Vous pouvez retrouvez nos articles plus « généraux » en bas de page et vous aurez certainement lu les absences très remarquées de Specialized, Trek, Pinarello, Scott, Canyon ou Colnago (liste non exhaustive…) du côté des marques de cadres ou encore Campagnolo et Mavic chez les accessoiristes. Dès lors, la question est d’actualité : les salons sont-ils encore légitimes ?
Ironie du sort, en Allemagne toujours, vient de démarrer un autre salon mondial, du côté de l’automobile cette fois avec le salon de Francfort, qui se tient tous les ans en alternance avec le salon de Paris, baptisé autrement « Mondial de l’Auto ».
La comparaison des 2 univers est trop tentante pour ne pas y voir de lien et mérite quelques éclaircissements.
A Francfort, pour les voitures donc, les observateurs ont noté rien de moins qu’une vingtaine de marques absentes… Si certaines n’étaient déjà pas là en 2017 et ont décliné sans surprises cette nouvelle offre, d’autres « grands » sont venus grossir les rangs, tels que Citroën, Dacia, Ferrari, Lexus, Maserati, Mazda, Suzuki et Toyota. Bentley et Rolls Royce, les joyaux de la couronne britannique, ne se montreront pas, même s’ils appartiennent à des groupes allemands ! Volkswagen, le local lui-même, n’y présentera pas sa nouvelle Golf alors que le modèle est déjà prêt mais ce sera la même chose du côté du frère Audi dont la nouvelle A3 sera invisible. La mode des désertions des grands salons internationaux est donc récente, mais cette fois, un nouveau seuil a été franchi. Il ne reste qu’à compter les présents, et on retrouve bien entendu toutes les marques allemandes qui jouent à domicile et qui ont fait du salon de Francfort le théâtre de leur savoir-faire à travers des showrooms grandioses.
Salon de Francfort | © Autonews
Pourquoi les constructeurs désertent-ils les salons ?
– Parce que c’est cher.
En comptant la location de l’espace, la construction nouvelle du stand à chaque fois, les commerciaux et autres hôtesses, en clair, l’enveloppe dépasse rapidement le million d’euros, même pour des constructeurs pour lesquels le marché interne (allemand ou français) n’est pas prioritaire. Dans l’univers du vélo, les sommes mises en jeu ne sont pas aussi élevées mais on parle toutefois de plusieurs dizaines de milliers d’euros voire d’une grosse centaine.
– Parce que c’est difficile de se distinguer : trop de nouveauté tue la nouveauté.
Plusieurs marques jugent plus astucieux de concentrer leurs dépenses marketing sur d’autres canaux, comme la création d’évènements ou l’achat d’espaces publicitaires. L’argument est d’autant plus sérieux que les habitudes des clients changent : autrefois, on se rendait dans un salon pour découvrir un véhicule du plus près ; aujourd’hui, on se fait une première idée sur internet. Le parallèle avec le vélo est là encore parfaitement vérifié.
Le but de l’article n’est pas de parler d’automobile mais les mêmes causes dans ces 2 domaines produisent les mêmes effets. Ajoutons que les « grands » préfèrent offrir leurs nouveautés à leurs propres clients plutôt que de les voir déambuler dans un salon en regardant ce que propose la concurrence, avec le risque présent qu’ils succombent à d’autres sirènes.
La diversité comme gage de pérennité
En effet, à y regarder de plus près, si les similitudes entre auto et vélo ont été évoquées ci-dessus, l’univers du cycle est bien plus large que celui de la voiture.
Si on achète bien « une Renault » ou « une Toyota », rien que pour le cyclisme traditionnel, le vélo de route pour faire plus simple, pour sa nouvelle machine – est-ce un hasard si voiture se dit « macchina » en italien ? – le passionné peut très bien s’intéresser à : Cannondale, 3T, Continental, DT Swiss, Ax Lightness, Enve, Speedplay ou Rotor. Le champ d’action de toutes ces marques laisse espérer un marché très intéressant dans le cas du montage à la carte. Là encore, il existe de nombreux accessoiristes dans l’automobile mais personne ne se décide d’assembler lui-même de A à Z la voiture de ses rêves. Le marché de la seconde monte dans ce secteur du vélo est très important.
Eurobike 2019 | © Eurobike
Les salons doivent faire leur mutation
Si quelques uns des plus de 60000 visiteurs qui ont rêvé de voir toutes leurs marques préférées ont peut-être été déçus de ne pas voir les « grands », ils peuvent toutefois être satisfaits de voir que l’Eurobike a retrouvé le chemin du succès avec une telle fréquentation. Il faut aussi avouer que celle-ci est liée à un positionnement fin août-début septembre sauf en 2018 lorsque l’événement avait migré en juillet pour se caler en face du Grand Départ du Tour de France. Sans vraie surprise, ce changement avait détourné une partie de la presse et des spectateurs vers la plus grande course cycliste du monde plutôt que de se rendre sur son plus grand salon.
A n’en pas douter, le Roc d’Azur en général et son salon en particulier seront des succès, bien qu’il faille préciser qu’il s’agit davantage d’un salon grand public que Eurobike qui est avant tout un événement permettant de faire du business. Cependant, en plus des accessoiristes dont la plupart était présents, l’Eurobike restera très certainement comme le symbole montrant l’évolution du marché, plus dynamique que jamais. Si le vélo de route est toujours l’un des piliers, n’oublions pas non plus les autres disciplines qui permettent par exemple de dire que plus de 20 millions de français font du vélo au moins une fois par an. Toutes les disciplines qui sortent du vélo traditionnel sont en plein essor et vous les pratiquez peut-être à côté du VTT ou du vélo de route, eux-mêmes en pleine mutation – pensons par exemple aux disques sur la route.
Mais du côté du Gravel, du vélo cargo, de l’électrique en général, du vélo urbain, de la pratique longue distance ou du cyclotourisme, ça bouge de tous les côtés. Les vélos qui s’y rattachent aujourd’hui sont déjà amenés à être obsolètes dans quelques temps.
Ainsi, pour toutes les personnes pratiquant ces cyclismes, ce ne sont pas les absences évoquées plus haut de Specialized ou de Trek qui vont freiner cette marche en avant.
Par Olivier Dulaurent