Thierry Casas travaille aujourd’hui pour Orbea | © Vélo 101
Thierry, pour commencer, peux-tu nous rappeler quelles sont les grandes lignes de ta carrière?
J’ai débuté le vélo à l’âge de 14 ans, je suis resté très longtemps attaché aux clubs de Persan et Bic qui m’ont amené des titres de champion de France, notamment en cyclo-cross. Ensuite ma carrière a évolué en amateur vers Roubaix et la Redoute pour ensuite passer professionnel en 1987 au sein de la formation Seat-Orbea puis Caja-Rural. Je suis par la suite retourné chez les amateurs à Aubervilliers, avant que l’équipe ne soit dans le giron professionnel. Dans cette formation, j’ai été vice-champion de France chez les amateurs. Par la suite je suis revenu dans mon premier club où j’ai repris une licence individuelle puisque j’étais sélectionné tous les ans pour les championnats du monde de cyclo-cross. C’est d’ailleurs dans cette discipline où j’ai obtenu mon meilleur résultat à Leeds où j’ai terminé 11e des championnats du monde en 1992. Ma carrière professionnelle s’est arrêtée la même année. Ensuite, j’ai travaillé dix années pour les cycles Peugeot. Je me suis occupé du marketing des produits mais aussi des développements des vélos qui équipaient Festina, Big-Mat-Auber en plus de toute la partie triathlon qui était très importante chez Peugeot à l’époque. Depuis je suis rentré chez Orbea et j’entame cette année ma 19e saison avec cette entreprise en tant que commercial. Le hasard a fait que j’ai couru en tant que professionnel avec Orbea et que je poursuive ma carrière aujourd’hui avec eux.
Ta fin de carrière a été plutôt subie ou anticipée?
En tant que coureur VTT, j’évoluais au sein du Team Peugeot-Look. A cette période, je pensais déjà à ma reconversion et j’avais postulé chez Peugeot. Je n’ai pas eu de réponse pendant quasiment un an, je n’y croyais plus. J’avais même repris une licence professionnelle pour la saison 1993 dans l’optique où rien ne se ferait. Finalement j’ai été contacté 8 jours avant les championnats du monde qui avait lieu en Italie. Là je me suis dit qu’il fallait saisir l’opportunité car rien n’était dit qu’elle se représenterait douze mois plus tard. Ca a été compliqué sur le coup car il fallait vraiment trancher, j’avais encore une âme de coursier. J’ai laissé ma place pour les mondiaux, ce qui n’était pas évident non plus, et je suis rentré chez Peugeot. Au départ la transition s’est bien faite, mais trois ou quatre années après on se rend compte qu’on a le vélo dans le sang (sic); à chaque fois que je remontais sur un vélo j’avais toujours dans un coin de la tête l’esprit de compétition.
En 1992 tu étais dans cette phase de transition où tu anticipais ta fin de carrière. Est-ce que pour toi rester dans le monde du vélo était une évidence ou avais-tu envisagé de travailler dans un autre univers?
J’aurais pu être dans un autre domaine. Il faut savoir qu’avant de passer professionnel je travaillais dans le domaine de la comptabilité. A cette époque, j’avais des facilités grâce à mon employeur pour continuer à m’entraîner. J’ai quitté cette activité juste avant mon passage à la CBB. Je me suis dit qu’il fallait faire le maximum et mettre toutes les chances de mon côté si je voulais passer au niveau au dessus. Je n’ai donc fait que du vélo durant cette période. Si je suis passé professionnel c’est aussi grâce à un coureur qui malheureusement n’est plus, Pascal Jules, avec qui je m’entraînais beaucoup. On roulait également avec Stephen Roche et c’est clairement ça qui m’a permis de passer à l’échelon supérieur.
Y a-t-il un modèle de reconversion réussie, concernant un ex-professionnel, qui tu citerais en exemple?
On pense souvent à Laurent Jalabert, qui est aujourd’hui dans les médias. Il y en a eu d’autres qui lui ont emboité le pas dans ce monde médiatique par la suite. Beaucoup d’anciens coureurs professionnels comme moi sont encore dans le vélo en tant que commerciaux. Après il faut aussi reconnaître que beaucoup galèrent et font de petits boulots. Tout dépend du passé qu’avait le coureur avant son admission professionnelle… Aujourd’hui, on voit de plus en plus de jeunes espoirs qui font des études, on est même surpris parfois du bagage qu’ils ont, comme Romain Bardet par exemple. Ils arrivent à gérer leurs études en parallèle du vélo, ce qui n’est pas évident. Il faut penser à l’après carrière sportive. Rien n’est jamais acquis.
Tu dirais donc à un jeune de ne pas se concentrer uniquement sur le vélo, de penser aux études également ?
Oui, clairement. Avant de vouloir être sportif de haut niveau il faut avoir un minimum de bagages derrière soi. Une carrière ça peut durer 5 ans ou 10 ans. Quoiqu’il en soit, ça passe très vite. C’est une période où l’on ne voit pas les mois passer, on vit vélo, on dort vélo et ce, de janvier à décembre. Ca passe à une vitesse impressionnante.
On voit aujourd’hui que le cyclisme est très médiatisé. Aurais-tu aimé être professionnel dans ce contexte ou préfères-tu la période que tu as connue?
Je pense que j’aurais aimé, ça fait partie de l’évolution. Il n’y a pas que dans le cyclisme que des changements ont eu lieu, il suffit de regarder dans la football également. Aujourd’hui si on veut être reconnu on est obligé d’accepter certaines facettes du métier.
Comment te vois-tu dans dix ans?
(sourires) A la retraite déjà, ça c’est sûr, et toujours dans lé vélo comme aujourd’hui. Cette année je reconnais à demi-mot avoir été déçu par le Tour de France. On parle beaucoup de dopage, mais il faut déjà commencer par faire respecter le règlement et ce pour tous les coureurs. Le cas Froome m’a écoeuré au point que je n’ai pas regardé la première semaine du Tour de France. Pour moi ça a été une grave erreur de la part d’ASO et de l’AMA. Le règlement doit être le même pour les petits comme pour les grands coureurs.