Plus grande épreuve cycliste, et 3ème événement sportif du monde, comme chaque année la Grande Boucle va susciter spectacle, émotions et combats sportifs sur la route.
Comme il se doit, un certain nombre d’enjeux serviront de fil rouge tout au long de la course. En effet, si certaines équipes sont venues uniquement pour empocher le général, d’autres viseront les victoires d’étapes, les maillots distinctifs ou plus modestement « montrer le maillot » (même si l’ambition ne s’affiche pas ainsi au départ).
Tadej Pogacar au dessus du lot sur son Tour national | © Team UAE
Pour le général, les favoris
A tout seigneur, tout honneur, viser la plus haute place du podium devrait rester l’apanage de Primoz Roglic, Tadej Pogacar et « l’équipe Ineos Grenadiers » dans son ensemble tant les rôles ne sont pas définis à coup sûr avant le départ. En effet, pour l’écurie britannique, il y a fort à parier que c’est le terrain qui va déterminer pour qui les équipiers vont rouler. Pour l’heure et même si dans les médias le staff a annoncé laisser le leadership à Geraint Thomas, les récentes prestations du mois de juin sur les courses à étapes (Richie Porte vainqueur du Dauphiné Libéré et Richard Carapaz vainqueur du Tour de Suisse) ont montré qu’Ineos avait plusieurs cordes à son arc. Sans compter la présence de Tao Geoghengan Hart, qui avait été plus qu’un leader de substitution sur le Giro 2020 après l’abandon précoce de Geraint Thomas.
En essayant de faire un peu de projection sur le déroulement des étapes, parmi ces 4 hommes forts chez Ineos Grenadiers, il est possible de penser qu’à l’issue du Contre La Montre de Laval lors de la 5ème étape, ce soit Geraint Thomas, supposé le meilleur rouleur quand il est en forme, le mieux placé de l’équipe. Ainsi, sur la 1ère échéance en montagne qui conduira les coureurs au Grand Bornand, l’ancien spécialiste de la piste pourrait être le coureur « le plus protégé ». Quoiqu’il en soit, les 4 autres coureurs qui constituent l’équipe (Jonathan Castroviejo, Michal Kwiatkowski, Luke Rowe et Dylan Van Baarle) sont à un niveau tel, qu’ils seront capables d’abriter leurs leaders très loin dans la course.
Et comme l’avait rappelé durant l’intersaison le manager Dave Brailsford, l’équipe aimerait davantage gagner « avec la manière » plutôt qu’en utilisant une tactique qui avait pourtant marché tant de fois (7 fois sur le Tour de France), à savoir celle du rouleau compresseur : tempo rapide mais non extrême toute la journée, convenant parfaitement aux rouleurs-grimpeurs-leaders de l’équipe (Egan Bernal excepté) et fatiguant les purs grimpeurs. Le but est globalement de finir les étapes de montagne au contact des meilleurs puis de creuser un écart irrémédiable en chrono.
Une tactique peu spectaculaire mais imparable le plus souvent. Sauf lorsqu’une équipe adverse (Jumbo Visma en l’occurrence sur le Tour 2020) la reprend à son compte mais que le leader « déraille » ou que son opposant est dans le jour de sa vie, selon sa propre analyse.
Car, la tactique du rouleau compresseur ne fonctionne que lorsque le leader est certain d’achever le travail. Et sur les Tours victorieux de Wiggins, Froome, Thomas et Bernal, chacun d’eux était arrivé sur l’épreuve française en tant que favori, sur la base de la forme des favoris.
Or, avec Roglic et Pogacar en face, il n’apparait pas tout à fait concevable que les 4 leaders chez Inoes puissent tenir les roues des slovènes partout, en haute montagne. D’autant plus pour éviter une « Roglic Tour 2020 », un Geraint Thomas ou un Richard Carapaz seraient bien avisés de prendre un peu de champ dès que cela sera possible. Et quoi de mieux que de pouvoir compter sur ses amis ? Ineos peut ainsi faire attaquer ses 4 hommes forts à tour de rôle, ne prenant pas la course à son compte à l’issue des attaques. L’idée a forcément fait son chemin au sein de l’encadrement, reste à savoir si la théorie du tableau noir pourra résister à l’explication « à la jambe » sur les pentes du Ventoux ou de la Colombière.
Primoz Roglic en camp d’entrainement au mois de mai | © Jumbo Visma
Dans ces conditions, difficile de penser que les 2 slovènes puissent être battus à la pédale, sur l’ensemble du Tour. Ce sont eux qui ont apporté le plus de garanties depuis la saison dernière. Un avantage tout autant psychologique que physique est peut-être à porter à l’avantage du plus jeune des 2, lui qui bénéficie justement de sa jeunesse, des progrès réellement physiques qu’il peut encore espérer à son âge et également d’une équipe sérieusement renforcée depuis l’année dernière.
Derrière ces hommes forts, une surprise est toujours évidemment possible. Elle peut venir de Julian Alaphilippe qui peut avoir en fin de Tour 2021 l’essence qu’il lui a manquée en 2019.
De Simon Yates, capable du meilleur comme du pire parfois mais qui, lorsqu’il est au meilleur est difficilement suivable.
De Rigoberto Uran, toujours placé mais jamais gagnant mais qui vient de produire l’un de ses meilleurs chronos sur le Tour de Suisse.
De Miguel Angel Lopez, qui est lui aussi en recherche de constance sur une course de 3 semaines.
