« Il est là, prostré sur son vélo. Déposé comme un simple gregario, abandonné au bord de cette route en pente qu’il dominait jadis, et d’où il peut voir s’envoler au loin ces jeunes loups qui n’ont plus peur de commettre le crime de lèse-majesté. La tête baissée, enfouie dans les épaules, le Texan, livré à lui-même, traîne sa carcasse de trentenaire avec la lassitude du champion sur le déclin. Pis encore, il est contraint de mettre pied à terre, après une chute banale surgie devant lui. Les mains sur les hanches, celui qui a toujours anticipé ce genre d’avaries, constate son impuissance. Le rictus a changé, l’orgueil est ravalé. C’est le spectacle pathétique de la chute d’un empereur qui rêvait à 38 ans de triompher de sa dernière campagne. Il en revient pour l’instant bredouille. A y regarder de plus près, quelques signes sous-jacents laissaient deviner que la chute d’Armstrong était proche. En sus de résultats peu convaincants, les évènements du Tour de Californie, en mai dernier, démontraient que la fortune avait changé de camp. Comme si la bonne étoile qui l’avait protégé – des adversaires sur la route, comme en dehors – pendant dix années, l’avait définitivement abandonné. L’étape de Morzine a donc sonné le glas du règne d’un homme qui avait toujours pensé que le Tour lui appartenait. Ce même Tour qui l’avait autrefois consacré, l’a aujourd’hui enterré. Le 11 juillet 2010, Armstrong est redescendu sur terre. »
Laurent Galinon