Invitations sur toutes les grandes courses de la saison et retombées financières accrues, les avantages en faveur du World Tour ne sont pas négligeables. Certes, la division suprême implique aussi des contraintes accrues, notamment d’un point de vue budgétaire (salaire minimum plus élevé, seuil d’effectif augmenté), mais la visibilité et l’honneur apportés dépassent cela. D’ailleurs, si l’équipe candidate dépasse déjà ces minimas, ces exigences n’ont plus d’effets embêtants.
Et s’il y a un manager qui regarde vers le haut, c’est bien Emmanuel Hubert, et son équipe Arkéa-Samsic. De 2010 à 2011, le breton avait déjà connu les joies de la promotion. A l’époque, la modeste Bretagne-Schuller avait acquis un statut de formation Continentale Pro, délaissant ainsi la troisième division du cyclisme mondial. Romain Hardy et Laurent Pichon, fidèles à la structure, faisaient déjà partie de l’aventure, rejoins par le prometteur Warren Barguil l’été suivant. Une décennie plus tard, les trois hommes, modèles d’équipiers, se lancent ainsi à la quête de l’accession sacrée. Pour Romain Hardy, le World Tour aurait même un caractère inédit. Malgré un détour par l’équipe Cofidis et deux participations au Tour, le normand n’a jamais eu le statut d’un coureur d’élite. A 33 ans, il pourrait donc y parvenir par l’œuvre collective d’une structure qui ne cesse de croître.
L’effectif de l’équipe Bretagne-Schuller en 2011 | © Bretagne-Schuller
Arkéa-Samsic, prestataires de résultats d’élites
Depuis 2020, l’année où le classement triennal a commencé, Arkéa-Samsic ne cesse d’engranger. A peine entrée dans cette nouvelle décennie, l’écurie bretonne avait déjà cartonnée. Dans un début de saison fort semblable à l’actuel, Nairo Quintana s’était avéré insatiable. Double vainqueur d’étape et lauréat du classement général du Tour de la Provence, le colombien s’était également hissé sur le podium final du Tour des Alpes-Maritimes et du Var la semaine suivante, non sans avoir remporté un bouquet au passage. Enfin, un numéro sur les pentes du Col de la Colmiane, théâtre du repli du cyclisme sous l’effet de la pandémie, lui octroie l’étape reine de Paris-Nice. Si la reprise est moins fructueuse pour « Nairoman » et son équipe, le bilan reste satisfaisant. Ajoutés à la poignée de victoires de Nacer Bouhanni, sprinteur phare de la maison, ces succès portent le Team Arkéa-Samsic bien haut dans le classement de fin de saison. 14e du classement UCI en novembre, l’équipe d’Emmanuel Hubert devance un paquet d’équipes WorldTour, dont ses compatriotes d’AG2R la Mondiale, mais aussi le CCC Team ou la fameuse Movistar.
L’équipe Arkéa-Samsic sur le Tour 2021 | © Elen Rius / Arkéa-Samsic
Si Nairo Quintana flanche l’année suivante, la régularité des rouges et noirs sauve les meubles, et maintient l’équipe dans le top 18. En effet, le classement UCI prend en compte les points récoltés par les 10 meilleurs coureurs de chaque équipe pour chaque saison. Réguliers dans leurs prestations, Warren Barguil, Connor Swift ou encore Nacer Bouhanni compensent ainsi l’affaiblissement de leur leader et portent la formation bretonne à la 18e place cumulée des deux premières années de l’échéancier triennal.
En ligne de mire, pointent Israël Start-Up Nation et Intermarché – Wanty-Gobert, héritière de la licence (et des points) du Team CCC. Et dans sa roue, figurent la Cofidis et la Lotto-Soudal. 21e, le Team Qhubeka Nexthash est finalement éliminé de la course durant l’hiver, faute de fonds suffisants pour poursuivre l’aventure cycliste.
