Viste des studios Cyanide, éditeur de jeux video
Jeudi dernier, les studios Cyanide ont convié journalistes cyclistes et spécialistes du monde du jeu vidéo dans leurs locaux. Si ce nom ne vous dit peut-être rien, l’étranger croisement de ces professions vous offre un bon indice. Depuis l’an 2000, cette petite entreprise française se charge du développement du jeu Pro Cycling Manager, simulation de la Petite Reine sur PC. Une décennie plus tard naissait son petit frère, plus adapté aux consoles de jeux, du nom évocateur de Tour de France.
Ces deux produits font cavaliers seuls dans l’univers du jeu vidéo, parvenus à s’imposer comme une référence indémodable pour les plus cyclistes des geeks, ou les plus geeks des cyclistes. Dans l’un comme dans l’autre, le principe est simple : choisissez un coureur ou une équipe, et lancez vous dans une aventure allant de la course simple à la complète carrière. Gérez votre effort, votre progression ou encore vos équipiers pour réussir à soulever les plus grandes récompenses du sport cycliste !
Cette visite a eu lieu dans le cadre de la sortie des nouveaux opus, le 9 juin prochain. Il faut dire que l’excitation croissante précédent le départ de la Grande Boucle constitue le moment opportun pour un tel lancement. En avant-première, nous avons pu découvrir la présentation des jeux et tester leurs nouveautés. Le tout eu lieu sous les yeux (et les clics) de David Gaudu (Groupama-FDJ), grand aficionado de la marque dans le peloton.
Cyanide, une petite famille
Avant de s’attaquer plus spécifiquement à la description et à la critique des jeux, un petit détour par leur boîte de production s’impose. En effet, ce n’est qu’au regard des moyens de son créateur que l’on ne peut juger un produit. En l’occurrence, réfutez en vous l’idée d’une armée de développeur. Chez Cyanide, on travaille en famille, au sein d’une petite troupe de passionnés. La plupart s’inscrivent d’ailleurs dans une aventure au long terme avec la marque, enchaînant les saisons au rythme de leur sport. Lorsqu’ils ne sont pas derrière leur clavier, ils enfourchent leur bicyclette, rappelant même, pour Antoine Dalibard, un passé de coureur professionnel (2005-2009 chez Bretagne Jean Floc’h, lointain ancêtre du Team Arkea-Samsic).
Ainsi, si les studios ont développé en 22 ans des jeux très éloignés de l’univers du vélo, c’est bien autour de la Petite Reine que l’entreprise s’est construite. Côté cyclisme, la famille est toutefois séparée en deux pôles : Pro Cycling Manager et le Tour de France. Vases communicants, les deux jeux possèdent néanmoins leurs développeurs attitrés, dont le nombre est réduit à une poignée d’unités (4 pour PCM).
Dès lors, la progression annuelle de chacun des opus ne tient qu’aux efforts de peu. Il est effectivement impossible de se lancer dans un grand chantier, dans la refonte complète du jeu, ni même dans la réédition de l’ensemble des parcours présentés, sans que ces petites mains ne se multiplient considérablement. Or, avec une communauté fidèle mais restreinte, achetant chaque opus au volume de 150.000 unités sur consoles et près de 110.000 sur PC, une telle entreprise risquerait davantage de réduire le bénéfice net annuel d’un million d’euros de Cyanide que de l’accroître.
Pro Cycling Manager et le Tour de France : de la nouveauté dans la continuité
Par conséquent, les nouveaux opus du Tour de France et de Pro Cycling Manager ne répondront toujours pas aux critiques d’un manque de renouveau conséquent. Cette critique est d’ailleurs partagée par un bon nombre de jeux vidéo de sport, tendant à fonctionner sur le même modèle. La méthode Cyanide s’adonne donc aux petits pas, permettant à ses produits d’avancer chaque année au rythme de ses développeurs. Pour être clair, l’interface est relativement inchangée par rapport aux éditions 2021, tout comme le game play. La transition entre les opus n’a pas de quoi perturber les joueurs les plus assidus, qui pourront instantanément retrouver leurs marques sur ces versions 2022. C’est donc à des détails que se joue l’intérêt de l’achat du 9 juin prochain.
Le jeu Tour de France enrichi sur cette version 2022
Sur cet univers cycliste sur consoles, un réel travail commercial s’est notamment concentré sur la database. Encore en retard par rapport à son frère aîné. Le Tour de France jouit ainsi de l’arrivée de trois nouvelles formations (EOLO – Kometa, UNO-X et Caja Rural), s’ajoutant ainsi au cercle de l’ensemble des équipes World Tour et des meilleures Continentales d’ores et déjà présentes dans les opus précédents. Le tout génère ainsi 800 coureurs, dont quelques légendes (Merckx, Hinault) et 710 coureurs sous licence officielle.
Plusieurs partenariats de renom ont également été noués, qu’il s’agisse d’ASO pour permettre au Critérium du Dauphiné et à Paris-Nice de revêtir l’habillage officiel de l’organisation, ou encore de Specialized pour permettre à Julian Alaphilippe ou Peter Sagan d’apparaître sur leurs vraies montures. En outre, le quintette des monuments est complété par la Primavera Classic, directement dérivée de Milan – San Remo.
