S’il y a bien une ville du Nord que l’on peut associer au cyclisme, c’est bien Roubaix ! « Dans la métropole lilloise, chaque ville a son sport, résume l’adjoint aux Sports de la ville, Henry Planckaert. Lille a le football avec le LOSC, Tourcoing le volley-ball avec le TLM, Villeneuve-d’Ascq c’est le basket-ball avec l’ESBVA, pour nous c’est le cyclisme. » Une équipe continentale, un vélodrome couvert flambant neuf, une piste de BMX qui doit bientôt ouvrir, et même des compétions de cyclo-cross (Roubaix a accueilli l’an dernier l’une des huit manches de Coupe du Monde), les investissements de la ville dans le monde de la petite reine ne manquent pas. Mais c’est bien entendu pour l’accueil de l’arrivée de l’Enfer du Nord que le nom de Roubaix rayonne à travers le monde.
On ne compte pas le nombre de caméras ni celui des journalistes accrédités pour l’événement. Retransmis en mondovision, Paris-Roubaix séduit les téléspectateurs du monde entier. « Cela nous donne une bonne image. La course est diffusée par le service public en quasi intégralité. C’est pratiquement un spot de pub pour la ville », admet Henry Planckaert.
Un spot de pub qui n’est pourtant pas gratuit. Cela prêtera sans doute à sourire, mais la commune doit payer entre 120 et 130 000 euros chaque année pour accueillir Paris-Roubaix. « J’ai négocié le dernier accord avec Jean-Marie Leblanc. Il doit être rediscuté l’année prochaine. On va renégocier pour cinq ans. La ville de Roubaix a besoin de Paris-Roubaix tout comme ASO a besoin de notre ville. Le problème ne se pose pas. C’est la grande classique de l’année, la plus grande des classiques. Cela fait vivre certains de nos commerçants dès la veille. On a maintenant aussi une cyclo qui a lieu vingt-quatre heures avant Paris-Roubaix. Tout cela fait que l’on a besoin de cette fête tous les ans. Nous avons intérêt à mutualiser et à continuer de financer ce genre d’événements. On s’y retrouve, mais on ne peut pas en faire un calcul. On sait ce que cela nous coûte, mais je ne sais pas ce que cela nous rapporte financièrement », explique le politique.
Car les 120 000 euros sont « plus que doublés si l’on y inclut tout ce qu’on met en œuvre pour accueillir le Paris-Roubaix », c’est-à-dire le personnel qui travaille à la rénovation du vélodrome qui est lui à la charge de la ville. La piste en béton se fait lifter chaque année, la Côte d’Azur est repeinte. Un engrais spécial est même utilisé pour rendre plus verte la pelouse du vélodrome qui accueille le reste de l’année… les matches de l’équipe de rugby de la ville ! Toute une équipe travaille d’arrache-pied la semaine précédant l’épreuve pour rénover cet anneau mythique que les hélicoptères mettent en valeur le jour de la course. « Cela nous coûte relativement cher, mais pour une classique comme Paris-Roubaix, ASO et la ville de Roubaix s’y retrouvent. On a eu un protocole qui fait que les intérêts des uns et des autres sont sauvegardés », reconnaît l’adjoint aux Sports de la ville.
Pourquoi un tel investissement ? « Roubaix a la volonté d’être la capitale française du cyclisme avec deux vélodromes, son club, le Roubaix Lille Métropole, et Paris-Roubaix qui est la classique numéro une », répond Henry Planckaert. Car Roubaix ne vit pas au rythme du cyclisme que le dimanche de l’Enfer du Nord. La ville a des ambitions dans pratiquement toutes les disciplines (à l’exception du VTT).
Sur route, elle sponsorise l’une des trois équipes continentales françaises à laquelle elle donne son nom conjointement à Lille Métropole. Elle intervient à hauteur de 15 % pour le budget total de l’équipe avec 120 000 euros alloués sur les 800 000 au total. L’équipe de Jean-Charles Canonne a connu de graves difficultés pour survivre en fin de saison dernière. La formation a été contrainte de revoir son budget à la baisse et de n’engager que dix coureurs contre douze l’an dernier. « On fait ce que l’on peut. La ville de Roubaix n’est pas une ville riche, tout le monde le sait, se défend Henry Planckaert. On est au taquet pour nos subventions au Vélo Club de Roubaix. Notre rôle est de rassembler les sponsors et les principaux financeurs. Nous aurons une réunion prochainement avec les hommes politiques de la région, de la métropole, pour voir comment amplifier l’aide et faire en sorte que l’équipe soit opérationnelle l’année prochaine. » C’est ainsi que les subventions accordées à l’équipe sont en tête des dépenses sportives de la ville de Roubaix. Mais le football, et les dix-sept clubs de la ville, reste protégé et occupe le premier poste de dépenses de la commune.
Une politique qui a parfois du mal à passer dans les clubs. En 2011, les dirigeants de l’AS 3 Ponts, le quartier situé à proximité du vélodrome, avaient menacé de perturber le déroulement de Paris-Roubaix pour protester contre ce supposé traitement de faveur. Principal grief ? Le cyclisme ne profite pas aux Roubaisiens, mais aux habitants des villes aux alentours plus aisées. « Ce n’est pas vrai, affirme Henry Planckaert. On va accueillir des scolaires sur la piste de BMX très prochainement, mais aussi les gens du quartier. Cette piste va, je pense, attirer beaucoup de jeunes roubaisiens vers le sport cycliste. » Seul problème, la piste n’est pas encore ouverte pour des raisons obscures liées au revêtement. Elle devrait néanmoins être inaugurée sous peu et une section BMX du VC Roubaix devrait voir le jour.
Située à proximité du nouveau vélodrome couvert, elle doit pour le moment s’incliner devant ce bijou de la piste française. Dirigé par l’enfant du pays, Arnaud Tournant, le Stab a accueilli au mois de février les Championnats de France sur piste, trois mois après son ouverture. Un énorme succès qui a rassemblé plus de 5000 spectateurs sur trois jours alors qu’ils étaient 300 à Bordeaux en juin 2012, moins de deux mois avant le début des Jeux. C’est en partie pour cette échéance qu’a été construit ce nouveau vélodrome. La région Nord-Pas-de-Calais avait un programme ambitieux de « base arrière des Jeux de Londres ». Nul doute qu’un tel outil aurait été exploité à la perfection par les tricolores à quelques semaines de l’olympiade. Mais de l’amiante a été retrouvée dans le bâtiment démoli et a retardé les travaux.
Peu importe, cet outil permettra de former les champions de demain. La ville de Roubaix intervient à 20 % dans le budget du Stab et a eu « un rôle déterminant » dans sa construction. Si elle n’a pas financé à proprement parler la construction du nouveau vélodrome, elle a mis à disposition le foncier et financé la démolition de l’ancien bâtiment présent sur le site. S’ils se tournent vers le futur, les Roubaisiens peuvent déjà se targuer de posséder dans leurs rangs un champion du monde. À Minsk au mois de février, Morgan Kneisky, professionnel au Roubaix Lille Métropole, empochait l’or sur l’Américaine en compagnie de Vivien Brisse. Avec un tel vélodrome, ce sera peut-être le premier d’une longue série.