L’actualité matériel sur le Tour est forcément liée à l’équipe Ineos qui utilise des roues Lightweight en lieu et place des Shimano qui reste son partenaire et sponsor. Malgré la renommée de l’équipe britannique, il est question d’achat ici et non de partenariat. Montant évoqué : près de 100 k€ ! Il faut dire qu’à plus de 5000€ la paire de roues, en prix public, le « quota » est rapidement atteint.
L’équipe Ineos en roues Lightweight | © Team Ineos
Pour le reste c’est Vincent Poulain, mécanicien de l’équipe Total Direct Energie qui fait notre actualité cette semaine.
Coureur à pieds à la base, il allait voir son frère sur les courses cyclistes. Ce n’est qu’à l’âge de 18 ans qu’il a débuté la pratique à 2 roues. Conjointement il était déjà mécanicien et rêvait de l’être chez les pros. Avouant que cela a été compliqué au départ car les places étaient chères, en 1999 Jean-René Bernaudeau lui a tendu la main sur une course pour faire une pige. L’essai a été concluant et dès l’année suivante, au démarrage de l’aventure de l’équipe, Vincent intégrait la structure dans laquelle il est toujours aujourd’hui.
© Vincent Poulain
Quel est le côté le plus passionnant de ce métier ?
– C’est l’évolution du matériel, c’est assez impressionnant. L’arrivée du carbone, de l’électronique.
A l’inverse, quel est le côté le plus contraignant ?
– Pas contraignant à proprement parlé. Forcément du côté de la famille voire de la tension nerveuse mais c’est à la marge.
Paul Ourselin | © Total Direct Energie
Quelles sont les gros moments de stress sur une course comme par exemple la présentation des vélos de chrono auprès des commissaires, afin qu’ils soient aux bonnes cotes ?
– « Stressant » n’est pas forcément le mot approprié car nous avons des « pieds de cotes » donc nous faisons tout pour que nos vélos passent. Cela est arrivé il y a quelques années qu’un vélo soit refusé mais cela n’est plus le cas chez nous. Au pire, nous disposons de quelques minutes pour parfaire les réglages afin de passer les contrôles.
A l’image de quelques équipes comme Trek Segafredo ou Movistar qui ont des équivalents féminins des équipes professionnelles hommes, vous verriez-vous mécano dans une équipe féminine ?
– Oui pourquoi pas. J’ai un collègue mécano qui est d’ailleurs marié à une cycliste professionnelle. Encore une fois, pourquoi pas, car de toutes façons le métier reste le même.
Comment gérez-vous le fait d’avoir, sur les grandes courses comme le Tour que vous ferez pour la 1ère fois des gens qui viennent vous voir sur les parkings ? Le voyez-vous comme quelque chose qui vous met en valeur ou bien, est-ce une contrainte dans votre travail ?
– Nous avons besoin du public pour vivre. Mais parfois nous avons besoin d’être au calme. Nous ne pouvons pas toujours répondre. Mais les gens comprennent et ça se passe très bien.
Quelle est pour vous la principale évolution que vous ayez connu entre l’augmentation du nombre de pignons, les disques, l’électronique ?
– De mon point de vue, ce sont les cadres. Avec l’aérodynamisme, les passages de câbles intérieurs.
L’électronique aussi bien sûr. Au final, cela fait de sacrées machines aujourd’hui.
La vie d’une équipe, ce sont des changements de partenaires (roues, groupes, cadre). Vous le voyez comme une contrainte ou comme quelque chose qui vous passionne, comme par exemple l’apparition des disques sur vos cadres Wilier ?
– Toutes les évolutions sont bonnes à prendre. Nous nous déplaçons (mécanos, certains coureurs) en Italie chez Wilier pour voir comment les choses évoluent.
Vincent Poulain au micro de Vélo 101 | © Vélo 101
Quel est le coureur le plus méticuleux et le plus motivé pour tout ce qui touche la mécanique que vous ayez eu, entre tous les types de cyclistes, rouleurs, puncheurs, sprinteurs ou grimpeurs ?
– A coup sûr Thomas Voeckler. Le plus méticuleux, le plus passionné. Le plus proche des mécanos aussi. J’en ai un super souvenir. Avec des gens comme lui, on progresse c’est sûr.
Nous avons vu sur le Giro quelques changements de roues ou de vélo qui se sont mal passés. A l’instar de la Formule 1 et leurs changements de roue qui sont primordiaux, pensez-vous que les mécaniciens doivent s’exercer à ces changements ou les pousser véritablement une fois que les coureurs sont remis en selle ?
– Nous touchons tellement tous les vélos, donc cela naturel à force de relancer un coureur suite à une crevaison. Avec les disques, il nous faut nous entrainer plus car le changement de roue est plus délicat. Mais ça va se faire.
Les coureurs communiquent de plus en plus à l’aide des réseaux sociaux. Et ils utilisent aussi des moyens comme WhatsApp pour communiquer avec leurs mécanos alors qu’avant il existait un contact systématiquement direct, par la force des choses. Comment abordez-vous cela ?
– Il y a effectivement un côté pratique avec WhatsApp. Car le soir le coureur a pu oublier de nous préciser un point, par fatigue ou autre, en « direct ». Donc là, sans se déplacer il peut nous informer.
En début de Tour au contraire, j’ai demandé à certains coureurs de venir nous voir discuter.
Les 2 sont bons à prendre.
Anthony Turgis | © Total Direct Energie
Sur les Grands Tours, le fait que les effectifs passent de 9 à 8 coureurs, est-ce que cela a changé une phase de votre métier ?
– Cela ne change pas grand-chose. Un coureur en moins, ça se sent peu.
Nous voyons l’ère du « tout disques », peut-être plus tard celle du mono plateau. Quelle évolution voyez-vous s’installer chez les pros ?
– Le tout disques, nous y sommes presque. En 2020 cela va encore s’accentuer. Au niveau des jantes nous avons moins de soucis de chauffe. Même en cas de casse de rayon, le coureur peut continuer à rouler.
Regardez-vous ce qui se fait chez les concurrents ?
– Oui, nous allons voir les autres équipes pendant que, eux viennent nous voir. Cela reste toujours intéressant et cela va dans le bon sens pour tout le monde.
Comment voyez-vous votre métier et vous dans 10 ans ?
– Je ne sais pas vraiment. Tout évolue tellement vite que j’ai du mal à me projeter. Un peu comme pour le monde des Formules 1, les mécaniciens ne peuvent pas annoncer quel sera le métier en s’imaginant 10 ans de plus.
Du côté des points WT Matériel 101 et au risque d’être redondant, aucun changement : en tête nous retrouvons toujours Specialized/Shimano/Roval dont les représentants continuent de marquer des points depuis une semaine avec Julian Alaphilippe et Elia Viviani.
© Vélo101