Le parallèle avec la course à pied, une activité sportive d’endurance souvent comparée au cyclisme, est ainsi évocateur : en effet, une très grande majorité des coureurs suivent un plan d’entraînement, au moins sur quelques mois dans l’année. Quel pourcentage des cyclosportifs sont dans le même cas ?
Allons même plus loin, même si les choses évoluent lentement mais sûrement : même si les choses tendent à changer, les cyclistes qui suivent un plan d’entraînement précis restent des exceptions ; des coureurs à pied qui ne suivent pas un plan d’entraînement sont des exceptions !
Pour affronter les efforts en compétition, un entrainement de qualité est nécessaire | © Villeneuve Saint Germain Soissons Asine
Place au « feeling »
Ce constat a trait aux spécificités du cyclisme. Il s’agit d’une activité d’endurance durant laquelle le plaisir est mis en avant.
De plus trop de cyclistes pensent encore que les notions d’abri, d’aspiration, permettent de niveler les valeurs intrinsèques. Vous comptez sur l’effet de peloton, essayez de vous accrocher le plus longtemps possible aux bonnes roues. Avec raison car cela est par exemple impossible en course à pied.
Dès lors ce sont des axes très précis qui sont mis en avant dans la préparation : le volume est nettement privilégié, l’intensité souvent mise de côté.
La priorité des priorités est bien souvent la distance. L’objectif est alors d’augmenter progressivement la durée des sorties longues, afin d’espérer « tenir la distance ».
En parallèle le dénivelé est l’autre priorité. Vous allez varier vos parcours, emprunter des côtes plus longues, plus difficiles, voire intégrer des stages, ou des reconnaissances des futures épreuves.
Les qualités d’endurance et de grimpeur sont donc les recherches prioritaires. C’est la raison pour laquelle la sortie collective de fin de semaine constitue la séance clef. A côté de celle-ci vous aurez encore trop souvent tendance à « broder » avec un accent porté sur la récupération « afin d’être « bien » le dimanche ».
Or la simple accumulation des kilomètres, si logique soit elle a priori puisque le cyclisme est une activité d’endurance, s’avèrera insuffisante.
En effet, pour progresser il faut développer de manière harmonieuse votre « profil cycliste » et donc toutes les autres qualités.
Et notamment votre PMA qui doit pourtant être en première ligne tout au long de l’année.
Et le moteur ?
Le travail d’endurance, si important soit il, sera toujours insuffisant s’il est exclusif dans votre préparation.
Le rapport poids/puissance reste pourtant capital. Vous l’avez tous bien compris. Matériel choisi de manière consciencieuse, attention portée au poids de corps. Seulement la perte de poids ne pourra pas tout résoudre, même si un coureur de 60 kg a plus de chances de s’illustrer en montée qu’un autre de 80 kg. Voilà pour la partie « poids ».
Parlons maintenant de la puissance ! En effet, les meilleurs coureurs sont avant tout dotés d’une PMA élevée. Et c’est ce rapport entre ces capacités intrinsèques plus élevées que la moyenne et le poids de corps qui fera la différence entre eux.
Sans un VO2max (consommation maximale d’oxygène) élevé et une PMA (puissance maximale aérobie) élevée il n’y a aucun (et le mot est pesé) espoir de s’illustrer en course. Et toute progression passera impérativement par une amélioration de ce paramètre. Sans travail d’intensité (au sens – très – large du terme) vous n’exploiterez jamais plus de 85 à 90% de votre potentiel intrinsèque.
Tout le monde s’accordera sur ce point mais vous n’êtes pas tous (ni toujours) prêts à sacrifier vos sorties « plaisir » pour vous astreindre à des séances très calibrées, millimétrées, durant lesquelles le chronomètre côtoie le cardio, ou mieux le capteur de puissance et pour lesquelles les parcours choisis deviennent des « outils de travail ».
Des courses pour tous les niveaux et tous les âges ont lieu en pleine saison | © Villeneuve Saint Germain Soissons Asine
Vraiment pas pour vous ?
Les séances calibrées rebutent encore beaucoup de cyclosportifs et cela peut se comprendre. Plusieurs justifications sont souvent avancées :
- Ce type de travail est trop contraignant (nécessité de porter un cardio, de surveiller le chronomètre)
- Il ne correspond pas à vos aspirations, ce n’est pas votre conception du vélo
- Malgré des conseils répétés à maintes reprises dans nos colonnes vous ne savez pas comment vous y prendre
- Vous avez peur de mal faire et de tomber dans la fatigue
- Vous pensez être trop âgé pour ce type de travail, ou avez peur de vous mettre en danger (la peur de faire monter les pulsations après 50 ans)
Dès lors se pose une question sous-jacente : peut-on « quand même » progresser sans ces séances calibrées ? Est-ce efficace de travailler les changements de rythme de manière plus libre ?
