Enfin, plutôt ceux qui ont bien voulu faire le déplacement. Cette pause nous permet de mettre en lumière Yoann Le Foulgoc, l’un des mécaniciens du Centre Mondial du Cyclisme.
– Comment en êtes-vous arrivé là ?
Je suis dans la structure depuis 6 ans. Mon parcours m’avait fait passer par les équipes AG2R, Festina et Jean Delatour.
Yoann Le Foulgoc | © Sportbreizh
– Quel passé cycliste avez-vous eu ?
Rien de spécialement glorieux, j’ai été cycliste à niveau régional en Bretagne.
– Quel est votre plus gros moment de stress dans ce métier ?
Il s’agit pour moi de la 1ère heure ou 1h30 avec du stress, le temps que l’échappée se forme.
Puis les derniers kilomètres ou de gros changements de direction avec des zones exposées au vent par exemple.
Les contrôles de vélo aussi avec le CLM par équipes car plusieurs vélos à contrôler.
J’ai aussi envie de citer l’exemple de la dernière Vuelta, avec des chutes. J’ai bien sûr pensé aux coureurs mais aussi aux copains collègues qui ont dû gérer ces situations.
– Selon-vous quel est le côté le plus passionnant de ce métier ? Et au contraire le plus pénible ?
Il n’y a rien de rédhibitoire qui m’empêcherait de poursuivre ce métier mais effectivement je peux placer la gestion de la famille dans les choses moins sympas.
Dans les bons côtés, j’aime la préparation des vélos, les victoires. Ça fait plaisir, après une victoire, que les coureurs viennent nous voir et nous remercier pour notre travail.
– Vous êtes équipés avec un certain nombre de partenaires, suivez-vous ce que font les autres équipes et les autres marques d’une manière générale ?
En tant que mécanicien on regarde, on discute avec d’autres équipes. En ce moment c’est compliqué à lire car beaucoup d’évolutions, avec par exemple Rotor qui arrive mais de notre côté nous sommes contents avec Scott, Shimano et Mavic.
Stage d’entrainement à Calpe en début de saison pour les filles du Centre Mondial de Cyclisme | © UCI
– Quelle est pour vous la principale innovation technique: les groupes qui prennent régulièrement des pignons en plus, le DI2 ou l’électrique en général, le passage des câbles dans les tubes, les disques, une autre innovation, la multiplication des pignons ?
Je dirais comme vous la multiplication des pignons, le passage interne, les pédales automatiques, l’hydraulique au niveau freinage (qui offre un avantage sur les routes sinueuses et mouillées). Les filles roulent aussi très vite dans les descentes, quasiment comme les garçons. Les disques, il y a du pour et du contre comme le poids au niveau des étapes de montagne.
– Croyez-vous à l’avènement du mono plateau ?
Pour le moment, non. Mais on y arrivera peut-être. Par rapport aux parcours, je n’y crois mais on peut penser qu’il aura d’autres essais. Sur 180 km avec montées et descentes je me demande comment ça peut marcher. Mais si les fabricants et sponsors poussent dans ce sens, ça sera à voir.
– Selon vous sous quel délais tout le peloton pro sera passé en disques, si ça arrive bien sûr ?
Il y a une cohabitation mais il y a plein d’aspects, les marques qui poussent derrière. Il faut encore compter 2-3 ans je pense.
– Y a-t-il une différence de traitement entre la mécanique pour les filles et celle pour les garçons ?
Non, il n’y a pas de différences. Les filles sont très professionnelles, elles s’entrainent beaucoup, elles font des études posturales. Leurs demandes auprès des mécanos sont complètement légitimes et souvent argumentées.
Eyeru Tesfoam Gebru (Centre Mondial du Cyclisme) | © UCI
– Quel est le coureur le plus méticuleux et le plus « stressant » que vous avez connus ?
Je pense dans la globalité à ceux et celles qui connaissent le matériel. Je dirais Sébastien Minard qui connaissait bien cet aspect et qui nous apportaient des choses intéressantes à nous mécaniciens. José Luis Arrieta aussi, qui était le coéquipier fidèle avec Indurain et qui fait avancer les choses chez AG2R.
D’une manière générale, c’est le coureur qui ressent les choses donc son retour est primordial.
Au contraire, j’en ai effectivement connu qui voulaient monter légèrement la selle puis la baisser ou le cintre ou les manettes. Je n’ai pas vraiment de nom en tête et en cas de méforme on peut imaginer que le coureur cherche des façons de se remettre sur de bons rails donc il regarde son matériel. C’est tout à fait normal. D’une manière générale, je m’entends bien avec tout le monde.
– Vous avez un dialogue avec l’assistance neutre car il faut gérer les standards Campagnolo/Shimano, les 11 ou 12 vitesses ou encore les disques/patins ?
Ça se passe bien, on s’entend très bien avec eux. Donc il y a un vrai échange pour que tout se passe bien.
– Les coureurs communiquent de plus en plus à l’aide des réseaux sociaux. Et ils utilisent aussi des moyens comme WhatsApp pour communiquer avec leurs mécanos alors qu’avant il existait un contact systématiquement direct, par la force des choses. Comment abordez-vous cela ?
C’est mieux que le coureur vienne nous voir, clairement. Les réseaux sociaux c’est bien mais le direct c’est mieux selon moi.
– Vous avez côtoyé des cyclistes venant des 4 coins du globe. Vous diriez qu’il y a des approches différentes selon les nationalités vis-à-vis du matériel ?
Certains africain(e)s par exemple sont surpris de la qualité des vélos qui les équipent. Par exemple quand nous leur avons fourni nos vélos Scott tout en carbone ils avaient pratiquement les larmes aux yeux, car ils roulaient plutôt sur de plus vieux cadres en acier ou aluminium.
– Au niveau du Centre Mondial du Cyclisme, vous leur faites des formations sur le matériel ?
Ils sont là une partie ou toute l’année. Oui ils ont une petite formation sur le nettoyage, changer de chambre à air, régler les vitesses. Ils partent d’ici en ayant le B.A BA, niveau nutrition également par exemple.
– Comment vous voyez-vous dans 10 ans ?
Peut-être encore avec vous en train de discuter sur le Tour de l’Ardèche (rires).
Honnêtement, je ne sais pas du tout. Il y a 20 ans en arrière je ne pensais pas en être là encore aujourd’hui.
Par Olivier Dulaurent