Mais voilà, son « soleil » de juin 2019 a d’abord fait craindre le pire sur ses chances de retrouver une condition physique d’athlète mais l’a surtout mis devant le Contre La Montre le plus difficile de sa carrière : revenir au meilleur niveau pour la saison 2020 en général et le Tour en particulier. Dans son malheur, pour les raisons sanitaires que l’on connait, le report de la Grande Boucle au mois de septembre, lui a donné 2 mois d’entrainement supplémentaires, bienvenus dans un tel cas.
A l’heure où le Dauphiné Libéré est à nouveau au centre des attentions, le compte à rebours tourne toujours.
Pour autant, les vrais repères sur son niveau étaient attendus dès le démarrage tardif de la saison en cours. Mais on peut imaginer que le staff d’Ineos et Froome lui-même étaient parfaitement au courant du niveau réel du coureur britannique. Il faut dire qu’il n’y a pas plus « juste » qu’un capteur de puissance face à un col. Les tests effectués en stage à Tenerife ou plus simplement sur un Home Trainer, ne trichent pas.
Et la tactique mise en place sur la Route d’Occitanie, plus particulièrement lors de l’étape reine conduisant les coureurs au col de Beyrède, se basait forcément sur les watts des uns et des autres… à l’entrainement. Et, au moins pour ce début du mois d’Août, le niveau physique de Froome est probablement voisin de celui de l’espagnol Jonathan Castroviejo, c’est-à-dire derrière ceux de Tao Geoghegan, de Pavel Sivakov et bien sûr du dernier étage de la fusée, Egan Bernal.
Egan Bernal, Chris Froome et Pavel Sivakov sur la Route d’Occitanie | © Team Ineos
On sait Chris Froome suffisamment intelligent et professionnel pour avoir certainement accepté le deal suivant : une participation assurée sur le Tour – la concurrence est extrêmement rude chez Ineos – en contrepartie d’un travail d’équipier. Il faut dire qu’avec Egan Bernal et Geraint Thomas dans l’effectif, il est plus utile pour l’équipe d’avoir un coureur qui tire des bouts droits ou ramène des bidons en plaine et fait les pieds de col en montagne, plutôt que d’avoir un coureur protégé mais qui risque de « sauter » à la 1ère grosse accélération entre costauds. N’oublions pas non plus que le coureur a 35 ans, que sa dernière victoire sur le Tour remonte déjà à 3 ans, une éternité à ce niveau d’âge. Certes, Chris Horner remportait à 40 ans passés la Vuelta mais sur le Tour de France, 35 ans est probablement un âge limite, surtout en revenant d’une blessure grave. Tout ceci, Chris Froome l’a très certainement compris.
Ce « contrat » tacite entre Froome et son staff permet aussi au Kenyan Blanc de poursuivre sa progression en vue du Tour… 2021. Probablement dans une autre équipe, surtout que Carapaz et Sivakov ne vont certainement pas tarder à revendiquer un statut que leur condition physique et leurs résultats justifient.
Chris Froome | © AFP/Anne-Christine Poujoulat
Par ailleurs pour Ineos, si commercialement parlant, la perspective d’un 5ème Tour victorieux est alléchante, cela se justifie nettement avec un coureur en partance vers d’autres cieux.
Tout laisse ainsi à penser que Froome ne visera pas un 5ème Tour de France. En prenant un peu de recul, le voir revenir à un tel niveau (il a terminé ce mercredi à plus de 5 min la 1ère étape du Dauphiné Libéré) est déjà un bel exploit en soi. Mais les derniers pourcents de forme restent souvent les plus compliqués à aller chercher. Pour autant, en se mettant au service de son équipe et de leader colombien il peut aussi jouer sur une présence en second rideau : sur un grand Tour tout peut arriver et rien ne garantit que Bernal ne tombera pas malade ou ne tombera tout simplement pas. Et alors Froome peut retrouver le leadership en restant au contact des 1ers du général tout en effectuant le travail d’équipier. Bien sûr il ne peut pas se déclarer ainsi devant la presse ou son équipe, mais il est difficile de croire que cette pensée n’a pas traversé l’esprit du « Kenyan blanc ».
Connaissant le perfectionnisme du Champion, il est certain qu’il mettra tout en œuvre pour poursuivre sa progression, afin de retrouver 100% de son potentiel… au sein d’une autre équipe.
Par Olivier Dulaurent