En effet, une bonne dose de surprise est arrivée avec ce changement, le slovaque étant « redescendu d’un cran » en quittant une équipe (Bora Hansgrohe) classée en World Tour pour arriver dans une plus petite équipe, moins bien classée (TotalEnergies), en Continentale Pro. Les questions qui viennent inévitablement après ce simple constat est de savoir si Sagan a fait le bon choix à titre personnel, et également s’il va retrouver le niveau de ses meilleures saisons.

nullUn Paris-Roubaix à oublier pour Peter Sagan | © Bora Hansgrohe

Non

Avec 22 victoires sur la seule saison 2013 et 10 « seulement » cumulées sur les saisons 2020 et 2021, le verdict des chiffres est implacable pour ce coureur qui semblait justement quasi « imbattable » il y a quelques années : à l’époque très rapide au sprint au point de rivaliser avec les tout meilleurs sur le plat, imprenable en bosse courte où son explosivité faisait des ravages mais également très honnête grimpeur comme en attestent ses victoires sur le général du Tour de Californie ou certaines étapes du Tour de Suisse ou du Tour d’Oman. Même sur le Tour de France en haute montagne et bien que cela ne constituait aucunement un objectif il était présent avec par exemple une 42ème place en 2012 ou une 46ème en 2015 au général.

L’examen attentif de ses saisons indiquait déjà un déclin, imperceptible au milieu des années 2010 mais presque sensible dès 2017 ou 2018, année durant laquelle certaines victoires de prestige comme à Paris-Roubaix cachaient le total de l’année avec 8 victoires. Mais ce qui interpelle est la façon dont se sont construites ces victoires : sur Paris-Roubaix justement, il n’avait pas lâché sur les pavés le Suisse Silvan Dillier, pourtant échappé de la 1ère heure. Par ailleurs, il n’était plus capable de suivre les meilleurs puncheurs sur les courses difficiles de par leurs parcours, alors qu’il rivalisait avec des Vincenzo Nibali ou Purito Rodriguez avant de les aligner facilement au sprint comme sur Tirreno Adriatico 2013 ou encore face à un Philippe Gilbert en forme sur la Flèche Brabançonne cette même année. 2013 justement, sa 4ème année chez les pros semble être une espèce d’apogée de sa carrière avec ses 22 victoires au compteur et ce, même la plupart des trophées n’ont pas le prestige d’un monument ou d’un Championnat du Monde.

Ainsi, toutes les qualités (sprint, explosivité, aptitudes à grimper) qui faisaient de lui un redoutable concurrent dans le final des courses, se sont progressivement rabotées. Certes, il reste souvent présent avec de nombreuses places d’honneur mais il ne semble plus peser dans le final des grandes courses qui étaient pourtant taillées sur mesure pour le Sagan de la grande époque. On s’étonne donc de ne plus le voir jouer les 1ers rôles sur Milan San Remo, les Strade Bianche, le Tour des Flandres ou encore les derniers Championnats du Monde, dont les caractéristiques (circuit très technique, 2000 m de dénivelé avec des bosses pas très difficiles) auraient dû le faire jouer avec Julian Alaphilippe, aux côtés des Mathieu Van der Poel et autres Wout Van Aert. A ce sujet, c’est comme si ces 2 derniers coureurs avaient repris le flambeau du coureur Slovaque : tout aussi rapides sur le plat et explosifs dans les bosses que leur ainé.

nullParfois irrésistible sur la dernière ligne droite | © Bora Hansgrohe

Oui

Ce n’est pas un hasard si Peter Sagan est arrivé chez TotalEnergies avec son « team ». Qui comprend donc sa garde rapprochée sur le vélo avec son frère Juraj, Maciej Bodnar et Daniel Oss. Ces 2 derniers, pourtant âges de 36 et 34 ans respectivement ont été préférés par le triple Champion du Monde à des coureurs plus forts – c’est-à-dire pouvant accompagner leur leader plus longtemps – mais moins proches humainement parlant. Car Peter Sagan fonctionne énormément à l’affect et ne se sent bien qu’entouré de ses « amis ». Ainsi, il a aussi entrainé avec lui son mécano et son kiné personnel dans l’équipe française, sans compter la marque Specialized qui le soutient depuis son passage dans l’équipe Tinkoff en 2015.

Pour ce coureur qui aime faire le show, la confiance et l’humain restent primordiaux. Il sait qu’avec l’encadrement lié à Jean-René Bernaudeau il va retrouver une équipe dédiée à sa cause, et prête à se sacrifier pour sa réussite, tandis que Bora Hansgrohe devait partager le leadership entre Sagan lui-même et des coureurs tels que Pascal Ackermann ou Maximilian Schachmann.

Pour autant, l’équipe TotalEnergies dans son ensemble pourra apporter du soutien à Peter Sagan. Si le vieillissant Niki Terpstra (37 ans) ou Edvald Boasson Hagen devenu transparent au fil des saisons ne seront probablement pas présents à la pédale pour jouer devant dans les grandes courses, leur expérience sera précieuse. A l’inverse, le volume physique pris ces deux dernières années par Anthony Turgis, pourrait favoriser Sagan qui aura ainsi un coéquipier à ses côtés en courses de niveau World Tour, quand il devait souvent se débrouiller seul lorsqu’il courait chez Bora.

Enfin, et même si Peter Sagan attaque sa 13ème saison chez les professionnels, il n’a que 32 ans (dans une semaine très précisément). Difficile de penser qu’il soit « fini » à cet âge-là. Le changement d’équipe, la nouvelle culture et une nouvelle langue à apprendre pour lui qui s’exprime tout autant en anglais qu’en italien en plus de sa langue maternelle, ne feront qu’accroitre sa motivation.

 

Par Olivier Dulaurent

 

Peter Sagan espère faire crépiter les appareils photo en 2022Peter Sagan espère faire crépiter les appareils photo en 2022 | © TotalEnergies