La grande silhouette de Raphaël Jeune ne s’est jamais éloignée des pelotons, qu’il a côtoyés deux années seulement en tant que pro. Deux années passées aux côtés de Laurent Jalabert, son ami, au cœur de l’équipe CSC-Tiscali de Bjarne Riis. Coureur prometteur sur le terrain des classiques, il a choisi de saisir l’opportunité qu’on lui offrait de s’engager dans une autre voie professionnelle après deux années seulement au haut niveau athlétique. Un choix courageux qui a permis à Raphaël Jeune d’embrasser une nouvelle carrière, pas loin des pelotons puisqu’il occupe depuis le poste de Responsable Promotion chez Look. C’est par lui que passe tout le sponsoring de la marque française à travers le monde. Sur route, sur piste, à VTT, avec une équipe comme Cofidis ou des athlètes individuels.
Raphaël, votre passage chez les pros a été de courte durée, 2001 et 2002. Pourquoi ?
Simplement parce qu’une bonne offre de reconversion s’est présentée à moi, et qu’une carrière sportive ça peut durer très longtemps mais ça peut aussi être très court. Surtout dans le cyclisme. Fin 2002, alors qu’on me proposait des contrats dans d’autres équipes, j’ai rencontré Dominique Bergin, le PDG de Look, à la présentation du Tour. Il m’a proposé d’être Responsable Promotion. Je me suis donné trois semaines pour réfléchir, j’en ai parlé à Laurent Jalabert qui a estimé qu’il s’agissait d’une belle opportunité à saisir, et j’ai retenu l’option de préparer ma reconversion plutôt que de tenter une hypothétique carrière sportive.
Vous n’aviez alors que 28 ans…
J’étais très jeune et je pouvais encore réaliser une belle carrière professionnelle. Je faisais partie des trois meilleurs amateurs sur mes deux-trois dernières années à ce niveau. J’étais plutôt un coureur de classiques donc à l’orée des 30 ans j’aurais pu devenir l’un des meilleurs Français dans ce domaine. Mais avec des si on mettrait Paris en bouteille. J’ai pris ma décision. Pendant deux années j’ai fait partie d’une super équipe, CSC-Tiscali, avec des coureurs et un encadrement géniaux. J’ai donc quitté une équipe au top pour intégrer une marque au top, Look.
Comment s’est faite cette soudaine transition ?
Très rapidement. J’ai été embauché chez Look dès novembre 2002 alors que j’étais encore officiellement coureur. L’idée était que je devienne Responsable Sponsoring quand Jean-Michel Coval prendrait sa retraite. Après trois jours chez Look, je suis parti directement sur un stage d’une semaine avec le Crédit Agricole. C’était très bizarre car officiellement j’étais encore coureur jusqu’au 31 décembre et je me retrouvais avec des coureurs avec lesquels je roulais encore un mois avant. Tandis qu’ils s’entraînaient, moi j’étais dans ma chambre d’hôtel avec un ordinateur dont je ne savais trop que faire après seulement une semaine dans ma nouvelle activité.
Vous n’avez donc pas eu le temps de tergiverser ?
Oh non. Je me suis mis d’emblée à fond dans mon nouveau travail. Etant donné que je sortais tout juste du milieu professionnel j’avais énormément de contacts avec les coureurs des équipes sponsorisées par Look, qu’il s’agisse du Crédit Agricole, de Kelme, de RAGT Semences. Dès le mois de janvier j’ai préparé toute la promotion de l’année 2003, la transition s’est donc faite assez facilement.
Quand la saison 2003 a démarré, justement, n’avez-vous pas ressenti le regret d’avoir tronqué votre carrière sportive ?
Quand j’ai vu la saison redémarrer, une course comme Paris-Nice que j’avais disputée l’année auparavant, Paris-Roubaix qui reste ma course de référence, j’ai eu un petit pincement au cœur. Après, quand j’ai suivi quelques courses où il neigeait, que le temps était vraiment maussade, je me suis dit que je n’étais finalement pas si mal dans ma voiture, au sec et bien au chaud.
Vous êtes Responsable Sponsoring chez Look depuis cinq ans, en quoi consiste votre fonction ?
Je suis en charge de tout le sponsoring Look dans le monde entier, qu’il s’agisse de la route, du VTT, de la piste, des contrats pédales, des athlètes individuels, des équipes etc. On essaie de se projeter sur l’avenir, on s’interroge sur les équipes ou les coureurs que nous souhaiterions avoir, où on aimerait promouvoir Look, avec quels produits… On agit en fonction de tous ces éléments et du budget.
Combien de partenariats sont conclus pour une saison ?
Je ne pourrais pas le dire exactement, mais cela représente un panel de 600 à 700 athlètes. Nous avons une équipe à haut niveau, Cofidis, afin d’être présents chaque année sur le Tour de France. Sur la piste, le raisonnement est tout autre : nous essayons de rayonner sur la planète entière. L’équipe de France roule en Look depuis vingt-six ans. La Chine nous fait aussi l’honneur de rouler en Look, sur des vélos fabriqués en France, ce qui est paradoxal quand 90 % des vélos sont faits là-bas. Sur le marché américain, nous sponsorisons le Canada. Nous avons une position de leaders en pédales automatiques, inventée par Look avec Bernard Hinault, et nous tenons à garder cette position. Plus de 45 % des équipes du 100ème Tour de France roulaient avec des pédales Look.
Y a-t-elle des disciplines avec lesquelles il est plus ou moins difficile de travailler que d’autres ?
La route et le VTT se ressemblent au niveau gestion. En revanche le triathlon n’a rien à voir, étant donné qu’on travaille là quasiment exclusivement avec des individualités. Il devient beaucoup plus dur d’avoir un contact avec des triathlètes car ils parcourent le monde tout le temps. L’un va être au Mexique, l’autre à Hawaï, l’autre en Allemagne. Ils sont donc difficilement joignables et moins disponibles pour organiser des shootings, par exemple.
Une dizaine d’années après votre passage chez les professionnels, pratiquez-vous toujours ?
Oui. Quand on a été sportif de haut niveau, on a du mal à s’arrêter. Le cyclisme est ma passion depuis l’âge de 10 ans. A mon goût je n’en fais pas assez. J’essaie de privilégier ma vie de famille quand je ne suis pas en déplacement, mais j’arrive quand même à rouler entre 5000 et 6000 kilomètres par an. J’ai en plus la chance de travailler chez Look, donc de rouler sur de très bons produits. Je roule sur le 695 Aerolight, évidemment.
Dans notre prochain épisode, découvrez le parcours d’un ancien grand espoir du cyclisme français qui a mis prématurément un terme à sa carrière sportive. Rendez-vous le jeudi 27 février.