Vous le savez bien dorénavant, les oreillettes n’ont plus le droit de cité sur les épreuves cyclistes (hors circuit WorldTour, épargné pendant un an encore). Adoptée il y a plusieurs années, la mesure de suppression progressive des oreillettes touche cette année la quasi-totalité des courses fréquentées par les professionnels, quand elle n’avait cours que sur les courses de seconde zone l’année dernière. Ca a un peu jasé en janvier sur les premiers rendez-vous concernés, tout simplement parce que les coureurs téléguidés depuis la voiture de leur directeur sportif vont maintenant devoir penser par eux-mêmes, prendre des initiatives, développer leur sens tactique (tous n’ont pas attendu pour cela, on vous rassure), ce qui manquait cruellement aux courses aseptisées des années 2000.
Quel argument pouvait bien encore sauver le système d’émetteur-récepteur arrivé dans les pelotons au milieu des années 90, d’abord auprès d’un coureur par équipe, puis généralisé à l’ensemble du peloton professionnel et bientôt, par effet de mimétisme, aux pelotons amateurs. L’argument sécuritaire ne tient pas la route. Un coureur doté d’une oreillette ne tombe pas moins qu’un autre… en revanche il gagne souvent moins ! L’accessoire a permis d’impliquer davantage les directeurs sportifs dans la course, c’est un fait, mais il a rendu les courses plus ternes, trop calculées, moins spontanées. Nos confrères de la télévision ont été les premiers à s’en offusquer, eux pour qui le spectacle sportif est prépondérant.
Le cyclisme est un sport fondé sur la tradition, ce qui fait sa force mais aussi sa faiblesse. Pour intéresser nos jeunes générations adeptes de sports funs et dynamiques, il fallait grandement penser redynamiser les courses, rendre leurs scénarios moins prévisibles. Et dans ce cas précis, un retour en arrière s’imposait. Dimanche à Marseille, Jérémy Roy, parti après 10 kilomètres de course, a largement tenu tête à un peloton incapable de s’organiser dans les temps, concluant victorieusement une échappée de 130 bornes. Tout est dit. La place de l’oreillette est dans un musée.