Pourrais-tu tout d’abord résumer ta carrière personnelle ?

Moi je suis un touche à tout, autant en termes de médias (Eurosport, Canal +, RMC Sport…) que de sports (football, cyclisme, tennis…). Mes sports préférés ce sont vraiment le foot et le vélo. Et le vélo c’est vraiment un amour de jeunesse, transmis par mon grand-père et par mon père. Pour la petite anecdote, au départ c’était Alexandre Pasteur qui m’avait fait passer des tests pour commenter le ski, et puis au contact des autres journalistes de la rédaction d’Eurosport, on m’a laissé ma chance pour commenter le vélo à la télé, ce que je fais depuis 4-5 ans maintenant et ce que je préfère faire. Je suis toujours pigiste parce que j’aime cette possibilité de changer de travail tous les jours, de changer de rédaction et de sport au cours de la même journée, de pouvoir commenter un match de tennis le matin, une course cycliste l’après-midi et un match de foot le soir. C’est ça que j’aime bien.

 

A quel moment as-tu rejoint le projet Bistrot Vélo, qui vient de terminer sa 4e saison ?

L’année dernière, pendant le COVID. L’idée c’était de pouvoir se répartir l’émission avec Guillaume Di Grazia, du fait de notre calendrier de course chargé. Si on commentait à la télé on ne pouvait pas présenter l’émission. Donc on a décidé de la faire à tour de rôle.

 

Comment se passe justement cette cohabitation à la tête de l’émission ?

On fait vraiment chacun l’émission que l’on a envie de faire, et on choisit nos invités. Moi j’aime bien aller chercher des coureurs moins connus, étrangers, comme le Junior Cian Uijtdebroeks. Du coup on s’est retrouvé avec un gamin de 18 ans, une première dans l’émission. Après on en a fait un autre avec Romain Grégoire. Moi, mon but, c’est vraiment d’aller chercher des coureurs que l’on ne connaît pas trop. Les invitations se font vraiment au feeling. Ça a également marché comme ça avec Axel Merckx. Guillaume, lui, préfère davantage fonctionner avec les coureurs français. Et notre présentation de l’émission diffère légèrement. Mais au final, l’objectif est le même : parler de l’invité.

Cian Uijtdebroeks a été l'un des invités les plus marquants de Colin Bourgeat cette saisonCian Uijtdebroeks a été l’un des invités les plus marquants de Colin Bourgeat cette saison | © Eurosport

 

Cantonnée aux réseaux sociaux au cours des 3 premières saisons, l’émission est également disponible en podcast sur toutes les plateformes de streaming depuis avril dernier. Est-ce que ce moment a été un tournant dans la portée de sa diffusion ?

Effectivement, avant c’était diffusé en live Facebook mais on a eu quelques pépins donc on a dû arrêter. C’est dommage parce que ça permettait de donner la parole aux gens. Mais évidemment le fait de diffuser l’émission en podcast ça a élargi l’auditoire, parce qu’en plus des gens présents en direct ça a permis à d’autres de l’écouter en replay, offrant donc une plus grande visibilité à Bistrot Vélo.

 

Peux-tu diffuser les chiffres à ce sujet ?

Ça dépend des invités, mais c’est aussi à considérer sur le long terme, car le format du podcast permet aux gens de l’écouter plusieurs mois plus tard, quand ils découvrent l’émission. Sur les lives Facebook, on était à 4000 – 5000 mais c’est une minorité par rapport à l’ensemble de l’auditoire.

 

Bistrot Vélo, c’est avant tout une émission dédiée à présenter la véritable personnalité des coureurs.

Oui effectivement, même si l’émission se déroule différemment selon que ce soit Guillaume Di Grazia ou moi qui la présente, j’aime bien me ménager une partie pour montrer l’homme avant le coureur, présenter sa vie de tous les jours. Mais cela dépend aussi du contexte. Par exemple, pendant le Tour de France, on a tendance à davantage axer l’interview sur la compétition.

 

Est-ce que les coureurs acceptent facilement vos sollicitations ?

Ouais ! La principale difficulté, c’est plutôt de caler l’interview en fonction de leur emploi du temps et de leur calendrier de course, ou de leurs blessures et obligations. Mais sinon, globalement, quand on propose, on a rarement des retours négatifs.

 

Tu penses que les coureurs sont séduits par cette possibilité de développer leur personnalité dans un entretien long format ?

Bon tout d’abord il faut savoir que cela ne concerne que le peloton francophone, parce que l’on ne peut pas faire de sous titrage, ça n’aurait aucun sens. Moi j’ai essayé d’aller chercher des coureurs suisses, belges ou canadiens pour essayer d’élargir au maximum le panel des coureurs, mais il reste la barrière de la langue. Ça fait donc qu’ils se connaissent entre eux, sont copains, et se parlent donc de l’émission. Avant d’être invité, un coureur a généralement vu l’émission tourner dans le bus de son équipe.

 

A ton avis, quels aspects sont les plus séduisants pour les auditeurs ?

Je pense que c’est ce côté intimiste. Le coureur est là comme on n’a pas l’habitude de le voir à la télé avec son casque, ses lunettes et son dossard. Justement, j’aime bien choisir mes invités par rapport à leur capacité d’expression. Pas question d’avoir un numéro 1 mondial avec des réponses toutes faites parce qu’il a son attaché presse à côté de lui. Je préfère avec un coureur moins connu, mais qui parle sans langue de bois. Donc je pense que c’est cet aspect libre, cumulé avec une bonne humeur, qui séduit l’auditeur. On est là pour passer un bon moment avec l’invité, mais sans se gêner non plus pour lui poser les questions qui fâchent. Si on veut parler dopage, on le fait !

