Avec 4 grands noms comme tête d’affiche, Chris Froome, Geraint Thomas, Egan Bernal et Richard Carapaz, l’écurie britannique avait de quoi faire peur à l’entame de la saison. Le problème qui prévalait alors était justement le management, à savoir comment gérer ces 4 champions qui souhaitaient à demi-mots que le Tour de France soit leur objectif de l’année. A défaut, le staff a réussi à les faire s’entendre sur un calendrier leur permettant de gérer les égos et les objectifs.
Une gestion délicate
En tant que tenant du titre, Egan Bernal avait logiquement été désigné leader pour le Tour. Si la Route d’Occitanie avait déjà semblé le mettre dans ses temps de passage de sa saison 2019, le Dauphiné n’a pas du tout été la plus rassurante des courses. Quant au Tour, LE gros objectif, cela a été l’échec. Bernal lui-même a évoqué les conséquences des chutes, mais le moral a fini par flancher autant que le physique, au point de tirer un trait sur la saison 2020 pour mieux se concentrer sur 2021. Richard Carapaz qui visait le Giro avait été appelé en dernière minute pour remplacer Chris Froome et Geraint Thomas, encore trop justes physiquement pour effectuer un travail… d’équipiers.
N’ayant pas prévu de pic de forme sur le mois de septembre, et ayant subi une chute en début d’épreuve, Carapaz n’a pas été à la hauteur de sa condition physique du Giro 2019 même s’il s’est montré remuant dans les Alpes au point de finir en bonne forme puisqu’il a accompagné son co-équipier Michal Kwiatowski jusqu’à la victoire à la Roche sur Foron. Cette victoire a finalement sauvé le Tour des Ineos-Grenadiers. Mais seulement partiellement, tant l’équipe était venue avec l’ambition de doubler la mise avec Egan Bernal, ce qui aurait constitué leur 8ème victoire en 9 éditions.
Le manager Dave Brailsford était d’ailleurs venu avec des ambitions fortes et légitimes, en déclarant au départ de Nice que « notre collectif est le meilleur » malgré l’absence du regretté Nicolas Portal en coulisses. Suite à l’épreuve française, on peut dire que si ce dernier n’aurait pas pu pédaler à la place de ses leaders, il aurait probablement su fédérer un collectif et sous son ère, les coureurs arrivaient au départ de leurs objectifs à 100% de leur potentiel, ce qui n’est pas le cas cette année.
Egan Bernal a raté sa saison 2020 | © Ineos Grenadiers
Constat d’échec
Mais pour cette équipe au budget le plus élevé du peloton (46 millions d’euros en 2020, contre 16 millions d’euros en 2011 alors que Jumbo Visma s’en tient à 20 millions pour 2020), il ne peut pas être question de rapporter seulement une victoire d’étape.
Entre le Tour et le Giro, Kwiatowski a tenté de tenir la maison avec une très bonne prestation sur Liège Bastogne Liège (mais pas tout à fait suivie au niveau du résultat) et aux Championnats du Monde mais sous le maillot de l’équipe nationale polonaise.
Avec le Giro qui démarrait, Geraint Thomas semblait avoir réussi le plus dur : un retour au 1ere plan comme en attestaient ses performances sur Tirreno mais surtout une excellente entame de course avec un CLM inaugural laissant entendre que le kilométrage des chronos lui laisserait un bon matelas d’avance au général vis-à-vis de ses adversaires grimpeurs. D’ailleurs, il n’avait pas vraiment d’adversaire « grimpeur-rouleur », ceux là même qui emportent la plupart des Grands Tours depuis 20 ans. Mais patatra, Thomas a été victime d’un niveau de malchance le poursuivant régulièrement, avec une chute lui occasionnant une fracture du bassin. Un remake malheureux de son Giro 2017 (abandon à la 13ème étape).
Le Champion du Monde du Contre La Montre, Filippo Ganna, a déjà sauvé les meubles avec 2 victoires à son actif après 7 étapes, mais comme dans le cadre du Tour, les ambitions étaient toutes autres.
Et la suite ?
Dave Brailsford est revenu cette semaine dans les colonnes du journal Het Nieuwsblad sur les performances en cours, de son équipe. Il a presque avoué que son équipe a fini par s’endormir sur ses lauriers alors que parallèlement les adversaires travaillaient d’arrache-pied pour combler leur retard. A ce titre, depuis la reprise des courses, sur les couyrses par étapes Jumbo Visma a même semblé réaliser une performance d’ensemble du même acabit que les Sky/Ineos des très bonnes années… à une étape près, celle de la Planche des Belles Filles sur le Tour.
Si la saison 2020 n’est pas terminée, il est difficile d’imaginer Ineos Grenadiers complètement renverser la vapeur. Nous ne connaissons pas encore l’indisponibilité de Thomas (fracture du bassin) mais, même en cas de fracture sans déplacement nous doutons qu’il puisse se présenter au départ de la Vuelta. Froome, annoncé sur les routes espagnoles tarde à retrouver son coup de pédale d’avant sa chute du Dauphiné 2019 et il est possible de se poser la question : y arrivera-t-il un jour alors qu’il aura déjà 36 ans au départ du Tour 2021 ?
Richard Carapaz à l’attaque sur le Tour 2020 | © Ineos Grenadiers
Reste Richard Carapaz qui est clairement monté en puissance au fil des étapes sur le Tour. S’il en a gardé sous la pédale, il peut sauver le bilan de l’équipe sur les Grands Tours. Mais, il a surpris son monde sur le Giro 2019 et peut aussi surgir où on ne l’attend plus.
Mais même en cas de victoire, il restera forcément un goût d’inachevé.
Pour autant, le budget de l’équipe reste très haut, ce qui a déjà permis d’enregistrer la venue de 4 nouveaux noms pour 2021 (Froome étant déjà annoncé partant pour Israel Start-Up Nation) : Richie Porte, Daniel Martinez, Laurens De Plus et Tom Pidcock viendront étoffer un effectif déjà très riche afin de jouer à nouveau les 1ers rôles lors de la saison à venir.
Par Olivier Dulaurent