Yoann, quatre ans et demi après la fin de votre carrière, vous êtes encore en pleine reconversion. Expliquez-nous…
Je me suis arrêté sur une blessure en 2009 et alors que l’équipe Agritubel s’arrêtait. Ça a été un regret car je n’avais pas encore démontré l’étendue de mes capacités. Je m’étais promis d’arrêter le cyclisme sans regret, ça n’a pas été le cas. Ça a été difficile moralement au début, mais j’ai dû me faire une raison. Je me suis alors lancé dans le commerce avec un magasin de cycles. Le commerce marchait bien mais ça s’est mal passé avec mon associé. Au bout de deux ans je suis parti. Le mois dernier j’ai donc entrepris une formation de géomètre qui va durer neuf mois. C’est un métier que j’ai découvert à Vannes auprès de Jérôme Lappartient, le frère de David. Ce que j’avais pressenti s’est alors avéré exact, c’est-à-dire qu’on est la moitié du temps sur le terrain, dehors le matin, au bureau l’après-midi à tracer ce qu’on a fait. Etre la moitié du temps dehors, ça me plaît. Je me rends compte qu’être enfermé dans un magasin toute la journée, ce n’était pas pour moi.
Il vous aura fallu quelques années pour trouver votre voie, comment l’expliquez-vous ?
L’après-carrière, je n’y avais pas réfléchi. Je ne me voyais pas arrêter aussi tôt et je n’aime pas penser à autre chose lorsque je suis sur un sujet. Quand j’étais coureur je voulais me concentrer sur le présent, le vélo, sans penser à l’après. Une fois que ça s’est arrêté il m’a bien fallu y penser, mais c’est arrivé un peu trop vite pour moi. Au début j’ai pensé devenir kiné mais c’étaient encore des années d’études en école avant de pouvoir exercer. Aujourd’hui je me construis tranquillement, et d’ici décembre j’espère avoir un diplôme dans un domaine d’activité n’ayant rien à voir avec le vélo. Même si j’apprécie vraiment le milieu, ce n’est pas plus mal d’en sortir un peu.
Une fois le vélo raccroché, qu’est-ce qui vous a le plus manqué ?
Ça a tout de suite été l’esprit de compétition. J’ai rapidement recommencé à faire du sport, de la course à pied et du duathlon. J’ai aussi participé à un triathlon lorsque j’étais au Triathlon Club de Quimper, où j’ai retrouvé l’esprit d’équipe qui rapidement aussi m’a manqué. Nous sommes devenus champions de Bretagne de duathlon. J’ai pris beaucoup de plaisir à partager ce titre, ces émotions avec eux. Désormais j’ai un peu moins le temps. La compétition me manque encore, bien que beaucoup moins. Lorsque j’aurai davantage de temps je reprendrai la course à pied, à mon niveau, mais au moins j’aurai le plaisir de faire du sport et un peu de compétition.
Vous évoquez la course à pied mais quid du vélo ?
Ces temps-ci, je ne vais pas vous mentir, je ne roule plus. S’il pleut, c’est hors de question. Mais quand il se met à faire beau et que ça me prend, je peux rouler beaucoup pendant six mois. Je ne m’impose plus de faire tant de kilomètres par semaine. Cette année ce sera d’autant plus difficile que je fais ma formation à Meaux, en Seine-et-Marne. Par rapport à la Bretagne, c’est nettement plus compliqué d’aller rouler. Et puis il y a du boulot ! Je travaille en neuf mois sur un diplôme qui se passe normalement en deux ans. Mais ça me plaît.
Quel souvenir matériel de votre carrière avez-vous conservé ?
Je ne suis pas du tout matérialiste. Je n’ai même pas gardé un seul vélo. Il doit me rester un maillot, peut-être. Il n’y a en fait qu’un petit trophée que je souhaite garder, celui de la Cima Coppi (NDLR : Yoann Le Boulanger était passé en tête en haut du col le plus haut du Giro 2007, le col Agnel). J’adore Fausto Coppi. Franchir le premier le point culminant du Giro reste un grand souvenir. Des fois, je regarde des photos, mais ce que j’ai fait dans le vélo, c’était avant tout pour le sport, pour la compétition, pour voir ce que je valais physiquement et mentalement. Maintenant que c’est bel et bien fini, il faut passer à autre chose et s’épanouir dans d’autres domaines.
Vous arrive-t-il encore de vous rendre sur un événement cycliste ?
Ça m’arrive parfois, par exemple le cyclo-cross de Lanarvily. J’aime bien aller voir d’anciens collègues, même si je vieillis et eux aussi, ce qui fait que parmi mes connaissances de l’époque il y en a maintenant quelques-uns qui sont partis en retraite aussi. A part le staff des équipes, il ne reste plus que deux-trois coureurs par équipe que j’ai côtoyés par le passé. Mais c’est logique, le temps passe. Maintenant, je garde un œil sur l’actualité. J’ai du mal à ne pas m’y intéresser. A partir du moment où la saison de vélo a commencé, je suis l’actu et je regarde les résultats.
Vous avez été coureur des années 2000, auriez-vous préféré être un coureur des années 2010 ?
Oui, franchement oui. Je suis passé pro en 2000. Ce n’étaient pas du tout les mêmes coureurs auxquels j’avais affaire. Ce n’était pas du tout le même esprit. Quand je vois les jeunes d’aujourd’hui, je pense que c’est largement plus sain. Ils ont énormément de chance. A l’époque, il me fallait me battre contre des surhommes qui n’étaient pas des sportifs. Ça m’a parfois porté préjudice car je n’hésitais pas à dire ce que je pensais de tout ça. On a su me le faire savoir indirectement. Mais j’avais une philosophie, je l’ai gardée jusqu’au bout, sans tricher, et c’est la meilleure chose que j’ai su faire.
Quelle image forte vous reste en tête au moment de jeter un dernier regard sur votre carrière ?
C’est avant tout la vie en équipe, qui me plaisait vraiment. Partager des moments avec les collègues, qu’ils soient bons ou mauvais. J’aimais le soir me retrouver à table et discuter de la course, de rigoler, de féliciter celui qui avait gagné. Pendant la course aussi on s’amusait de temps en temps. C’était la notion de partage. J’ai toujours aimé travailler en équipe. Et à l’avenir j’espère en trouver une dans mon activité professionnelle.