Quintana, leader de classe World Tour
Dès lors, cette troisième est ultime saison apparaît donc décisive pour l’écurie bretonne. Située dans un mouchoir de poche avec ses principaux concurrents, elle doit impérativement compter sur un bon cru en 2022 pour prétendre au Graal. Interviewé par nos confrères de Ouest France en octobre dernier, Emmanuel Hubert rappelait d’ailleurs cette nécessité, tout en rappelant ses rêves inaliénables de World Tour. Au terme du premier mois de compétition, ses troupes semblent avoir compris le message.
Nairo Quintana est bien évidemment l’homme fort du Team Arkéa-Samsic | © Arkéa Samsic
Si Nairo Quintana a évidemment crevé l’écran sur les Tours de Provence et des Alpes-Maritimes et du Var, ses compères ont également répondu présents. Dès le GP d’Ouverture la Marseillaise, Amaury Capiot débloquait ainsi le compteur de son équipe. En Arabie Saoudite, Dan McLay se hissait deux fois sur la seconde place du podium journalier. Sur le Tour d’Oman, Kevin Vauquelin et Elie Gesbert empochaient de précieux points UCI, au gré de multiples podiums. Et à l’entame des classiques belges, Hugo Hofstetter se glissait parmi les cadors, glanant de splendides 3e et 2e places sur Kuurne – Bruxelles – Kuurne et le Samyn.
Ces petits exploits ont ainsi propulsé le Team Arkéa-Samsic à la seconde place du classement UCI de la présente saison, devant les cylindrées Quick-Step, Jumbo Visma ou INEOS. Face aux bretons, seule la riche UAE Team fait de la résistance en tête ! Mais outre cette glorieuse position, c’est surtout le bilan comptable qui est à louer. Le 2 mars 2022, l’équipe d’Emmanuel Hubert compte déjà 1778 points UCI. Durant les 12 mois de la saison 2021, elle en avait glané 5000, soit à peine trois fois plus en dix fois plus longtemps.
Mais qui pourrait encore priver Arkéa-Samsic de l’élite ?
Pas grand monde, à vrai dire. Remontée à la 15e place du classement UCI triennal, le Team Arkéa-Samsic compte désormais près de 1300 points d’avance sur la Cofidis, premier non qualifié pour le prochain exercice World Tour, et 100 de plus sur la Lotto-Soudal. Le Team TotalEnergies, semble lui, hors-jeu. L’arrivée des monuments et des Grands Tours pourrait toutefois bouleverser les choses, tant ces épreuves sont rémunératrices en points et réservées à une caste de coureurs bien particuliers.
Avec son actuelle 15e position, le Team Arkéa-Samsic est bien parti pour son accession au WorldTour | © Vélo 101
Mais la Cofidis ne semble pas avoir d’hommes de ce registre en besogne. Son meilleur grimpeur, Guillaume Martin, s’est avoué vaincu face à la force de Nairo Quintana sur le Tour des Alpes-Maritimes et du Var. Quant à Bryan Coquard, plus belle pointe de vitesse des rouges et blancs, il a encore prouvé ce week-end qu’il se heurtait à un plafond de verre dès qu’il se présentait sur des courses de plus grande importance.
A ce titre, le danger pourrait davantage provenir de Belgique, et de l’équipe Lotto-Soudal. Propulsée par Caleb Ewan, déjà double vainqueur en ce début de saison, celle-ci pourrait profiter des nombreuses étapes du plaine des Grands Tours pour faire le plein de points et rattraper ainsi le Team Arkéa-Samsic si Nairo Quintana venait à rentrer dans le rang. Impressionnant depuis les premières classiques espagnoles, Tim Wellens pourrait également s’avérer précieux sur les classiques dans l’optique du maintien.
Néanmoins, Arkéa et Lotto-Soudal pourraient toutes deux se satisfaire d’un refus d’Alpecin-Fenix d’intégrer l’élite. En effet, ses contraintes semblent rebuter les frères Roodhoft, préférant un effectif restreint au service d’une poignée de leaders de grande envergure. Systématiquement invitée sur ses courses de prédilection, la formation belge ne jouirait donc pas d’avantages particuliers en intégrant le WorldTour. Cette position pourrait donc bien entériner la promotion du Team Arkéa. Pour Emmanuel Hubert, l’époque Continentale semble bien loin désormais…
Par Jean-Guillaume Langrognet