Et c’est avant qu’une cascade de courses de rentrée ne remplisse les agendas des semaines suivantes, concentrant les pelotons dans l’hémisphère sud ou dans des contrées où les hivers n’en sont pas.
Cette saison 2020 n’a pas failli à cette règle, présentant des courses hivernales de très bonne facture, aux scénarios parfois déjà vus, comme le numéro habituel de Ritchie Porte dans Willunga Hill, mais surtout riches d’enseignements, comme par exemple la confirmation qu’à respectivement 20 et 21 ans, Remco Evenepoel et Tadej Pogacar font déjà partie des patrons du peloton pro.
Mais pendant très longtemps, la course du début de saison c’était Paris-Nice : à sa création en 1933, elle s’appelait d’ailleurs « les 6 jours de la Route », organisée dans le prolongement de la saison hivernale sur piste — pendant laquelle les courses de 6 jours étaient très prisées — pour permettre aux coureurs de reprendre la compétition sur route. Devenue par la suite « La Course au Soleil », et soutenue par les élus de la Côte d’Azur qui avaient perçu qu’elle pouvait être un excellent support de promotion de leur région, elle a acquis au fil des années ses titres de noblesse, marquée par les victoires des plus grands de l’histoire du vélo : Louison Bobet, Jacques Anquetil, Eddy Merckx, Raymond Poulidor, Sean Kelly, Miguel Indurain, Laurent Jalabert… Et en sus de devenir une course à part entière et un objectif en soi, elle n’a jamais cessé de servir de plate-forme de préparation pour les grandes classiques qui la suivent au calendrier, en particulier les 4 monuments du printemps.
Normalement, ce dernier rôle est aussi et de plus en plus revendiqué par Tirreno-Adriatico, alias « La course des deux Mers », qui depuis sa création en 1966 s’est affirmée comme la cousine transalpine voire l’alter ego de Paris-Nice… A tel point que ces dernières années on a pu voir les leaders des grandes équipes se répartir assez équitablement entre les deux courses, même si d’aucuns ont affirmé que ces dernières années les plateaux de Tirreno étaient un peu plus relevés. On peut toujours observer la liste des derniers vainqueurs, Bernal, Soler, Henao, Thomas et Porte pour Paris-Nice vs Roglic, Kwiatkowski, Quintana et Van Avermaet pour Tirreno, et celles des participants en général, et observer que leur répartition est plutôt équilibrée, tout comme d’ailleurs celle des jumeaux Yates, Simon courant l’an dernier Paris-Nice quand Adam s’alignait sur la course italienne.
Ces deux évènements visant le même objectif, et se déroulant normalement en même temps, on aurait voulu les comparer, pour essayer de voir quels sont leurs avantages et désavantages respectifs : sur les dernières années, ce que l’on a pu observer est que Tirreno-Adriatico a l’avantage de se dérouler dans des conditions météo plus favorables que celles de Paris-Nice (on se souvient des conditions apocalyptiques de neige et de pluie pendant les premières étapes des éditions 2016 et 2017, et aussi des vents violents lors de celle de 2019), conditions qui peuvent s’avérer dangereuses pour les coureurs et leur santé et aussi conduire à des annulations d’étape qui faussent la course (mais Tirreno-Adriatico a aussi dû subir des annulations et modifications de parcours).
En revanche, force est de constater que ces dernières années, Paris-Nice s’est avérée une course beaucoup plus intense en termes de suspense si ce n’est de spectacle : on se souvient des dernières étapes au cordeau des dernières éditions, avec un Alberto Contador attaquant de loin mais échouant finalement de 4 et 2 secondes en 2016 et 2017, un Marco Soler renversant le classement Général en 2018, et un Nairo Quintana très —et inhabituellement— offensif en 2019. En comparaison, les dernières éditions de Tirreno-Adriatico ont souffert de l’importance donnée aux contres-la montre, individuels ou par équipes, qui ont un peu miné le suspense et la glorieuse incertitude du sport.
Nairo Quintana, l’un des favoris pour Paris-Nice | © Arkea Samsic
On comprend de cela qu’une comparaison plus poussée eût nécessité de s’attarder sur les particularités spécifiques des parcours et des conditions propres à chaque édition de ces deux courses, dont les organisateurs respectifs, ASO et RCS, ont tous deux des savoir-faire au top. Hélas ce n’est certainement pas l’année pour le faire, la diffusion du Coronavirus, alias Covid 19, s’étant fort malheureusement imposée comme une problématique centrale dans la tenue et l’organisation des courses du mois de mars, tout particulièrement en Italie. Nombre d’équipes World Tour ont ainsi suspendu leurs participations soit à toute course (à l’heure d’écrire ces lignes : Astana, Mitchelton Scott, et Ineos, UAE, Movistar, en attendant d’autres). A l’heure d’écrire ces lignes, on peut affirmer que la signification sportive des résultats du Paris-Nice de cette année, s’il va à son terme, sera très impactée. Quant à Tirreno-Adriatico, la situation est encore plus simple : après avoir été annoncée comme maintenue, elle a du être reportée, tout comme les Strade Bianche et le Tour de Sicile… Et certaines équipes (Groupama-FDJ, AG2R La Mondiale) avaient de toutes façons préalablement annoncé qu’elles n’y participeraient pas.
L’équipe AG2R La Mondiale pour Paris-Nice dont Romain Bardet qui a reporté ses ambitions sur la course française | © AG2R La Mondiale
Ce mois de mars, durant lequel habituellement les fans se réjouissent du retour proche du printemps et de la montée en puissance de la saison, s’avère donc cette année une période bien difficile, pour le cyclisme, et bien au delà. Il nous reste surtout à attendre la résolution de ce problème sanitaire, en espérant qu’elle advienne au plus vite, et de la façon la plus efficace et la moins dommageable. Il faut aussi à souhaiter bonne route aux coureurs qui seront au départ des courses ces prochains jours.
Par Adrien Sarrault et Olivier Dulaurent