais désespéré, je criais au médecin : « Docteur, donnez-moi quelque chose pour la douleur, j’ai besoin de quelque chose pour la douleur », et le médecin répondait : « Non, je ne peux pas », et je disais : « Je comprends que vous ne pouvez pas, mais donnez-moi quelque chose », peu importe, la seule chose qui me désespérait était la douleur ». Le colombien poursuit en expliquant que la douleur était généralisée.
Après avoir passé plus de 15 minutes au sol, l’ambulance est enfin arrivée. Egan pensait alors qu’il allait pouvoir recevoir quelque chose pour la douleur, mais ce ne fut pas le cas comme il le relate : « Lorsque j’étais dans l’ambulance, j’ai dit : « Madame, s’il vous plaît, pouvez-vous me donner quelque chose pour la douleur ? » et la dame a répondu : « Non, c’est une ambulance de base, nous n’avons pas de médicaments ici. J’ai dit : pas question ! C’est à ce moment-là que j’ai été désespéré et que je m’en suis pris au médecin de l’équipe et au médecin, parce qu’il ne pouvait rien faire et je comprenais qu’il ne pouvait rien faire, mais je devais m’en prendre à quelqu’un (rires) ». Ce n’est qu’une fois arrivé à la clinique et dans le bloc opératoire que le coureur a pu enfin être anesthésié.
12 heures d’une opération de neurochirurgie très compliquée
Après le diagnostic, le neurochirurgien de la clinique a expliqué à la famille du coureur que c’était un miracle qu’il soit arrivé vivant tout en précisant les faibles chances de récupération : « Il est vivant par miracle, c’est un miracle ». Mais l’opération à venir est très compliquée, il pourrait être paraplégique ». Il leur a donné les chances, je crois que c’était 95 % contre 5 %. Son travail consistait à être réaliste et à leur dire ce qui pouvait arriver ». S’en sont suivies 12 longues heures de chirurgie très compliquées. À la sortie du bloc opératoire, le neurochirurgien s’est montré plus optimiste auprès de la famille : « On leur a ensuite dit que l’opération s’était bien passée, mais qu’il fallait attendre qu’il se réveille pour voir s’il pouvait bouger ses jambes. On leur a dit : nous pensons qu’il va bien, mais nous devons attendre. Alors imaginez ce drame ».
À son réveil, Egan Bernal qui pensait qu’il ne souffrait que d’une fracture du fémur et peut-être aussi des côtes a pris conscience de la gravité de son accident : « Je me souviens qu’ils m’appelaient : Egan, Egan… et je me suis réveillé, évidemment on est encore à moitié endormi et je me souviens que la première chose qu’ils m’ont dit était : peux-tu bouger tes jambes ? Quand ils m’ont posé cette question, j’ai dit : je pense que l’opération ne concernait pas seulement le fémur, c’était comme une intuition. Puis, bien sûr, j’ai commencé à bouger mes jambes et ils ont commencé à me toucher : « Tu sens ceci, tu sens cela ? Et j’ai dit : « Bon sang, l’opération ne concernait pas seulement le fémur… Parce que, comme je l’ai dit, lorsque je suis entré en chirurgie, je n’avais aucune idée qu’ils allaient me faire tout ça, que j’avais les cervicales, la T5, la T6 et toutes ces choses dans le dos que je ne comprends toujours pas très bien… ».
Egan Bernal : « Je veux revenir à mon meilleur niveau, j’ai la foi »
Le coureur colombien s’est aussi confié sur ses intentions auprès de la journaliste visiblement émue. Il a avoué avoir commencé à travailler pour récupérer rapidement alors qu’il était encore en soins intensifs. Il confesse accélérer au maximum son travail de récupération avec un objectif très précis : « Je veux revenir à mon meilleur niveau, j’ai la foi, je ne sais pas pourquoi, je pense que je peux le faire et je pense que ça va être rapide. Les médecins me grondent quand je leur dis que ça va être rapide, mais je ne sais pas si ça va être un an, dix ans ou six mois, ou trois mois ».
Egan Bernal ne cache pas ses intentions de remonter rapidement sur le vélo : « Je veux y retourner, c’est ce que j’aime le plus. Je suis un cycliste, je pense que si je n’étais pas à vélo, je ne saurais pas quoi faire. Je ferais probablement autre chose, mais pour l’instant, je me sens comme un cycliste, comme un sportif et pour moi, le vélo est mon style de vie ». Il confie toutefois : « Je ne sais pas si je serai à nouveau à ce niveau de gagner un Tour de France car c’est déjà difficile ». L’interview complète d’Egan Bernal est disponible ici.