Le Dauphiné en fait partie et permet d’obtenir certaines réponses cruciales en vue du Tour.
Ces 10 dernières années, sous la conduite de l’équipe Sky/Ineos que la plupart des équipes ont fini par singer, la recherche de la meilleure forme pour le Tour passe systématiquement par un enchainement de stages harassants en altitude (souvent aux Canaries) entrecoupés de courses de plus en plus rares.
Parmi ces courses figurent notamment des épreuves par étapes au printemps comme l’une des courses « désertiques », le Tour de Valence, Paris-Nice, le Tour des Alpes ou encore le Tour de Romandie.
Ces « examens de passage » donnent déjà quelques indications sur l’état de forme des coureurs, mais les « grands » ne sont généralement pas encore à leur meilleure forme.
La saison avançant et les températures augmentant, après une courte coupure en mai, l’accent est souvent mis sur la reconnaissance des étapes, l’occasion de monter à nouveau des cols de haute montagne… avant le Dauphiné – qui nous occupe ici.
Les prétendants à la victoire finale sur les Champs-Elysées en profitaient alors pour élever un peu plus leur niveau de forme en grimpant des cols en course. Tout en veillant à ne pas être à 100% de leur potentiel. Puisqu’il est inenvisageable de rester au meilleur niveau entre la fin du Dauphiné et la fin de la 3ème semaine du Tour, 6 semaines séparant les 2 dates.
La saison 2020 est à part
Le calendrier 2020 étant ce qu’il est, le Dauphiné Libéré se trouve situé à une période nettement plus rapprochée que les années précédentes. A cela, s’ajoute un nombre de jours de course avant l’épreuve, bien plus faible.
Avec l’obligation pour les leaders d’être à un niveau de forme bien plus proche de celui du Tour et avec la nécessité de se « tester » tant dans la performance que la récupération alors que le besoin n’était pas aussi impérieux jusque-là. Puisque des ajustements étaient encore possibles sur la 2ème quinzaine de juin.
Mais 2020 a redistribué les cartes, ce qui a conduit à une vraie course type Tour de France, entre des leaders venus en découdre sur la route plutôt que sur ce qui se trouvait être malheureusement trop souvent une course de préparation.
Cette année, la bataille dans les cols et sur les écrans a été belle et nous aurons pu voir se dessiner une hiérarchie afin de pouvoir désigner de vrais favoris puisque ce « mini Tour de France » devait désigner qui allait se trouver le plus en forme au départ de Nice le 30 août.
Peu d’enseignements pour beaucoup de questions
Avec la grande majorité des favoris au départ du Dauphiné, nous aurions pu quasiment écrire que le podium allait désigner les hommes forts de la 1ère semaine.
Mais, il n’en est rien et ce Dauphiné a finalement apporté une multitude de questions auxquelles il parait impossible de répondre. Cela donne, dans le désordre :
– Nairo Quintina, épouvantail et intouchable en début de saison a été plus suiveur qu’acteur – la faute à son niveau d’alors plutôt qu’à sa tactique attentiste vue trop souvent chez Movistar – et il semble toujours courir après son niveau précédant sa cambriole chez lui en Colombie qui lui a coûté 10 jours sans rouler début juillet. Le temps qui passe joue probablement en faveur d’un retour à son vrai niveau. Mais aura-t-on en septembre le Quintana des mois de février-mars ?
– Primoz Roglic, aurait probablement été désigné comme le favori du Tour puisqu’en lutte directe il a paru supérieur à Egan Bernal, annoncé auparavant comme le patron du peloton en montagne. Mais entre la chute qui a conduit à son abandon du Dauphiné et le fait qu’il est déjà au top depuis quelques semaines, tiendra-t-il au plus haut niveau jusqu’au Contre La Montre arrivant à la Planche des Belles Filles la veille de l’arrivée du Tour ? Sa saison 2019 et son Giro en demi-teinte après un printemps époustouflant laissent planer le doute.
– Tom Dumoulin, son co-équipier chez Jumbo Visma, dit avoir retrouvé ses sensations du Giro 2018 et donc celles d’un potentiel vainqueur de Tour. Sera-ce suffisant pour briguer la place du coureur le plus protégé au détriment de son co-équipier Slovène ?
– Egan Bernal n’a pas été impérial sur le Dauphiné. Si la Route d’Occtanie semblait montrer que la fusée à plusieurs étages de la maison Ineos avait été remise sur orbite, elle a explosé dans les cols des Alpes la semaine dernière. Tant collectivement car Bernal s’est retrouvé rapidement esseulé (même si Thomas et Froome, pas au niveau, ont été écartés de la sélection du Tour) qu’individuellement puisque le Colombien s’est d’abord contenté de suivre puis a même semblé un ton en dessous de ses adversaires, avant d’abandonner en raison de soucis de dos, plus tactiques que réels semble-t-il. A l’inverse, 15 jours avant le Tour en 2019, il « volait » dans les cols du Tour de Suisse. Pourra-t-il inverser la tendance de sa semaine dauphinoise ?
– Thibaut Pinot aurait pu faire coup double : une victoire sur la 2ème course par étapes française et booster un moral que l’on sait particulièrement important chez lui. Hélas, un mauvais quart d’heure dans la Côte de Domancy – avant de se reprendre par la suite – a eu raison de ses ambitions. Pour autant, il peut voir le verre à moitié plein : sans être au maximum de sa forme, il a été tout proche d’accrocher la course à sol palmarès. Mais son manque de chance (ici un coup de moins bien au mauvais moment) qui le poursuit à certains moments clés de sa carrière, s’est à nouveau fait sentir. Pour lui, la roue va-t-elle finir par tourner sur le Tour 2020 ?
Quintana intouchable sur Paris-Nice 2020 | © ASO
Une surprise venue d’ailleurs ?
Une surprise, parmi le top 5 voire le podium sera certainement à enregistrer, surtout étant donné le contexte particulier de cette année.
Elle pourrait venir de Richie Porte ou Vicenzo Nibali, Mikel Landa, Daniel Martinez, Tadej Pogacar, Miguel Angel Lopez ou Jacob Fuglsang, les frères Yates, voire Guillaume Martin ou Romain Bardet. Mais il parait difficile d’envisager la victoire finale pour l’un de ces hommes.
Que ce soit en raison de leur inconstance, leur manque d’expérience en gérant la course à bloc pendant 3 semaines sur le Tour, leurs performances 2020 en deçà du niveau des adversaires cités plus haut, il est difficile d’envisager pour eux une lutte pour la victoire finale.
Mais qui aurait prédit en 2019 que Julian Alaphilippe serait encore en jaune à 3 jours d’arriver à Paris ?
Sur sa forme actuelle, Guillaume Martin peut-il créer la surprise à la manière de Julian Alaphilippe en 2019 ? | © Mathilde Lazou
Par Olivier Dulaurent