Ce 11 juillet 1991, Thierry Marie voulait simplement revoir sa Normandie. Ce spécialiste du prologue apprécié de tous pour sa sympathie et son caractère jovial, premier maillot jaune du Tour de France lors de cette édition remportée par Miguel Indurain, a prouvé aux yeux du monde qu’il pouvait rouler en solitaire bien plus longtemps. Entre Arras et Le Havre, il signe alors un exploit retentissant en parcourant en solo 234 kilomètres reprenant du même coup le maillot jaune que Greg LeMond ne voulait pas porter suite à l’abandon sur chute de Rolf Sorensen à Valenciennes. Il multiplie ensuite les expériences une fois sa carrière terminée en 1996. Mais depuis un peu plus de deux ans, Thierry Marie est revenu à ses premières amours : le jardinage. Car celui qui a porté le maillot jaune sur le Tour pendant sept étapes a la main verte !
Thierry, pourquoi vous êtes-vous tourné vers le jardinage ?
J’ai simplement repris mon ancien métier. J’ai appris à être jardinier en même temps que j’ai commencé à faire du vélo, c’était en 1977. Ça commence à dater. Mais je ne me suis pas lancé tout de suite dans cette activité après ma carrière. J’ai fait pas mal de métiers, notamment commercial chez Fenioux, mais j’ai fini par me relancer dans le jardin. Toutes les expériences professionnelles finissent par vous servir. Je ne le regrette absolument pas. J’ai simplement voulu changer après avoir appris pas mal de choses. Il y a pas mal de difficulté dans le monde du vélo en ce moment. Ce n’est pas facile.
Depuis quand vous êtes-vous lancé dans cette activité ?
J’ai lancé ma propre entreprise en novembre 2011. J’étais à plein temps, mais au départ, j’avais zéro client ! Mon côté commercial m’a servi. Le métier a changé. Je dois m’adapter. C’est tout de même un métier physique. Quand j’étais commercial, je faisais beaucoup de voiture et j’avais des problèmes de dos que je n’ai plus aujourd’hui. J’ai eu une sciatique carabinée ! Mais aujourd’hui, je touche du bois, tout se passe pour le mieux !
Combien d’employés avez-vous sous vos ordres ?
Je suis tout seul dans l’entreprise. Je n’ai pas besoin d’employés pour le moment. Je n’ai démarré que depuis deux ans, cela me suffit. Et un coureur cycliste n’est pas fainéant ! (il rit)
Vous avez arrêté votre carrière à l’âge de 33 ans. Pourquoi si jeune ?
C’est vrai que sur la fin c’était plus difficile. J’ai beaucoup donné. J’ai commencé au service de Laurent Fignon chez Renault. Mais je n’ai rien à regretter. J’ai fait dix-huit Grands Tours. Douze Tours de France, quatre Giro et deux Vuelta. J’ai toujours eu une bonne image. Et puis, la carrière d’un baroudeur se termine plus rapidement que celle d’un coureur qui reste dans les roues. Je n’ai cependant pas eu le choix. L’équipe Castorama s’est arrêtée à la fin de l’année 1995 quand Cyrille Guimard n’a pas pu trouver de sponsor. On a voulu créer une équipe avec Agrigel, mais ils n’ont pas renouvelé le contrat et on s’est retrouvé sur le pavé.
Aviez-vous commencé à penser à votre après-carrière ?
Sur le plan financier, j’avais investi dans l’immobilier. Je ne voulais pas me projeter. Penser à l’après-vélo, ça veut déjà dire arrêter. Selon moi, j’étais encore un bon coureur. Par la suite, j’ai connu quelques moments difficiles au niveau personnel. Mais avec le temps, tout finit par s’arranger. Cela permet d’avaler la pilule.
Quel est le plus beau souvenir que vous gardez de votre carrière ?
C’est l’étape du Tour que je remporte en 1991 au terme de ma longue échappée entre Arras et Le Havre. C’était exceptionnel. Avec cet exploit, je suis entré dans la cour des grands. On m’en parle encore très souvent. Je l’ai fait avec mon cœur. Je courrais comme cela de toute manière. Si l’étape n’était pas arrivée en Normandie (NDLR : dont il est originaire), je me serais peut-être relevé. Quand je me suis retourné, j’ai vu Bernard Hinault qui me disait que j’étais cinglé ! J’ai eu de la chance, mais j’ai eu une belle notoriété grâce à cela. Faire cela en Normandie, c’était exceptionnel.
Pensez-vous qu’un tel exploit est encore possible dans un cyclisme de plus en plus stéréotypé ?
Il y a quand même des échappées au départ. Mais les sprinteurs sont de plus en plus organisés. Certaines équipes ne roulent que pour eux. Avant ce n’était pas le cas. Les équipes avaient tout de même un leader pour la montagne. Quand je vois aujourd’hui un autre Normand, Anthony Delaplace… Le nombre de fois où il est échappé, je suis sûr que ça finira par payer.
Vous étiez aussi un spécialiste du prologue. Pensez-vous que cette spécialité a évolué ?
Oui au niveau du matériel, principalement. Les vélos de contre-la-montre sont aujourd’hui impressionnants. Mais un spécialiste reste quelqu’un plein d’envie, qui trouve du plaisir dans ce qu’il fait, qui a étudié les spécificités du prologue. Cela n’a pas vraiment changé. Personnellement, je savais que le prologue était un bon moyen de travailler. J’en ai quand même gagné cinq : trois du Tour, un du Giro, un de la Vuelta.
Avez-vous poursuivi votre activité physique ?
Oui, je fais tout de même 8000 kilomètres par an. Je sors tous les dimanches avec des copains. Il nous arrive de faire jusqu’à 600 kilomètres en trois jours ! L’an dernier, j’ai encore participé aux 24 heures du Mans. J’ai aussi fait l’Étape du Tour. Mais aujourd’hui, je force un peu moins sur les pédales. N’oubliez pas que j’ai maintenant cinquante balais !
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