Outre la database, c’est également le menu des modes qui est augmenté. Ainsi, la « course du moment » s’ajoutera désormais aux traditionnels modes courses « Pro Team » et « Pro Leader ». Il permettra aux joueurs du monde entier de s’affronter par écran interposé durant une petite semaine en se mesurant à un défi commun. Celui-ci pourra s’éloigner des objectifs habituels du cyclisme. L’important ne sera pas forcément de remporter une course, mais de la parcourir en le moins de temps possible. Habileté et stratégie devront donc être combinés pour triompher au sein de la communauté.
Enfin, en pensant à la 5e étape du Tour, les développeurs se sont aussi concentrés sur les pavés, en essayant de rendre leur franchissement plus fidèle de la réalité. Désormais, ce ne sera plus le seul coureur qui tremblera, mais bien toute l’interface, proportionnellement à la difficulté du secteur traversé.
Pro Cycling Manager rafraichi
Côté clavier et souris, Pro Cycling Manager fera davantage appel aux talents de détection des joueurs. A une époque où la fougue de la jeunesse prend de plus en plus le pas sur l’expérience des anciens, le monde se divisera en pépinières. Des scouts seront à votre disposition pour explorer des territoires plus ou moins riches en talents, à la recherche de la perle rare.
Cette quête pourra également s’appuyer sur des notes de potentiel revues, distinguant le niveau actuel du coureur de ses capacités d’avenir et déclinant ses marges de progression en une dizaine de domaines. Pour les formations disposant d’une Conti, un système de draft, distinct du recrutement traditionnel, offrira également aux joueurs la possibilité d’intégrer leurs meilleurs espoirs à leur équipe première en fin de saison.
Enfin, l’IA du jeu a encore été revue pour poursuivre son rapprochement avec la réalité. A l’instar des exploits de Mathieu Van der Poel (qui prête d’ailleurs son image à la jaquette du jeu) ou de Dylan Van Baarle, les raids solitaires de 50 bornes seront désormais possibles. Les caractéristiques « résistance » et « endurance » prendront ainsi de la valeur. La fraîcheur deviendra alors la clé de la réussite de telles épopées.
Une communauté entendue
Si Pro Cycling Manager et le Tour de France ne sont pas des jeux de masses, leur communauté compense cela par sa fidélité. A l’image des multiples « mods » publiés sur Steam, permettant aux joueurs d’enrichir leur expérience de nouvelles databases, celle-ci s’adonne corps et âme à chaque opus. Cette forme d’expertise est naturellement consultée par les développeurs, prêtant une oreille à ces critiques et propositions pour orienter leur travail en fonction. Naturellement, Cyanide cherche à proposer une expérience au plus proche des besoins des joueurs.
Cet esprit se traduit notamment dans la possibilité d’ajouter des maillots spéciaux, chose appréciée par les aficionados de la mode à vélo. Avant d’être proposé à la vente au grand public, le nouveau système de potentiel a également été testé par les plus grands contributeurs de la marque. Leur travail sera d’ailleurs à retrouver a posteriori sur Steam, pour enrichir votre expérience de nouvelles étapes ou des récents transferts. Pour les plus nostalgiques d’entre vous, ces derniers proposent également des databases d’époques passées. Quant aux adeptes du cyclisme féminin, la solution se trouve également dans la communauté pour jouer avec vos héroïnes.
Des lacunes persistantes
En effet, conséquence de la taille de l’entreprise, de nombreux défauts pointés au cours des années passées ne sont pas encore résolus. En premier lieu, Cyanide hésite encore à sauter le pas du cyclisme féminin pour des craintes de rentabilité. Deuxièmement, l’impossibilité de jouer avec des formations espoirs ou Conti a encore de beaux jours devant elle, protégée par une masse de bugs accompagnant sa résolution. Enfin, le mode « Pro Cyclist » stagne encore dans ses balbutiements, peinant à se montrer à la hauteur de réalisme de son cousin « Carrière ». L’absence de développement des objectifs et de la communication entre équipiers est notamment regrettable.
Pro Cycling Manager et le Tour de France, disponibles le 9 juin prochain au prix de 39,99€
Par conséquent, Pro Cycling Manager et le Tour de France 2022 ne sauront pas ravir les déçus des précédents opus. En revanche, ils affichent un excellent rapport progression / main d’œuvre qui réjouira les férus de la marque. Comme leurs ancêtres, ces éditions apportent leurs lots de nouveautés et s’accompagnent naturellement d’une mise à jour de la database qui renforcent naturellement l’expérience de jeu. Ceux qui ne s’attendent pas à la révolution devraient donc se satisfaire de ces nouveaux produits, notamment du côté des adeptes du Tour de France. Le 9 juin, ceux-ci pourront donc faire fi d’un printemps ensoleillé pour se jeter sur leurs consoles et claviers, préférant la traversée des paysages virtuels du monde entier, en quête de consécrations.