En effet, nous avons interviewé Arne Kenzler, la seule mécanicienne qui aura été présente dans cette série d’article. Aujourd’hui âgée de 30 ans, Arne est originaire d’Allemagne. En 2013, alors qu’elle courait encore au niveau Continental, l’un de ses mécaniciens lui a proposé de l’aider pour 3 ou 4 jours sur le Giro. Après une conversation rapide avec l’ancien directeur sportif aujourd’hui devenu responsable de l’équipe (Ronny Lauke), le 1er contact avec le monde de la mécanique a ainsi été initié. Et après quelques difficultés avec son travail quotidien en 2018 (ingénieur dans le secteur automobile), elle a tout simplement demandé à intégrer l’équipe à temps complet.
C’est ainsi que sa collaboration avec l’équipe Canyon/Sram dure depuis 6 ans, avec des périodes plus ou moins pleines.
Le vélo de l’équipe Canyon//Sram | © Vélo 101
– Quel était le nombre de pignons à l’époque où vous avez commencé ?
C’était déjà 11… Ce n’est pas si vieux donc.
– Quel est l’aspect de votre travail le plus pénible d’un côté et le plus excitant de l’autre ?
Le plus pénible, ce sont les longs transferts.
Le plus excitant, c’est la course elle-même. Vous ne savez jamais ce qui peut arriver.
– Qui est le cycliste plus méticuleux que vous avez côtoyé ?
Cette année je pense qu’il s’agit de Lisa Klein. Elle connait toujours énormément de choses sur tout ce qui touche la technique, que ce soit la pression des pneus, les petits détails sur le vélo qui ont un impact sur la performance comme par exemple l’aéro. Je suppose que toutes les coureuses de l’équipe sont focalisées sur la technique par certains aspects mais je ne m’en rends pas toujours compte.
– Et le cycliste le plus nerveux avec son vélo ?
C’est également Lisa Klein. Elle demande toujours pour avoir le meilleur montage possible.
© Vélo 101
– Pensez-vous que les filles sont plus intéressées que les garçons par la mécanique ?
Si vous parlez du côté technique, c’est à dire un domaine qui a eu un énorme développement ces dernières années, les filles sont réellement très intéressées par des questions comme “comment fonctionne mon vélo ?”. Elles regardant par exemple comment elles peuvent bénéficier des avantages des Nouvelles technologies comme le nouveau SRAM eTap AXS 12 vitesses ou les pneus Tubeless. Il n’y a pas de différentes avec le monde masculin de ce côté-là. Certaines sont simplement encore plus intéressées que d’autres.
– Pendant une course par étapes comme le Giro, quel est votre programme quotidien ?
Généralement, lever à 6-6h30, petit déjeuner à 7h. Puis préparation des véhicules à partir de 7h30 ce qui signifie tout simplement laver et passer l’aspirateur dans tous les véhicules. Autour de 9h-9h30, nous nous dirigeons vers le départ pour arriver 1h30 avant le départ.
Ensuite c’est preparation des vélos, mise en pression des pneus des vélos pour la course et ceux de remplacement. Préparation des roues de rechange.
Généralement, je suis de retour à 17h pour le lavage des vélos, leur réparation si nécessaire, lavage des vêtements, inspection des pneus, roues, etc.
Fin de la journée de travail autour de 21h.
– En général, quel est le moment le plus stressant que vous devez gérer ?
Il existe de nombreux moments de stress durant la saison. Le 1er Contre La Montre est traditionnellement un jour épuisant nerveusement car les vélos sont neufs, jamais vérifiés par les commissaires UCI.
Les chutes sont effectivement un autre passage délicat. La plupart du temps, tout va bien mais s’il y a une grosse chute impliquant de nombreuses coureuses ou encore sur des routes étroites, ce sont des moments difficiles.
© Cannyon//Sram
– Depuis que vous êtes arrivée en tant que mécanicienne, quelle est l’avancée technique la plus marquante ?
Personnellement, c’est le routage interne des câbles et le changement de vitesses électronique et sans câbles. En général, il faut dire que chaque invention apporte son lot de progrès.
En tant que mécanicienne, j’ai un gros avantage à utiliser le SRAM eTap. Ça rend le travail plus facile dans de nombreux cas. Le 12 vitesses et les disques sont aussi une avancée importante mais cela ne change pas fondamentalement mon travail.
Aujourd’hui je pense que le groupe Sram 12 vitesses associé au freinage à disques donnent la meilleure combinaison possible à un vélo.
– Pensez-vous que les disques soient nécessaires au niveau des utilisateurs en général ?
Que vous soyez pro ou amateur vous avez besoin de freiner. Le freinage sur jantes fonctionne bien mais les avantages du disque ne doivent pas être oubliés. A mon avis, cela donne aux amateurs le meilleur système de freinage possible, tant au niveau sensations que sécurité.
En ce qui concerne les pros, leur habileté est supérieure mais les disques modifient forcément leur façon de rouler : freinages plus forts, plus tardifs et plus longs.
Je pense qu’en 2021 tout le monde roulera en disques.
– Croyez-vous que le mono plateau va devenir un standard en course ?
Pour certaines courses (Contre La Montre, étapes de plat ou criteriums) oui pourquoi pas. Mais pour une course en ligne je n’y crois pas.
– De plus en plus de mécaniciens et coureurs utilisent les réseaux sociaux. Qu’en pensez-vous, notamment au niveau de votre propre communication avec les athlètes ?
Les réseaux sociaux méritent à coup sûr d’exister. Mais en ce qui concerne la communication avec les coureuses, ce n’est pas le bon outil selon moi. Discuter à propos du vélo, pneus, roues : tout ceci se fait mieux en face à face.
Personnellement, j’ai d’excellentes relations avec les filles de l’équipe et j’espère ainsi qu’elles ne « filtrent » pas leurs informations, qu’elles soient positives ou négatives d’ailleurs. C’est la meilleure façon de progresser.
– Votre équipe possède des partenaires fidèles depuis longtemps. Est-ce qu’un nouveau partenaire qui arrive est une chose qui vous réjouit ?
Je ne dirais pas qu’un nouveau partenaire représente un nouveau défi mais effectivement, cela apporte du « sang neuf ». Je suis une personne ouverte et j’aime bien progresser dans mon travail, que ce soit grâce à un nouveau partenaire ou dans un autre domaine.
D’un autre côté, avoir un partenaire de longue date signifie que le travail est bien fait des 2 côtés.
– Comment voyez-vous votre travail dans 10 ans ?
Mon sentiment est qu’il ne va pas changer en général. La technique va continuer à évoluer mais toujours dans le sens du disque et de la transmission électronique. Peut-être les Tubeless vont se répandre. Mais le vélo sera toujours un vélo et le mécanicien continuera d’en assurer la maintenance. Pour le court terme je ne vois donc pas de vrai changement. Mais je me trompe peut-être, qui sait ?