 

Et de ton côté, en tant que journaliste, comment vis-tu le fait d’avoir le temps de poser l’entretien, au contraire des multiples interviews de coureurs aux aires de départ ou d’arrivée ?

Ah c’est sûr que ce n’est pas la même chose. Les interviews d’arrivée, c’est toujours les mêmes réponses, un peu caricaturales, sur le déroulement de la course ou du match. Bistrot Vélo au contraire, ça permet de prendre le temps de parler d’autre chose avec l’invité.

Colin Bourgeat sur le plateau des Rois de la PédaleColin Bourgeat sur le plateau des Rois de la Pédale | © Eurosport

 

Et justement est-ce que tu penses que ça a le pouvoir de changer la perception qu’a le public des coureurs ?

Pour les connaisseurs oui. Ils peuvent avoir une image « grand public » du coureur puis découvrir dans l’émission qu’il est sympa, qu’il a des choses à dire… Mais pour le spectateur lambda qui regarde juste le Tour et Paris-Roubaix ça a moins d’intérêt. C’est une émission plutôt réservée à un public de connaisseurs.

 

Bistrot Vélo, c’est un menu traditionnel, servi à tous les invités. Mais est-il intouchable pour l’avenir ?

Non, absolument pas. Déjà il est servi différemment selon que ce soit Guillaume Di Grazia ou moi qui présente l’émission, mais en plus on n’a aucun stéréotype, l’émission est susceptible de changer à tout moment, dans un sens comme dans l’autre. Le menu ça sert juste à se donner une base. Mais en plus on se rend compte que l’émission est davantage écoutée que regardée, donc tous les éléments visuels que l’on met au cours de l’entretien ne servent pas à grand-chose, parce que la majorité des gens ne les voient pas.

 

Comme tu l’as dit, l’émission est contrainte par la francophonie des invités. Est-ce un risque de manquer de nouveauté pour les saisons à venir, en finissant par ressasser les mêmes personnes ?

De toute façon, les stars comme Thibaut Pinot, Romain Bardet, Guillaume Martin ou Warren Barguil vont revenir presque chaque année parce que ce sont des têtes d’affiche, celles qui attirent le plus d’audience. Mais on va aussi chercher des coureurs que personne n’avait vu venir, comme Simon Pellaud, Rémi Rochas ou Hugo Houle. On peut aussi inviter des managers sportifs. C’est vrai que ce n’est pas évident parce que on n’a pas 500 coureurs à notre disposition, et invité l’intervenant juste pour l’inviter ça n’a pas beaucoup d’intérêt. Il faut qu’il ait quelque chose à dire.

 

Depuis avril, aucune femme n’a mis les pieds au Bistrot Vélo. As-tu pour projet de multiplier à l’avenir leur intervention ?

On a fait auparavant les Pauline Ferrand-Prévot, Marion Rousse ou Audrey Cordon-Ragot, mais il faut reconnaître en toute honnêteté que pour le reste des coureuses, ça ne marche pas. En dehors de ces têtes d’affiches, ça n’attirerait qu’un public extrêmement restreint. Malheureusement le sport cyclisme féminin n’est pas encore assez démocratisé. Et justement, j’ai mis 3 saisons à inviter Antoine Berlin pour cette raison. Et je l’ai fait parce qu’il a vraiment une histoire à raconter : passer pro à 31 ans, en ayant des résultats, en étant un ancien sportif de course à pied, en travaillant à mi-temps dans des bureaux, ce n’est pas banal ! C’était donc effectivement une belle histoire que je voulais faire partager.

Nicolas Roche a fait une grosse surprise à Colin Bourgeat et Guillaume Di Grazia lors du dernier épisodeNicolas Roche a fait une grosse surprise à Colin Bourgeat et Guillaume Di Grazia lors du dernier épisode | © Eurosport

 

Pour finir, parmi tous les épisodes disponibles en streaming, lequel conseillerais-tu particulièrement aux lecteurs de Vélo 101, pour découvrir et aimer Bistrot Vélo ?

Je dirais qu’il y en a trois. D’abord celui avec Nicolas Roche, tourné il y a moins d’un mois, où on a appris deux minutes avant le début du direct qu’il allait annoncer sa retraite. C’était assez inopiné. Mais il nous a aussi parlé de l’ensemble de sa carrière, qui nous a appris plein d’anecdotes complètement folles, et donc même moi j’ai appris énormément de choses. Et il y a aussi celui avec Axel Merckx, pendant le Tour d’Italie l’an passé, où plein d’anciens coureurs de son équipe Axeon brillaient, comme Tao Geoghegan Hart ou Joa Almeida. Et en fait c’est l’invité le plus touchant que j’ai trouvé. Il parle très bien, il est facile à écouter et est très pédagogue. On sent que c’est un amoureux de son sport. Et enfin, je citerais l’épisode avec Cian Uijtdebroeks, un gamin avec le sourire aux lèvres, une future star qui nous livre sa vision du vélo à 18 ans.

Par Jean-Guillaume Langrognet