Rubens, quel souvenir conservez-vous de votre dernière course chez les pros ?
J’ai pris le départ de ma dernière course au Tour de Hainan, en Chine. C’était en 2012, sous les couleurs du Team Type 1-Sanofi, où j’ai fini ma carrière. Pour moi, rouler à ce moment-là était toujours un plaisir. J’avais demandé à l’équipe de m’inscrire sur cette course, même si elle avait lieu à la fin du mois d’octobre. Maintenant, ce n’est jamais facile de se dire « celle-ci c’est la dernière ». A ce moment-là, je me suis rendu compte que je ne remettrais plus de dossard sur mon maillot. Mais ça arrivera pour tout le monde. D’un autre côté j’ai été heureux de finir ma carrière en ayant aimé ce que je faisais jusqu’au bout.
A ce moment-là, vous aviez déjà anticipé votre après-carrière ?
Oui, j’avais déjà suivi des formations auprès de la fédaration suisse de cyclisme pour devenir entraîneur. C’est un peu le même système qu’en France. Il m’a fallu obtenir un diplôme, que j’ai passé dès 2011. Avant même la fin de ma carrière, j’avais déjà en main le diplôme d’entraîneur cycliste. En 2012, j’aurais dû passer le concours pour devenir entraîneur de la fédération olympique, qui vaut pour tous les sports. Mais clairement, je n’ai pas eu le temps. Il s’agissait déjà d’une formation beaucoup plus lourde. Je m’y suis donc consacré en 2013, j’ai obtenu le diplôme là aussi, et je suis content d’avoir terminé ces études. Je pense maintenant avoir les cartes en main pour entraîner et diriger une équipe.
Durant cette période, vous êtes-vous concentré uniquement sur les études ?
Non, j’ai commencé à travailler avec l’équipe de Suisse Juniors. Nous avons fait de belles courses comme Paris-Roubaix Juniors, les Trois Jours d’Axel aux Pays-Bas, mais aussi les Championnats d’Europe en République Tchèque et les Championnats du Monde en Italie. Ça a été une belle expérience qui m’a beaucoup apporté. Elle m’a permis de mettre en pratique tout ce que j’avais appris en cours, et c’est important.
Vous avez depuis intégré l’équipe IAM Cycling, comment répartissez-vous votre emploi du temps ?
J’ai un job de directeur sportif-entraîneur auprès de l’équipe. J’ai fait le Tour de France avec elle l’été dernier mais à un autre poste. Je me suis occupé des invités de IAM Cycling et je leur ai expliqué ce qu’il y a derrière le Tour de France et le cyclisme en général. Je pense qu’ils ont pu voir un beau spectacle, tous les gens qui sont venus étaient très contents à la fin de la journée. C’est toujours une belle expérience pour moi, même si c’est différent de mon travail habituel.
Devenir entraîneur et rester dans le monde du cyclisme était-il votre seule option à la fin de votre carrière ?
Non, car je suis toujours ouvert à beaucoup de parcours. Rester dans le cyclisme, c’est clair que c’est fantastique, mais peut-être qu’il serait mieux de réduire un peu les jours de course, avoir une activité un peu plus proche de la maison et ne faire que quelques journées sur le terrain. Mais je n’en suis qu’aux premières années, il est normal que je me donne à 100 % pour voir comment ça marche. Avec l’expérience, ça évoluera.
Pensez-vous qu’il faille songer à mieux organiser la préparation de l’après-carrière auprès du peloton professionnel mieux que ça n’existe aujourd’hui ?
Ça, je crois que ça va être le grand défi des prochaines années. C’est clair qu’un coureur qui a déjà des plans quant à son après-carrière est un coureur qui est déjà moins tenté de se doper. C’est moins de stress, moins de pression. Ça permet de pratiquer son sport à haut niveau sans se soucier de l’après-carrière. Il faut le dire : une carrière, ce sont des années de pression incroyable. Et il n’y a pas beaucoup de coureurs qui gagnent beaucoup d’argent. Pour l’énorme majorité, il faut trouver un autre travail en fin de carrière, et il n’est pas possible pour tous de rester dans le cyclisme.
Avez-vous encore des contacts avec les « anciens » de votre génération ?
Oui, même si beaucoup courent encore ou sont dans les voitures. On ne manque pas de se saluer quand on se voit. Quand tu sors de ce petit monde, tu connais tout le monde ou presque. Maintenant, avec les années, ça changera. On voit émerger des jeunes qui sont très forts, une nouvelle génération arrive, il faut rester attentif pour connaître ceux qui arrivent.
De votre carrière, que reste-t-il dans les yeux des gens ?
Le maillot jaune du Tour de France 2002, toujours. Je l’ai porté une journée après ma victoire d’étape à Luxembourg. Mais une carrière, ce n’est pas seulement le Tour de France. Ce sont de longues années, beaucoup de courses. Je suis heureux du parcours qui a été le mien, même si j’aurais pu gagner un peu plus avec davantage de chance, mais c’est ainsi pour tout le monde.