Pour notre rubrique hebdomadaire, c’est vers l’équipe Vital Concept – B&B hôtels que nous nous sommes tournés. Cette structure est « seulement » au niveau Continental Pro mais son regard sur le matériel n’en est pas moins pertinent. Nous avons interrogé l’un de ses mécaniciens.
Julien Viaud, vous êtes l’un des mécanos de l’équipe Vital Concept – B&B hôtels, comment en êtes-vous arrivé là ?
– Je suis effectivement mécanicien de l’équipe depuis sa création. Le fait d’être acteur du développement d’un projet novateur me tenait à cœur. Et le discours de Jérôme Pineau et Sébastien (son frère) m’a plu tout de suite.
Quel passé cycliste avez-vous vécu et mécanicien étiez-vous avant Vital Concept – B&B hôtels ?
– J’ai été un petit coureur cycliste. J’ai commencé en cadet pour finir la compétition vers 22 ans en 3ème catégorie car mon métier me prenait beaucoup de temps, surtout les weekends.
J’ai une formation de mécanicien agricole, en vue d’éventuellement travailler chez mes parents qui ont une entreprise de travaux agricoles et travaux publics. Ça ne s’est pas concrétisé car mon amour pour le vélo était supérieur à l’idée de travailler dans l’entreprise familiale. J’ai travaillé 2 ans dans un magasin de cycles de ma région puis j’ai eu la chance via Marina Jaunâtre (cycliste professionnelle de l’équipe Vienne Futuroscope et femme de mon meilleur ami) t’intégrer cette structure pendant 2 saisons, cela m’a fait découvrir l’univers de ce milieu et de me faire connaitre.
J’ai ensuite effectué 4 saisons en DN1 au Vendée U, ce qui m’a permis de travailler de temps en temps avec l’équipe Bouygues Telecom à l’époque et de faire mes premiers pas dans le monde professionnel. J’ai démissionné après ces 4 années pour aller chez Saur Sojasun. A la fin de l’aventure Sojasun, j’ai eu la chance de rebondir à la FDJ pendant 4 saisons, pour ensuite être là où je suis, chez Vital Concept – B&B hôtels.
Jérôme Pineau au moment de la revente des vélos de son équipe en fin de saison | © Le Télégramme
Selon-vous quel est le côté le plus passionnant de ce métier ? Et au contraire le plus pénible ?
– La réponse se trouve dans vos questions : vivre de sa passion au quotidien est une grande chance, j’en suis très conscient. Le coté le plus difficile dans ce métier est l’éloignement avec ses proches durant toute l’année : je suis parti 180 jours de chez moi.
Quel est votre plus gros moment de stress dans ce métier ?
– C’est la chute car j’ai toujours l’appréhension de retrouver un coureur (de mon équipe ou une autre) dans un sale état. C’est aussi l’ennui mécanique au mauvais moment, lorsque la course se fait ou dans les derniers kilomètres (pour le classement général ou pour une victoire au sprint).
– Sur une classique, quel va être votre rôle ?
Mon rôle est le même sur toute les courses du calendrier, c’est-à-dire de mettre les coureurs dans les meilleures dispositions, préparer les vélos suivant leurs souhaits.
Bryan Coquard et son staff | © Vital Concept
Quel est le programme de la journée dans ce cas ?
– Tout le travail technique est fait la veille, le matin de la course, nous gonflons tous les vélos et roues de rechange et disposons les vélos sur les galeries des voitures de course suivant l’ordre que les directeurs sportifs nous donnent. Il y a un mécanicien par voiture.
Quand vous avez un changement de partenaire comme Orbea qui vous quitte, voyez-vous ça comme une remise en question ?