Vers un travail « plus libre »
Pour la majorité d’entre vous il s’agit de répondre à un dilemme : progresser, même s’il faut « se faire mal » mais tout en conservant du plaisir.
Bien entendu rien ne vaut la planification annuelle précise et les séances ciblées, avec un travail de PMA bien réalisé, mais quelques pistes peuvent être soulevées, avec des contenus plus ludiques.
A partir du moment où vous allez vous « faire mal » au bon moment, c’est-à-dire à distance des épreuves préparées, ce travail sera nécessairement bénéfique. Et quelques « parties de manivelles » avec les copains le dimanche matin ne suffiront pas si elles ne sont pas suivies d’autres sollicitations à haute intensité en semaine.
10 exemples pour des sorties en solitaire
Voici quelques contenus, très faciles à mettre en place, qui peuvent vous permettre de sortir de votre routine habituelle.
- Monter toutes les côtes en accélération progressive (une fois en descendant les dents, une fois sur développement fixe en augmentant la cadence de pédalage, en alternance)
- Monter toutes les côtes en dégressif, avec un sprint maximal au pied, puis un relâchement de l’effort petit à petit
- Placer systématiquement une accélération en vélocité au sommet des côtes après une ascension passée en force
- Monter les côtes en vite / lent / vite par tranches d’un tiers (environ)
- Monter les côtes en relançant systématiquement et significativement à chaque virage
- Alterner une côte en léger sur – régime, plutôt en danseuse et en vélocité / une côte en léger sous – régime, plutôt assis et en force
- Sur un parcours plutôt plat placer 10 à 15 accélérations en « fartlek » (jeux d’allure libres) : « je roule à fond jusqu’à tel ou tel repère » en variant les durées d’effort
- Sur un parcours plutôt plat adoptez une « allure course » entre deux villages éloignés et une « allure contre-la-montre » entre deux villages proches (durant 1h à 2h maximum)
- Placer systématiquement un sprint sur 5 à 30 secondes après une relance (ronds points, changement de direction, arrêt à un feu ou un stop etc.)
- Passer les ponts d’autoroute ou les côtes très courtes (moins d’une minute d’effort) au sprint en alternant une fois en force / une fois en vélocité
5 exemples pour des sorties collectives
- Jouer le jeu des « sprints pancartes » avec pourquoi pas un décompte des points et un challenge amical du meilleur sprinteur
- Instaurer un challenge du meilleur grimpeur en multipliant les côtes courtes avec si nécessaire un handicap pour le plus fort si le groupe n’est pas homogène (départ arrêté 30 secondes après le groupe, par exemple)
- Appuyer ses relais dans le vent voire sortir volontairement de l’éventail maintenir un haut niveau de fréquence cardiaque
- Intégrer des séquences à une intensité proche du maximum de vos possibilités sur des distances de 500m à 3km au simple signal d’un des participants (« le premier arrivé à tel endroit », « le premier au sommet de la côte »)
- Instaurer des jeux de poursuite : un membre du groupe s’échappe, le reste du groupe se relaye pour combler un écart qui aura été défini au préalable (1 minute par exemple).
Gare aux excès !
Il est donc possible de compenser en partie l’absence de séances calibrées (millimétrées diront les détracteurs) dans la préparation mais attention à ne pas tomber dans l’excès.
L’entraînement repose sur un équilibre permanent :
- Entre travail et repos
- Entre volume et intensité
- Entre les différentes qualités physiques que vous allez développer.
La principale erreur serait de vouloir compenser l’absence de qualitatif en misant sur l’intensité à chaque sortie : « à fond » seul, le soir, en semaine, « pseudo course » le dimanche en groupe, répétition des séances proposées sans séances de récupération intermédiaires.
Les orientations proposées ci-dessus ne doivent pas être prises au détriment d’autres qualités physiques, notamment la force.
Dans le cas contraire vous risquez de ne pas récupérer, de tomber dans la fatigue, voire de connaître l’épuisement et les abimes du sur-entraînement.
Ne révolutionnez pas votre préparation en termes de volume, ajoutez simplement une plus value avec un travail d’intensité volontairement très ludique ayant pour objectif de compenser l’absence de travail qualitatif.
Par Olivier Dulaurent