Bruno Cornillet durant l’annonce des lauréats 2019 | © Alexandre Motte
Vous avez été l’un des premiers coureurs professionnels à concilier vélo et études. Cela a toujours été clair pour vous ?
A l’évidence, quand on a 20 ou 30 ans, nous sommes encore très insouciants comme le disait si bien Laurent Fignon. A ces âges-là, on se croit éternels, l’âge de la retraite nous paraît si loin. Et arrivés à 50 ans, on se dit que la retraite est finalement encore loin, et qu’on a bien fait de penser tôt à notre reconversion pour faire un métier qui nous plaît. Car la carrière sportive dure moins longtemps que celle qui nous occupe ensuite. Je n’ai pas changé de mentalité depuis que j’ai 25 ans, j’ai toujours ressenti ce besoin d’être actif, de ne pas faire que du vélo.
Comment avez-vous sélectionné les lauréats avec les autres membres du jury ?
J’ai d’abord regardé les études de chacun des candidats, ensuite leurs spécialités dans le monde du vélo, avant de me pencher sur leurs performances dans chacun de leurs domaines. Mais sincèrement, ils m’ont tous impressionnés. Quand on connaît la difficulté de ce sport, et quand on voit le niveau de performance des lauréats… ça a été dur de choisir, ils auraient tous mérité de gagner.
Auriez-vous aimé être soutenu comme la Bourse le fait pour les lauréats ?
J’aurais aimé bénéficier des mêmes aides effectivement. Il faut que les jeunes écoutent leurs parents, leur bon sens. Il ne faut pas qu’ils tombent dans le panneau du directeur sportif qui va leur vendre du rêve et leur promettre un passage facile chez les professionnels. Un club comme le Chambéry Cyclisme Formation a compris l’importance des études, et ce n’est pas pour rien qu’il y a désormais des candidatures du monde entier pour faire partie de cette équipe.
Comprenez-vous que pour un coureur, il est désormais compliqué de concilier vélo et études ?
Le monde académique est de plus en plus réceptif au sport de haut-niveau. Il existe de plus en plus de solutions pour concilier les deux. Je conseillerais de d’abord privilégier les études, et après de se consacrer au vélo. Si tout juste sorti des rangs juniors, le jeune ne fait que s’entraîner, où sera la marge de progression ? Je regrette d’avoir arrêté après le bac. Mais j’avais l’opportunité de passer pro, et j’ai passé un an au Bataillon de Joinville… Ce qui finalement, ne m’a pas fait progresser tant que ça. J’avais surtout pris beaucoup de poids, même si au final je suis passé pro l’année suivante. Je m’étais fixé l’âge de 22 ans pour reprendre mes études. Finalement c’est à 26 ans que je me suis réveillé.
Mais ça n’a pas dû être simple pendant votre carrière…
Il faut accepter la médiocrité. Il faut parfois accepter la difficulté qui est de concilier vélo et études, que certaines courses on les passe bien au chaud dans le peloton pour récupérer. Mais c’est possible. Faire du vélo et des études, c’est compatible. C’est une question d’organisation, d’équilibre. Et puis ça fait aussi une bulle d’air, ce qui n’est pas négligeable. Les six premiers mois de la saison étaient compliqués, car il y avait beaucoup de courses importantes et ce n’était pas simple de concilier les deux. Mais le reste de l’année, cela demandait beaucoup moins d’organisation. Pendant la coupure, cela m’occupait l’esprit.
Fabre Etienne | © Mathilde L’Azou
Avez-vous été un peu aidé à la fin de votre carrière sportive pour la transition vers le monde du travail ?
Quand j’ai arrêté ma carrière, j’ai eu beaucoup d’aide de la part de Jean-Claude Cucherat, de la part de l’UNCP. Il m’a soutenu dans mes démarches. Et je suis enfin devenu pilote professionnel, après 12 années chez les pros. Quand tu es cycliste pro, tu as un salaire, tu vis de ta passion. Tu cours tous les week-ends, mais tu as le temps de faire des études. Une fois ma carrière terminée, je savais que j’avais les compétences pour postuler au poste que je convoitais. Je m’y étais préparé.
Le fait d’avoir eu une carrière de sportif de haut-niveau vous a-t’il aidé à obtenir un emploi ?
Cela change tout sur un CV. Certains patrons ne sont pas réceptifs à ce genre de choses, mais ceux qui le sont peuvent tout changer pour vous. On est directement associés à certaines valeurs comme la rigueur, la volonté, l’opiniâtreté… Il ne faut pas les décevoir ces gens-là. Il faut se montrer à la hauteur de leur confiance, leur prouver qu’on a le niveau. Mais toutes ces années chez les pros ont amené certaines compétences non négligeables, qui sont comme un passeport pour moi.
Quels conseils donneriez-vous aux lauréats, ou plus globalement aux coureurs qui continuent de faire des études ?
Croyez en vous, moi je crois en vous en tout cas. N’écoutez pas les autres qui essaient de se rassurer eux-mêmes en disant que vous n’y arriverez pas. Vous pouvez le faire. Formez-vous sans relâche, car cela vous permettra d’arriver sur le marché du travail avec une certaine maturité, et un certain bagage. Une chute est si vite arrivée, une fin de contrat aussi… Parez-vous à toute éventualité et préparez dès maintenant l’après.
Quels ont été les lauréats depuis son lancement ?
Cette année c’est la 3ème édition de la Bourse Etienne Fabre. Nous avons eu des lauréats prestigieux tels que Benoît Cosnefroy, Marion Borras, Magalie Pottier ou encore le champion de France amateurs Alexis Renard. Les résultats sportifs ainsi que le cursus universitaire entamé comptent tout autant pour le jury, qui élit ensuite les lauréats. Nous ne nous adressons pas à une catégorie en particulier, tous les cyclistes peuvent candidater, mais ce sont régulièrement les espoirs qui ont été primés effectivement. Néanmoins, un junior peut candidater, tout comme un senior en reprise d’études (comme Magalie Pottier, multiple championne du monde de BMX).
Photo des lauréats | © Prix Etienne Fabre
En plus…
Une bourse d’études est donnée aux sept lauréats (2000€ – 1500€ – 1000€), qui bénéficient également d’un accès facilité à un stage en entreprise. Le jour de la réception, ils se font également accompagner par des coaches spécialisés (avec notamment Marie-Laure Brunet) sur leur projet personnel. Les lauréats recevront enfin une œuvre d’art originale cette année. Il faut être licencié FFC pour pouvoir candidater à cette bourse, mais que ce soit route, VTT, BMX… Tout le monde peut tenter sa chance. Nous souhaitons que ce projet s’inscrive dans la durée pour perpétuer le nom d’Etienne Fabre, mais aussi faciliter la vie de certains coureurs.