Depuis cette date, l’actualité de la discipline a surtout été marquée par une cascade d’annulations et de reports, frappant entre autres les 4 monuments et les classiques du printemps, le Giro, le Dauphiné et toutes les autres courses.
Par ailleurs, l’actualité cycliste a été faite d’une succession d’annonces portant sur des réductions de salaires et de ressources budgétaires dans un bon nombre d’équipes. Par conséquent, le monde cycliste professionnel fait état d’une inquiétude grandissante sur la pérennité de ce sport allant même jusqu’à un scénario du pire dans lequel la saison 2020 pourrait ne pas reprendre. Un scénario que bien sûr tout le monde voudrait éviter, en premier lieu l’UCI qui s’efforce de reconstituer, dans une démarche volontariste mais dont on ne peut encore être complètement certain qu’elle aboutira (en fonction des contraintes sanitaires), un calendrier de courses qui reprogrammerait Grands Tours et Monuments à partir de la fin du mois d’août.
On ne peut bien sûr que souhaiter ardemment que ce calendrier réaménagé puisse se dérouler. Cela signifierait entre autres que le Tour de France aura pu avoir lieu, avec du public et non en huis-clos, dans des conditions sanitaires satisfaisantes, ce qui en soi serait le signe que la menace que ce fléau nommé Covid-19 fait peser sur toutes nos sociétés s’est éloignée. Assurément ce serait une très bonne nouvelle.
Mais cette perspective relativement heureuse ne dissipe pas totalement les inquiétudes que l’on peut avoir quant à l’économie du cyclisme et à la soutenabilité du modèle de financement de ses équipes dans la période post Covid-19.
En effet, et à la différence de bien d’autres sports professionnels majeurs comme le football, le tennis, la Formule 1 ou le golf, le financement des équipes professionnelles de cyclisme ne peut pas compter sur des recettes de billetterie. Car il s’agit d’un fondement de ce sport : assister sur place à une compétition de cyclisme est gratuit. De plus, les groupes sportifs ne peuvent recueillir de recettes en provenance des transferts comme en football, ni même des droits TV, car ceux-ci vont aux organisateurs des courses.
Cette situation, le pourtant décrié Oleg Tinkoff la déplorait déjà lors de son passage dans le cyclisme du World Tour. Depuis son départ elle n’a pas changé et en cette période de crise aigüe le modèle économique du sport cycliste qui ne repose essentiellement que sur le sponsoring et les investissements publicitaires des marques se retrouve aujourd’hui dans une position fragilisée.
Si l’on peut penser que dans les autres sports majeurs des sources de revenus telles que les droits TV pourront mécaniquement retrouver leurs cours avec la reprise des épreuves, on ne peut prédire avec certitude de quoi les investissements publicitaires dans le vélo seront faits dans ce fameux « monde d’après » si souvent évoqué en cette période de crise sanitaire, un monde que beaucoup voient comme décroissant et qui tout au moins aura vu le PIB des économies mondiales se réduire comme jamais depuis qu’on le mesure. Quelles seront les velléités d’investissements publicitaires des sponsors dans ce monde là ? Un monde, disent les Cassandre, où les priorités seront davantage de lutter contre le chômage et les faillites que d’aller encourager des champions…
En fait la réponse à cette interrogation dépendra de plusieurs facteurs. D’abord des conditions sanitaires : sera-t-on revenu à la normale ? Le virus aura-t-il totalement disparu ? Des traitements, pour ne pas encore parler de vaccins, seront-ils disponibles ? Le seuil de l’immunité de groupe aura-t-il été atteint ? Quelles dispositions particulières sera-t-il nécessaire de mettre en place ? Cela dépendra aussi bien sûr de la façon dont la récession annoncée impactera spécifiquement les secteurs dans lesquels ces sponsors opèrent.
A contrario, au bout de ce tunnel il est possible d’entrevoir quelques raisons d’être optimiste pour les sports cyclistes dans la période post Covid-19. D’abord parce que de tous temps les périodes de crises majeures ont toujours été suivies de périodes de renouveaux florissants et dynamiques. Ensuite, on peut s’attendre, nonobstant les difficultés économiques annoncées, à ce que publics et médias privés cette année de tous ces beaux évènements sportifs qui marquent habituellement la belle saison soient ravis de les retrouver pour partie, même décalés dans le calendrier. Quant aux fans de vélo ils seront sans nul doute heureux de voir des cyclistes sur de vraies routes avec de vrais paysages, en lieu et place des avatars qui peuplent les univers virtuels de leurs Home Trainers connectés, quand ils ont la chance d’en avoir un.
On peut aussi raisonnablement s’attendre à ce qu’au delà du sport cycliste, le secteur du vélo en général retrouvera une certaine prospérité dans le monde d’après, parce que beaucoup d’administrations locales voudront favoriser la bicyclette comme moyen de transport et aussi parce que beaucoup seront moins enclins, s’ils le peuvent, à utiliser les transports en commun.
Pour notre part nous ne doutons pas que le cyclisme de haut niveau, du haut de ses 150 ans d’âge, saura repartir après cette pause forcée que lui aura imposé ce virus apparu fin 2019 sur un marché de Wuhan. Ce redémarrage lui donnera peut-être, comme à d’autres sports, une opportunité pour repenser et améliorer quelque peu son modèle économique et diversifier les sources de financement de ses équipes…
Pour le moment nos regards se portent avec espoir vers Nice et le 29 août prochain pour le départ du Tour 2020.
Par Adrien Sarrault et Olivier Dulaurent