L’UCI a appliqué à compter du 1er avril un certain de nombre de mesures, concernant la sécurité ou encore visant l’interdiction de la « position Mohoric » (assis sur le cadre pour descendre plus vite) et la position avec les avant-bras sur le cintre mais c’est surtout l’interdiction de jeter son bidon qui a fait couler le plus d’encre dans l’actualité récente.

Michael Schär a ainsi été mis hors course lors du Tour des Flandres pour avoir jeté le sien au milieu des spectateurs.

Pour autant, après la levée de boucliers tant sur les réseaux sociaux qu’au sein du peloton lui-même, l’UCI a rétropédalé sur le sujet, en ne sanctionnant que d’une amende ce geste, dans un 1er temps. Comme en politique, est-ce que le législateur n’a pas manqué ici l’occasion de faire avancer les choses sur le délicat problème de la pollution, sous prétexte que « l’opinion publique » n’est pas encore prête ?

 

Michael Schär se débarrasse d'un bidonMichael Schär se débarrasse d’un bidon | © Web

 

Oui

Tout un chacun le constate aujourd’hui : la lutte contre la pollution est partout et enfin entrée dans les mœurs. L’impact carbone de nos déplacements est surveillé, nous payons des malus écologiques selon les autos que nous achetons, le tri sélectif s’installe dans notre quotidien. Le cyclisme a enfin pris lui aussi ce tournant.

Les véhicules suiveurs deviennent hybrides ou électriques mais surtout c’est le comportement même des coureurs que l’UCI cherche à mettre dans le droit chemin. Car jusque-là, le spectacle offert par les coureurs se débarrassant de leur emballage de gel énergétique au beau milieu d’un ravin en montagne, avait le don a minima d’agacer… sans que le geste ne soit vraiment sanctionné. Tout ceci, afin de gagner quoi, environ 0,87 g ? Les commentateurs TV n’en faisaient d’ailleurs jamais la remarque, pour éviter probablement tout début de polémique.

Mais l’UCI a prévenu depuis plusieurs mois : cette situation allait changer. Des efforts supplémentaires seraient faits au niveau des zones prévues pour se décharger de son ravitaillement avec des zones dédiées tous les 30 à 40 kilomètres. Pour les emballages bien sûr mais aussi pour les bidons, qui sont ainsi jetés habituellement par centaines sur une étape du Tour de France par exemple. Parfois auprès de spectateurs heureux de récupérer là un souvenir de l’un de leurs idoles… mais pas toujours car évidemment les 15 millions de spectateurs présents sur le bord des routes ne sont pas répartis sur les 3800 km que constitue le parcours. Des bidons sont ainsi jetés « n’importe où », et même si un service – coûteux ! – s’occupe de nettoyer derrière, de nombreux bidons atterrissent loin des zones accessibles.

Mais surtout, c’est l’image même du cyclisme qui est écornée car le spectateur imagine inconsciemment que lorsqu’il y a pollution de façon délibérée, le geste n’est pas puni… parce que quelqu’un va ramasser derrière. A la manière de nos routes, dont les bas-côtés sont nettoyés de temps à autre d’emballage balancés par des citoyens imbéciles et/ou mal éduqués.

Et comme tout changement de mode de vie, il est demandé un effort à des coureurs qui jetaient ces bidons par habitude. La méthode douce (des amendes d’un montant raisonnable) fonctionne rarement et c’est alors que des sanctions touchant le volet sportif ont été décidées, avec une mise hors course. Certes, il allait bien y avoir quelques étourdis, comme Michael Schär qui juste après avoir jeté son bidon s’est rendu d’ailleurs compte de son erreur, comme le montrent clairement les images. Mais, tout comme le port du casque obligatoire avait d’abord fait grincer des dents au sein du peloton avant de s’imposer de lui-même partout, même à l’entrainement, l’interdiction de jeter son bidon n’aurait fait parler d’elle que l’espace de quelques semaines. Las, l’UCI faisant ici marche arrière, continue de laisser penser qu’elle ne s’y prend pas de la meilleure des manières mais surtout qu’il suffit de quelques tweets bien sentis pour qu’elle se ravise et laisse la porte ouverte aux jets de bidons, moyennant finance.

Pour justifier son geste, Michael Schär a expliqué qu’il fait ainsi plaisir à un fan ou à un enfant. Admettons que l’UCI se mette à autoriser l’usage du jet de bidon à un enfant. Mais alors, quelle limite d’âge devra laisser l’organisation ? 10 ans, 14 ans, la majorité ?

Dès lors, faudra-t-il demander la carte d’identité à tout receveur du précieux bidon ?

Et encore faut-il être sûr que le bidon jeté arrive réellement chez « l’enfant » et non chez un adulte qui se sera montré plus rapide, comme cela arrive très souvent.

 

Un futur champion (?) reçoit un bidon d'un proUn futur champion (?) reçoit un bidon d’un pro | © Movistar 

Non

Le cyclisme a aussi cela de merveilleux, qu’il s’agit là d’un des rares sports majeurs pour lesquelles les anecdotes du passé restent encore présentes aujourd’hui. Les faits d’armes de Coppi, Merckx, Anquetil ou Hinault sont souvent bien connus des aficionados. Probablement en grande partie parce que ce sport permet depuis toujours aux spectateurs d’approcher les champions au plus près. De partager leur effort en les regardant passer à quelques dizaines de centimètres. Et depuis que le cyclisme existe, certains spectateurs repartent avec un « trophée », souvenir de la course, sous la forme d’un bidon qui pourra être fièrement exposé dans une chambre ou un garage, tout près du dernier vélo en carbone.

Comme l’ont récemment expliqué certains professionnels en exercice, c’est ce genre d’histoires qui ont pu créer chez quelques coureurs pros d’aujourd’hui, l’envie d’embrasser cette carrière. Se priver de telles opportunités, c’est véritablement casser les rêves de vocations en devenir.

Certes, il reste toujours aux spectateurs de se placer tous les 30 à 40 km, dans les zones dédiées aux déchets afin de recevoir le fameux sésame. Mais il ne s’agit pas des secteurs les plus intéressants du côté spectacle. L’UCI pourrait prévoir davantage de « zones bidons » (uniquement les bidons, et non les emballages) sur des distances plus longues. Ou encore, autoriser les coureurs à s’en débarrasser dans les agglomérations, là où les spectateurs sont plus nombreux et où « perdre » un bidon parait difficilement concevable.

 

Par Olivier Dulaurent