Jaune soleil, jaune maillot, Maillot Jaune, ce jaune qui les fait tous rêver alors que l’été n’est pas encore arrivé, jaune Tournesol, jaune poussin et pourquoi pas jaune kangourou ? Kangourou, marsupial de la famille des macropodés ou Kangourou, citoyen australien, l’Australie, pays du Commonwealth à des milliers de kilomètres du continent Européen, l’Europe, ses pays historiques, la France, berceau de la légende cycliste, le cyclisme et sa vitrine, le Tour de France. Kangourou jaune sur le Tour de France, il fallait être fou pour y penser voilà quelques années. Pourtant, dimanche, un kangourou a bondi, Maillot Jaune à Paris. En l’espace de trois semaines, Cadel Evans a bouleversé et définitivement changé les codes d’antan, maintenant dépassés d’un cyclisme en proie à une mondialisation sans frontières qui efface les clichés. Hier, il fallait être français, italien ou espagnol pour l’emporter au mois de juillet. Et puis, en 1986, Greg LeMond est arrivé, un américain en jaune à Paris, c’était jusque-là impensable, pourtant, il allait lui arriver la même aventure par trois fois avant qu’une décennie plus tard son compatriote Armstrong limite, par sept fois.
Dimanche, l’Océanie s’est rajoutée à la liste des continents vainqueurs de la Grande Boucle. Il ne reste finalement plus que l’Asie et l’Afrique qui n’ont aucun Tour à leur actif. La conjoncture actuelle n’est pas forcément très favorable à ces deux continents mais d’ici quelques années, qui sait ? En attendant, Cadel Evans l’a emporté grâce à un incroyable travail de fond commencé voilà 20 ans. C’était un beau jour de juillet 1991, en plein hiver australe, un garçon né un 14 février 14 ans plus tôt allait voir naitre une histoire d’amour peu ordinaire qui allait le lier pour toujours à la plus grande course cycliste du monde. Ce jour là, Cadel Evans découvrait Miguel Indurain en même temps que le Tour de France. Du BMX l’Australien part au VTT, le début d’une carrière que beaucoup aurait aimé toucher. Un plan de carrière qui l’a amené, dimanche dernier, sur la plus haute marche du podium de la plus grande course cycliste du monde sur la plus belle Avenue du Monde, quelque chose de grand. Le drapeau australien autour du cou, l’image est frappante, l’émotion palpable, les bras croisés, il semble regarder au loin le travail accompli depuis toutes ces années.
Les lèvres de Tyna Arena tremblent au rythme de ces mots « Advance Australia Fair ». Et la belle et juste Australie a avancé, pendant trois semaines, suivant les coups de pédales calculés de son héros intronisé. Docteur ès patience, Cadel Evans s’est fabriqué, au fil des ans, le profil d’un grand champion. Du VTT, il en a gardé une incroyable aisance technique qui lui a sans aucun doute permis de distancer ses rivaux vers Gap dans le Col de Manse, alors que le Tour de France subissait un véritable déluge. Du VTT il en a aussi assimilé toutes les nécessités physiques, il en a également gardé un rythme régulier dans la souffrance, omettant souvent le côté spectaculaire au profit d’un art pratiqué en totale maitrise de soi. Sur les pentes du Lautaret alors que le Tour semblait lui échapper, ses grimaces répondaient au relais d’un champion à la lutte avec son propre destin, celui qui lui a si souvent réservé de mauvaises surprises, en 2007 et 2008.
Mais Cadel Evans a changé, au contact d’Aldo Sassi, notamment. Le druide italien lui a inculqué un savoir faire que peu peuvent se vanter d’avoir. S’il n’attaque que très rarement, il sait distancer ses adversaires quand il le faut, depuis 2009, finalement et son titre de Champion du Monde. Là, déjà, il avait couru avec une aisance tactique a en faire pâlir plus d’un, n’attaquant qu’une fois, déposant finalement ses adversaires au moment opportun. Cette année, en juillet, il n’a sûrement pas ressenti le besoin de prendre de l’avance trop tôt. Il n’a sûrement pas ressenti le besoin de revêtir immédiatement un maillot jaune qui lui a souvent porté la poisse comme l’an dernier, bras fracturé le jour où on lui remettait.
Sûr de ses capacités, connaissant à la perfection les reliefs du contre-la-montre grenoblois, le kangourou n’avait plus qu’à bondir pour se mettre dans la poche une victoire qu’il a si longtemps espéré. Travailleur acharné, Cadel Evans a fait entrer le cyclisme dans une autre dimension, un cyclisme frappé par la mondialisation. Un cyclisme qui tel le Phénix renaît de ses cendres grâce, aussi, aux exploits de deux français. Une rock star, Pierre Rolland qui devrait rapidement devenir disque d’or. Disque d’or, maillot jaune, précieuse tunique portée pendant 10 jours par son ami Thomas Voeckler. Le cyclisme semble connaitre un nouveau souffle alors que son expansion à l’internationale répond au sport de jadis, quémandé par les foules et voulu par Pierre de Coubertin. Si le Tour de France est la vitrine du cyclisme, Cadel Evans en est le porte drapeau et quel porte drapeau. Il devrait être un modèle pour les plus jeunes du fait de son abnégation et de ses sacrifices à la hauteur de ses ambitions toujours mesurées. Il aura finalement fallu un Kangourou en jaune à Paris pour que tout un sport reprenne des couleurs. Quoi qu’il advienne, le Maillot Jaune kangourou fait bondir le Tour de france dans un futur d’ores et déjà enthousiasmant.