Ce ne sont pas les Mark Cavendish, Elia Viviani, Bradley Wiggins ou Thomas Geraint qui peuvent contredire cette constatation.
Les Championnats du Monde sur piste qui se déroulent actuellement en Allemagne peuvent remettre le débat au centre des attentions.
Observons les intérêts de passer de l’un à l’autre.
De la piste à la route :
– Savoir rouler sans les freins. Par définition un vélo de piste n’a pas de frein et cette caractéristique s’ajoute au fait qu’il n’est pas possible de faire de la roue libre (pignon fixe). A noter qu’il reste bien sûr possible de ralentir – ou de s’arrêter – en diminuant volontairement la rotation du cycle de pédalage.
Pour savoir se placer dans un petit groupe, les réflexes acquis peuvent être particulièrement intéressants puisque le cycliste développe alors un dosage parfait du coup de pédale en lissant son effort tout en étant placé exactement où il le désire. Cette habileté est alors un atout dans un peloton sur route quand il s’agit d’évoluer à l’allure demandé en faisant le moins d’effort possible.
Sur la piste, le fait de frotter devient moins dangereux du fait même de l’absence de freinage et de décélération rapide. Un avantage certain pour ceux qui ne sont pas à l’aise dans les pelotons sur la route.
– Le coup de pédale. C’est peut-être l’aspect le plus connu et durant des décennies d’entrainement de « routiers » le pignon fixe (sur route aussi) a été de rigueur. Les « anciens » ne disaient-ils pas qu’il fallait rouler 1000 km en pignon fixe avant de revenir au vélo à vitesses ? Ce kilométrage peut aussi être réalisé sur route mais avec un danger supérieur puisqu’il n’est pas possible de s’arrêter sur une distance très courte. Il n’est pas non plus évident d’emprunter de longues descentes pentues qui obligent à pédaler en permanence. Le fait de devoir tourner les jambes en permanence, peut aussi faire prendre de bonnes habitudes : pas réellement pour les pros qui ne s’arrêtent pas de pédaler au moindre faux plat descendant mais plutôt pour les amateurs (surtout chez les débutants) qui pensent récupérer de leur efforts sitôt que la pente est négative.
Il est à noter que le gain sur le coup de pédale en roulant en pignon fixe n’est pas toujours observé chez les cyclistes n’ayant pas le bon geste. En effet, lorsque celui-ci n’est pas maitrisé, le principe même du pignon fixe permet d’effectuer une partie du « travail ».
Les adeptes du pignon fixe sur route louent même les avantages à n’utiliser qu’un seul braquet, permettant de faire à la fois de la vélocité et de la force selon le relief. Pour autant, on peut imaginer un routier effectuant sur son vélo traditionnel sa sortie en « monovitesse », tout en s’obligeant à pédaler sans interruption. Les qualités travaillées seraient alors les mêmes.
Mark Cavendish et Bradley Wiggins associés | © UCI
– Travailler le spécifique. Une fois sur la piste, il est rare que le cycliste « roule pour rouler ». La plupart du temps, il est présent pour travailler le spécifique, que ce soit le seuil, la PMA, l’explosivité ou l’hypervélocité. Ces aspects peuvent être abordés avec une sortie sur route mais d’une part c’est probablement moins ludique mais d’autre part le travail peut être extrêmement précis puisque la distance est connue, il n’y a pas de gêne liée au trafic ou au terrain (virages, descentes) rendant l’organisation des séances parfois plus compliquer à calibrer.
Yoann Offredo et Arnaud Démare au vélodrome de Saint Quentin, Florian Sénéchal à Roubaix ou Marc Sarreau à Bourges. Ces coureurs utilisent aussi ces pistes couvertes par rapport à des questions météorologiques. Citons aussi Bryan Coquard qui a longtemps une mené une carrière de pistard et de routier, et utilise la piste en tant qu’outil.
De même Mark Cavendish avait expliqué que son regain de forme de l’année 2016 (vainqueur de 4 étapes sur le Tour) grâce à une pratique indoor assidue l’hiver précédent.
A l’inverse, les anciens pistards Bradley Wiggins ou Thomas Geraint ont diminué ou stoppé leur pratique de la piste quand ils se sont mis à viser les Grands Tours. Questions d’objectifs et de filières énergétiques puisque dans leurs cas, il est alors plus rentable d’aller monter le Teide jusqu’à plus soif.
De la route à la piste :
Sur la piste, les courses ne sont jamais très longues, maximum 1h pour l’américaine (chez les pros).
Sur les épreuves de sprint, par exemple la vitesse individuelle, pour les finalistes il faut boucler 5 courses (en 2 jours), chacune d’elle se jouant en 2 manches gagnantes. Donc un maximum théorique de 15 courses. Sans compter que ces coureurs font souvent par ailleurs, le Keirin, la vitesse par équipes et le kilomètre ! Il est donc obligatoire d’encaisser cet enchainement de courses et pour se faire, une seule solution : avoir une endurance suffisante. S’il n’est pas question de boucler 5h de selle pour obtenir cette qualité (François Pervis avait perdu une partie de ses qualités explosives en tentant d’améliorer à l’excès son endurance avec des sorties longues), il est nécessaire d’avoir une base foncière.
François Pervis | © FFC / P. Pichon
Du BMX à la piste :
Un passage moins connu et pourtant plus proche dans le type d’effort est celui observé entre le BMX et le vélodrome. En effet, les durées sont proches si l’on considère les disciplines de sprint sur piste, les niveaux de puissances équivalents (2500w pour les meilleurs !) et l’explosivité est la 1ère qualité demandée dans les 2 cas. L’entrainement se ressemble aussi avec une bonne partie de musculation.
Pour ces raisons, il n’est guère étonnant d’avoir vu Quentin Caleyron passer d’un niveau de sélectionné olympique et double vice-champion de France en BMX à celui de pistard. La proximité immédiate des 2 pistes (BMX et vélodrome) à Saint Quentin en Yvelines a favorisé cette transition. Aidée également par la connaissance de quelques champions dont Grégory Baugé.
Sa 1ère compétition, fin 2017 l’a d’ailleurs mis en face d’un autre ancien bicrosseur français de talent (Tom Derache) qui a finalement été le seul à battre le « néophyte » en finale du 200 m lancé. Les progrès dans la nouvelle discipline se sont traduits par une 1ère place de la vitesse par équipes (associé avec Florian Grengbo et Quentin Lafargue) et une 2ème place en individuel lors de la Coupe du Monde disputée à Milton au Canada.
Quentin Caleyron | © Facebook Quentin Caleyron
Par Olivier Dulaurent