– La remise en question est nécessaire pour ma part, car mon rôle est d’échanger régulièrement avec nos partenaires techniques pour les commandes, sur les problèmes que l’on peut rencontrer en course, sur l’améliorations et les tests de nouveaux composants ou cadres. Le rapport que j’ai avec nos différents partenaires est très important à mes yeux car c’est dans des relations saines que l’on peut évoluer et avoir ce que l’on souhaite. Mais il faut aussi connaitre la situation et les souhaits de chaque intervenant avant de tout remettre en question.
On peut aussi voir qu’il y a une grosse valse des constructeurs de cadres cette saison (au minimum 5 équipes), cela fait partie de la vie d’une équipe.
Quand vous avez débuté dans le métier, les cassettes avaient combien de pignons ?
– Le nombre était de 9 à l’époque.
Depuis lors, quelle est pour vous la principale innovation technique : les groupes qui prennent régulièrement des pignons en plus, le DI2 ou l’électrique en général, le passage des câbles dans les tubes, les disques ou une autre innovation ?
– En 1er, je dirais le dessin des cadres et l’arrivée du tout carbone. Puis, le passage de vitesses électriques et maintenant le freinage hydraulique et le passage de toutes les gaines intégrées dans le cintre, potence et cadre.
A ce sujet, c’est très joli de voir un vélo sans câbles et gaines apparents mais cela demande un peu plus de temps de montage.
Croyez-vous à l’avènement du mono plateau ?
– Tout est possible, le VTT s’y est mis et ça se répand de plus en plus donc pourquoi pas. SRAM est utilisé par certaines équipes, il y a des choses à améliorer mais les coureurs s’y mettent. Tout changement ou évolution amène une transition plus ou moins longue par son temps d’adaptation. Mais une chose est certaine il y aura toujours des avantages et inconvénients. Rappelez-vous du passage des vitesse mécaniques à électriques, 2 coureurs et non des moindres (Fabian Cancellara et Alberto Contador) ont refusé toute leur fin de carrière d’utiliser l’électrique (doute sur la fiabilité et le poids des composant légèrement supérieur). Alors qu’aujourd’hui, il n’y a que de l’électrique.
Mais à mon avis, ce ne sont pas les acteurs (managers, coureurs et mécaniciens) qui ont la clé pour valider les évolutions mais bien l’industrie du cycle. N’oublions que nous sommes la vitrine et que nous sommes dans l’obligation de promouvoir les nouveautés.
Les vélos méritent toute l’attention des mécaniciens | © Vital Concept – B&B hôtels
Selon-vous sous quel délais tout le peloton pro sera passé en disques, si ça arrive bien sûr ?
– Fin 2020, il n’y aura plus de patins je pense, mais mon avis est qu’il serait bon que l’UCI prenne une décision radicale, l’imposer ou l’interdire pour la sécurité du coureur. Pour en avoir discuté avec les coureurs, il y a un danger aujourd’hui à utiliser les 2 systèmes de freinage car le temps de réaction est sensiblement le même pour les coureurs mais le temps de freinage qui s’écoule est différent et je reste persuadé que des chutes pourraient être évitées. Et j’ai le même constat sur route humide.
Quand vous êtes sur le parking des hôtels, au départ de courses, aimez-vous être sollicité par les fans ou est-ce une gêne quand vous travaillez ?
– Cela ne me dérange pas et je trouve que ça fait partie de notre métier, donner une image sympa de soi et surtout de l’équipe. Puis je n’oublie qu’avant de faire ce métier j’étais un fan qui venait au pied des bus, demander un autographe, une photo ou autre.
Quel est le coureur le plus méticuleux et le plus pénible que vous avez connus ?
– Pour le coureur le plus méticuleux, il s’agit de Steve Morabito. Le plus « pénible », je ne souhaite pas le dire car ce n’est jamais sympa et la façon dont on peut l’interpréter peut vexer le coureur, mais j’en ai connu quelques-uns et j’en ai encore.
Comment voyez-vous votre métier dans 10 ans ?
– J’avoue ne jamais m’être posé la question et je ne l’imagine pas. J’aime vivre au présent.
Par Olivier Dulaurent