Mes favoris :
Pogacar *****
Roglic ****
Thomas, Carapaz, ***
Angel Lopez, Uran, Yates, Alaphilippe, Geoghegan Hart, Porte **
Gaudu, Mas, Quintana *
L’équipe Deceuninck Quick Step s’entraine sur les routes bretonnes avant le Tour | © Deceuninck Quick Step
Du spectacle sur les arrivées musclées
Avec des coureurs aussi talentueux qu’explosifs (Mathieu Van der Poel, Julien Alaphilippe, Wout Van Aert et dans une moindre mesure Michael Mathews et le Peter Sagan d’aujourd’hui), les arrivées pour puncheurs que constituent par exemple les 1ères et 2èmes étapes, promettent un grand spectacle. A ce petit jeu s’ajoute aussi la quête du maillot jaune, qui donnera encore plus de piment aux joutes physiques.
Van der Poel rêve de réussir où son grand père Raymond Poulidor a échoué durant toute sa carrière. Une seule étape lui suffirait pour cela et sur que l’on a pu voir en Suisse, c’est probablement l’homme le plus fort du monde aujourd’hui sur les arrivées en bosses « pas trop difficiles ». Van Aert sera peut-être trop court en début de Tour, lui dont la préparation a été perturbée par une opération à l’appendicite au mois de mai et qui n’est pas encore à son meilleur niveau – de son propre aveu – malgré sa victoire sur le Championnat de Belgique… mais sans avoir Van der Poel ou Alaphilippe en face.
Ces compères là pourraient se retrouver sur la 7ème étape qui mènera au Creusot, final durant lequel Julian Alaphilippe pourra retrouver à nouveau des pourcentages plus propices à ses caractéristiques.
Mathieu Van der Poel aimerait troquer le jaune du Tour de Suisse contre le jaune du Tour de France | © Photo News – Alpecin Fenix
Là où la course peut se jouer pour le général
Les organisateurs du Tour ont l’habitude de « survendre » leur parcours, c’est-à-dire en expliquant à quel point il est pertinent sur la base de montées répertoriées de tant de kilomètres avec tant de pourcentage. Mais dans le détail, les routes empruntées sont larges et souvent trop droites, offrant aux leaders un abri confortable derrière des équipiers dont le niveau est tout juste inférieur.
ASO brandit l’argument du poids de la caravane et des spectateurs à caser, lorsqu’ils sont interrogés sur le sujet, ce qui revient à laisser entendre que les aspects financiers dictent le parcours.
Dès lors, pour le général il y a peu à espérer des « grandes routes ». Pour autant, si les coureurs veulent faire la course, l’étape du Grand Bornand avec l’enchainement Mont Saxonnex-Romme-Colombière peut s’avérer extrêmement exigeant car il n’y a pas ou peu de vallée entre de difficiles montées.
A l’inverse et pour illustrer le propos de base, les suiveurs ne peuvent pas espérer grand-chose de l’arrivée à Tignes, malgré ses 2100 m d’altitude. En effet, si le difficile col du Pré ne sera franchi qu’à 62 km de l’arrivée, la montée finale n’est autre qu’une très large nationale peu pentue (pour des professionnels) et sur laquelle les équipiers vont se « régaler ». Un sprint en petit groupe va probablement départager les protagonistes. Certes, une surprise est toujours possible, comme en 1996 où, mauvais temps aidant l’étape arrivant aux Arcs avait rendu un verdict inattendu avec la défaillance de Miguel Indurain. D’ailleurs, les coureurs vont emprunter la même descente du Cormet de Roselend avant la dernière montée.
L’étape du Ventoux quant à elle, est présentée comme une double ascension du Géant de Provence – ce qu’elle est dans les faits – mais le sommet de la 1ère montée sera à 35 km du pied de la 2ème (incluant 15 km « faciles »). De quoi décourager toute tentative avant la montée finale. Cependant, en cas de grosse chaleur et/ou de vent c’est une étape qui peut peser.
Le profil de l’étape du surlendemain conduisant les coureurs à Carcassonne n’a pas de quoi effrayer le 1er cyclotouriste un peu entrainé et pourtant, les écarts pourraient s’y montrer supérieur que l’avant-veille au Ventoux, si le vent est de la partie, comme c’est souvent le cas dans la région.
Au niveau du relief c’est l’étape qui mènera au-dessus de Saint Lary Soulan qui figurera d’étape reine puisque sur les 60 derniers kilomètres et après 115 km faciles (attention au changement de rythme…) il conviendra d’enchainer sans temps mort le col de Peyresourde, le col d’Azet et la montée au col du Portet qui est probablement la montée la plus difficile des Pyrénées, même si les pourcentages ne sont pas aussi élevés que dans le Pays Basque, ce qui là encore n’encourage pas les attaques des protagonistes du général.
Le profil de la 17ème étape | © ASO
Quoiqu’il en soit, à ce stade de la course, il ne restera que le Contre La Montre final à Saint Emilion pour départager les coureurs. Souvent appelée « heure de vérité », le classement final pourrait se jouer sur le parcours tout plat, ou presque. A ce petit jeu, les Ineos partent théoriquement avec une longueur d’avance sur la base de leurs qualités intrinsèques mais pour l’heure, nul ne peut dire s’ils seront en avance ou en retard au classement au moment de s’élancer.
Par Olivier Dulaurent