Peux-tu nous rappeler les grandes lignes de ta carrière ?
Je suis passé pro en ’94, l’année où j’ai été Champion de France, où j’ai gagné des étapes au Tour de l’Ain, où j’ai fini 5ème du Championnat du Monde sur route en Sicile et j’ai arrêté ma carrière en 2000.
J’ai été chez Castorama avec Cyrille Guimard, ensuite chez Collstrop car Castorama a dû arrêter en ’95, puis j’ai fait mes dernières années chez Festina pendant trois ans.
Ce fut une carrière assez courte, comment as-tu vécu cette fin de carrière ?
On va dire que c’est une fin de carrière que j’ai subi, avec tout ce qu’il se passait à cette époque et l’affaire Festina en ’98. Je n’ai pas été renouvelé dans cette équipe, ça a été compliqué, je devais signer à la FDJ et quelques jours avant Noël ils m’ont dit non à cause de tout ce qu’il s’était passé chez Festina.
En ’98 tu étais plutôt au second plan, tu n’as pas été aussi médiatisé que R.Virenque ou L.Brochard sur le Tour de France au moment de cette affaire ?
Oui tout à fait, j’étais tombé sur le Tour des Flandres et j’avais une luxation à l’épaule donc j’ai été éloigné des courses pendant deux mois. Il y a eu cette affaire et ensuite on avait cette image qui nous collait tout le temps à la peau.
En ’99, on m’a proposé de refaire 6 mois en amateur avec Jean Delatour mais le moral n’y était plus et il fallait passer à autre chose.
Cela a été très difficile de rebondir. Quand on est cycliste, on a pleins d’amis, mais même si on n’a pas été impliqué dans une affaire comme celle-ci, on n’a plus personne car on a l’image du maillot Festina. Je n’avais pas de soucis financiers mais il faut quand même travailler.
J’ai travaillé un peu dans le spectacle et dans l’événementiel, aux eaux d’Evian. J’ai fait de l’intérim comme si j’avais 18 ans. A force de se battre grâce au mental acquis dans le cyclisme, c’est plus facile, j’ai gravi les échelons et maintenant je peux dire que j’ai eu une belle reconversion.
Je n’ai pas fait de bilan de compétences. Je suis rentré à Evian en intérim, j’ai été cariste, j’ai été machiniste et à force de persévérer je suis passé chef d’atelier. J’avais 70 personnes à gérer et tout l’aspect logistique et maintenant je suis responsable événementiel pour le groupe Danone. Je gère tous les gros événements du groupe. J’ai également un autre travail puisque je suis responsable en Suisse d’une grosse boite de production d’artistes où on produit du Johnny Halliday ou du Sting par exemple.
Est-ce que d’être originaire de Thonon t’a aidé pour cette reconversion ?
Oui, je connaissais le secteur mais c’est surtout par rapport à mon environnement familial que cela m’a aidé. Mon nom également, même si m’a carrière a été courte. Jai gagné de belles courses et j’avais des qualités en vélo qui m’ont servi.
Même s’il n’y avait pas eu l’affaire Festina, je pense que j’aurais arrêté. J’en avais marre, j’étais dans une grosse équipe, il y avait des rivalités et je n’y ai pas trouvé ce que j’espérais. Je pense que j’aurais réussi si j’étais resté dans une équipe un peu plus petite que Festina.
Y aurait-il des modèles de reconversion de cyclistes que tu citerais en exemple ?
Non je n’en ai pas vraiment, j’ai coupé les ponts avec tout le monde. Les amis que j’ai ce sont Thomas Davy, Laurent Brochard ou Thierry Laurent. J’organise une course cycliste amateur internationale: le Tour du Chablais Portes du Soleil depuis 3 ans, qui fera 4 jours l’année prochaine. J’ai préféré couper les ponts. Je ne vise personne mais quand je vois certains qui profitent du système, cela me dégoûte.
Est-ce qu’une reconversion à la Eddy Merckx ou à la Maurizio Fondriest t’aurait tenté ?
J’y avais pensé. A l’époque, j’avais créé une marque de vélo Sébastien Medan avec des cadres carbone sur Lyon mais la reconversion s’est avérée tellement compliquée que j’ai abandonné. Aujourd’hui, je suis heureux de ce que je fais.
Avoir de l’aide par l’organisme de Pascal Chanteur aurait été intéressant mais à l’époque, on ne l’avait pas. Je me souviens que Philippe Boyer m’avait appelé et que ce genre de choses commençait à se mettre en route, mais je n’avais pas donné suite.
Aurais-tu aimé vivre l’époque actuelle dans le cyclisme avec les réseaux sociaux et les moyens de communication beaucoup plus développés, plutôt que l’époque que tu as vécu entre ’95 et 2000 ?
Je pense que si on avait été coureur à l’époque actuelle, avec le niveau qu’on avait, on aurait été des stars. A mon époque, seuls les 3 premiers du Tour de France comptaient. Là, pour tous, il y a des interviews constamment et les médias sont plus nombreux et plus développés. Si un coureur fait une échappée de 50 kilomètres, il passe à la télé, à mon époque, c’était impensable.
Avec le poste que tu as actuellement, quelles valeurs ou compétences as-tu développé ?
Passer d’une grosse équipe comme Festina à machiniste, c’est difficile, on en prend plein la figure et il faut avoir les nerfs solides. Comme en vélo, on tombe du vélo et on remonte, sauf que là, on tombe bien bas ! Pour remonter, la marche est haute, il faut beaucoup de force de caractère.
Mathilde Duriez