Cette épreuve d’un jour sera le seul et unique moment accordé aux coureuses par l’organisateur ASO. Curieusement, alors que le premier Tour de France féminin a été organisé dès 1955, il semble tout à fait surprenant que de nos jours un tel déséquilibre demeure entre les genres au regard de la place qui leur est accordés dans et autour de la Grande Boucle.
Un déséquilibre qui de notre avis ne saurait durer, à l’heure où le cyclisme féminin connaît un très bel essor, tant du côté du nombre de pratiquantes qu’au niveau le plus élevé de compétition. La question se pose donc de savoir quel type d’épreuve serait le plus à même, dans le contexte du Tour de France, d’assurer au cyclisme féminin la plus belle représentation et la meilleure promotion.
Marianne Vos l’emporte sur La Course by le Tour 2019 | © ASO / Alex Broadway
Le sujet n’est pas nouveau : outre l’épisode légèrement anecdotique de 1955, l’idée de l’organisation d’un pendant féminin au Tour a conduit à plusieurs tentatives :
– Le Tour de France féminin, organisé entre 1984 et 1989, qui hormis la première année peut être résumé à un affrontement de deux célèbres duettistes, Maria Canins et Jeannie Longo. Cette épreuve, organisée par celle qui s’appelait encore la Société du Tour de France est devenue en 1990 le Tour de la CEE féminin, avant de cesser d’exister en 1992
– De 1992 à 1997 a été organisé le « Tour Cycliste féminin », devenu la « Grande Boucle féminine internationale » à partir de 1998. Cette épreuve était organisée par une structure concurrente de la Société du Tour de France, devenue entre-temps ASO, et cette concurrence a conduit à des limitations sur le vocabulaire-même qu’il était possible d’utiliser dans la désignation et le déroulement de l’épreuve : le terme « Tour » n’a ainsi plus pu être utilisé à partir de 1998, et pour des raisons semblables, ce furent des maillots « or » et des maillots « émeraude » qui distinguèrent les jeunes femmes en tête du classement général et du classement par points. Cette épreuve fut organisée pour la dernière fois en 2009.
Annemiek van Vleuten | © Annemiek van Vleuten
Aujourd’hui, quid de l’avenir ? La question mérite une réponse quelque peu urgente car la Grande Boucle est clairement en souffrance d’un pendant féminin d’une plus grande importance — sans enlever une once de mérite à cette épreuve — que « La Course by Le Tour ». La question est d’autant plus d’actualité que de l’autre côté des Alpes, premier endroit où l’on regarde lorsqu’on traite ce type de sujet, le « Giro Rosa » (officiellement « Il Giro d’Italia Internazionale Femminile ») est devenu en 30 éditions la course par étapes de référence, 144 concurrentes dont les meilleures mondiales s’affrontant sur 10 étapes, et que de l’autre côté des Pyrénées l’Emakumeen Euskal Bira, une épreuve de 4 jours riche d’une histoire de 32 éditions n’est pas complètement en reste, malgré une participation moindre, mais néanmoins de 14 équipes.
Fort de ce constat et alors que la France (et ASO) se targuent d’avoir sur son sol la plus grande épreuve cycliste du monde, il apparait pour le moins incongru de ne pas avoir de pendant féminin au Tour de France masculin.
Jade Wiel | © Kim Caritoux
Face deux références des courses par étapes actuelles, le Giro Rosa en particulier, on mesure le travail à accomplir pour qu’une version féminine du Tour de France digne de ce nom puisse être montée avec succès. Mais si cela implique de répondre à de nombreuses questions – quel calendrier, quel format, quel parcours, quelle couverture média, quel modèle économique, etc. – celles-ci ne semblent pas insurmontables.
La Course by le Tour s’étant déroulée ce matin à 10h, il est possible d’imaginer que le procédé peut être reproduit sur plusieurs étapes. Pourquoi ne pas envisager une course englobant l’un des 2 massifs montagneux ainsi qu’une partie moins accidentée ou un « massif intermédiaire » – selon le terme employé par les organisateurs.
Les équipes elles-mêmes semblent dans l’attente d’une telle épreuve. Au niveau World Tour, on recense déjà de nombreuses équipes mixtes telles que Mitchelton Scott, Trek Segafredo, Movistar, FDJ Nouvelle Aquitaine-Futuroscope, Lotto Soudal ou Sunweb. Cela démontre, si besoin est l’intérêt du monde du vélo pour les féminines. Pour le parcours, on peut espérer que nombre des villes et départements candidats à recevoir le Tour masculin seraient ravis d’accueillir les féminines. Quant à la médiatisation les plates-formes numériques ont montré lors du dernier Giro Rosa qu’elles permettaient tout à fait aux fans de suivre la course. Pour le format, il faudra décider si l’on souhaite organiser d’emblée sur 9 ou 10 jours une épreuve comparable au Giro Rosa ou s’il conviendra de monter d’abord une épreuve de trois ou quatre étapes, comme l’épreuve espagnole ou la version féminine du Tour de Califormie.
Audrey Cordon-Ragot | © Audrey Cordon-Ragot
Quoi qu’il en soit, tout le secteur du cyclisme français et le Tour de France lui même gagneraient à une telle démarche en direction des féminines : le cyclisme français en général, au niveau amateur, cyclo-sport ou cyclotourisme, souffre d’un retard de féminisation si on le compare à l’Italie, déjà citée, où aux pays Anglo-Saxons, pour ne pas parler des Pays-Bas. Davantage de féminisation ne pourrait être que bénéfique tant à l’image du sport, qui apparaitrait moins « machiste » et donc plus contemporain, qu’à l’ambiance dans les clubs et dans les groupes du dimanche matin. Et l’attrait du cyclisme sur route, en particulier pour la jeunesse, y gagnerait beaucoup.
Alors formons nos meilleurs vœux pour que ce Tour féminin voie le jour, et vite…