Haro sur Mark Cavendish ! Réputé pour ses déclarations tumultueuses, le sprinteur de l’île de Man va désormais l’être pour ses sprints qui le sont tout autant. Hier, sur le sprint massif de la quatrième étape du Tour de Suisse, il ne reste pas sur sa ligne et vient percuter Haussler (Cervélo TestTeam) qui est à sa gauche. Cavendish (Team HTC-Columbia), fautif évident, écope d’une pénalité de trente secondes pour sprint irrégulier. Déjà sur la 14ème étape du Tour de France 2009, il avait été déclassé pour avoir changé de ligne et serré Thor Hushovd (Cervélo TestTeam) contre les barrières. Deux actes, évidemment inexcusables, qui révèlent bien la dangerosité de cet exercice si particulier : le sprint massif.
Heureusement réservé aux spécialistes, le sprint massif est à la fois un spectacle pour le public mais aussi, et surtout, un moment de tous les dangers pour les protagonistes. Lancés à plus de 70 km/h les sprinteurs font preuve d’une adresse et d’une maîtrise exceptionnelle de leur vélo. N’hésitant pas à jouer des coudes, à se pousser, à changer de trajectoire, le sprint est avant tout un véritable art et les sprinteurs de véritables artistes. Mais quand il y a une chute, comme hier, le peloton s’effondre alors comme un vulgaire château de cartes et les cyclistes se retrouvent à terre après une pirouette des plus acrobatiques. Le fait que ce genre d’accidents soit rare montre bien à quel point les sprinteurs font preuve d’habileté et de sang-froid. Souvenez-vous de Robbie McEwen qui, sa tête sur l’épaule de Stuart O’Grady, continue à sprinter lors de la troisième étape du Tour de France 2005. C’est toujours ce diable de McEwen, véritable électron libre des sprints, qui déchausse des deux pieds dans le final de Paris-Tours 2007, sans pour autant envoyer les autres sprinteurs au tapis. De véritables prouesses d’équilibristes !
Mais il est vrai que certains sprinteurs sont connus pour leur dangerosité. A trop sprinter tête baissée – à l’instar de Cavendish – Djamolidine Abdoujaparov a souvent terminé sur le bitume. La plus célèbre de ses chutes étant sans aucun doute celle sur les Champs-Elysées lors du Tour de France 1991 où il percute de plein fouet le pied d’une barrière. Ses trajectoires variables, comme sa tendance à « forcer le passage » ont construit la réputation du cycliste ouzbek. Dans le peloton actuel, les Graeme Brown (Rabobank) ou bien Tyler Farrar (Garmin-Transitions) sont réputés pour être de véritables casse-cous qui mènent à mal le train des équipes de sprinteurs. Mais c’est aussi cela la magie du sprint. Si les Cipollini, Petacchi ou Cavendish nous ont habitués à des sprints préparés par les trains supersoniques de leurs équipes, certains roublards ont appris à déjouer les règles établies. Prendre la bonne roue, s’infiltrer, remonter le peloton, frotter…Voilà le crédo des Robbie McEwen et autre Oscar Freire. Le sprint massif regroupe l’essence-même du spectacle sportif. A savoir l’effort, le suspense, la tragédie et la gloire.