Bonjour Pierre, pouvez-vous rappeler les grandes lignes de votre carrière ?
J’ai démarré le vélo en cadet 2 en 1975. Je suis passé professionnel dans l’équipe Miko-Mercier, avec Jean-Pierre Danguillaume comme directeur sportif en 1981, qui est devenu Coop-Hoonved en 1984 avec Joop Zoetemelk comme leader. Puis, je suis passé à La Redoute en 1985, avec Stephen Roche comme leader, chez RMO en 1986, puis j’ai fini ma carrière chez Z Peugeot en 1987. C’était un autre millénaire ! (rires)
Quels sont les principaux succès que vous avez remporté individuellement et collectivement ?
Les grands moments de ma carrière personnellement, c’était en 1983 et 1984 où j’étais au top niveau. J’ai gagné une étape de moyenne montagne sur le Tour en 1983 entre Aurillac et Issoire ainsi que le contre-la-montre par équipe la même année, sur 100 kilomètres, on avait battu les grosses équipes de rouleurs de l’époque. J’ai gagné d’autres courses, mais les haut-lieux de ma carrière sont aussi ma sélection en équipe de France pour disputer les championnats du monde en 1983 et 1984 où j’ai terminé 16e à chaque fois.
Votre fin de carrière en 1987 était anticipée, ou vous l’avez en quelques sortes, subie ?
Réellement, je l’ai subie, mais je savais que ça allais bientôt se terminer. Je l’ai quand même subie parce que je pensais que j’avais encore au moins une année à faire.
Cela veut dire que vous avez manqué de propositions pour continuer ?
Effectivement, j’avais des propositions, mais à l’étranger et j’ai toujours couru en France. Même si les bretons sont généralement des voyageurs, je n’en étais pas un. Je voulais rester en France pour mes dernières années. Ce n’était pas impératif, mais j’avais quand même cette volonté en tête. J’ai eu des contacts avec Cyrille Guimard, mais ça ne s’est pas fait. J’ai donc arrêté, mais, sincèrement, sans regret parce que j’étais à peu près fini (rires).
Cela veut dire qu’au 1er janvier 1988, vous avez décidé de ce que vous alliez devenir ou c’était une page blanche ?
C’était une page blanche. La seule chose qui m’a interpellée, c’est que je suis monté sur le vélo directement après l’école et je n’avais connu que le milieu de la communication, car j’ai été le porte-drapeau d’une marque dans mon activité professionnelle, ce qui veut dire que j’ai toujours été dans le « commerce ». Ça a donc été la première direction où je suis allé parce que je n’avais pas d’autres idées.
Pierre Le Bigaut au micro de vélo 101 | © Vélo 101
Par quelles sociétés vous êtes passé ?
J’ai toujours été dans une famille de commerçants. La première chose que j’avais à faire était de savoir où je suis. J’ai donc fait une formation dans la chambre de commerce de mon département, dans le Morbihan, à Pontivy exactement. Cette formation s’appelait IFTV (Institut de Formation aux Techniques de Ventes), c’était sur 5 mois. Il fallait absolument ce tremplin qui reliait ma vie sportive et ma vie professionnelle. Ça m’a été bénéfique parce que j’étais ailleurs et on m’a repositionné dans ma « vraie vie ».
Le fait de quitter l’école pour être coureur cycliste était difficile à appréhender ou vous l’avez bien vécu ?
Je l’ai bien vécu parce que je l’ai choisi. Dans n’importe quelle position, si c’est nous même qui choisissons, ça ne peut pas être difficile parce qu’on fait les efforts pour.
Entre 1988 et aujourd’hui, vous êtes passé par quelles étapes ?
Ce serait très long parce qu’il y a eu beaucoup d’étapes. Pour faire court, j’ai démarré en tant que vendeur dans l’imprimerie, ça a duré 5 ans. Ensuite, j’ai été dans les ouvertures, donc ce qui concerne les portes, fenêtres… Ça a duré une année. Ensuite, dans la salaison, chez Jean Floc’h, donc il y a un lien sportif aussi et j’y étais directeur sportif le week-end.
Cela fait un moment que vous travaillez dans le Tour de France ?
En 2001, 2002 et 2003, j’étais chez France Télécom, aujourd’hui Orange. J’ai arrêté car j’ai monté une société, puis j’ai voulu retrouver la famille du vélo, et, il y a 5 ans, je suis reparti dans le Tour avec la marque Senseo pendant 3 années. Je suis ensuite rentré chez Antargaz et c’est ma troisième saison chez eux.
Le Bigaut au micro de Vélo 101 | © Vélo 101
Vous avez monté votre activité ?
Oui, tout à fait. J’ai eu d’abord à travailler pour une solderie en Bretagne avec des vêtements de marque et beaucoup d’autres choses. J’ai ensuite monté ma société en vendant de l’objet publicitaire dans le textile. Cela a duré une petite quinzaine d’années.
Par rapport au cyclisme que vous avez connu quand vous étiez coureur et maintenant, est-ce qu’il y a un modèle de reconversion qui vous inspire ?
Non, pas du tout. C’est lié à un choix de la personne donc on ne peut pas donner une direction définie au sens large, dans le sens où c’est lié à la personne. C’est une volonté et un élément personnel, donc c’est pour ça qu’il n’y a pas de direction précise.
En tenant compte de ça, on glorifie Eddy Merckx qui a lancé sa marque de vélo ou encore Laurent Jalabert qui est consultant télé. Est ce que vous pensez aussi que ce sont des exemples de reconversion réussie ?
Vous venez de citer des grands noms. Dès qu’on ne fait pas partie de ceux là, ce n’est plus la même approche.
La formation dont vous parliez tout à l’heure a été financée par vous même. Est-ce que vous regrettez que les coureurs pros n’aient pas de tremplin pour leur reconversion ?
Je suis d’accord avec vous et je suis effectivement déçu de cela. En effet, on a un métier où on se sert du plaisir du public alors que dans une deuxième partie de vie, on apprend un métier, une culture professionnelle. Quand on pédale sur un vélo, on ne fait rien en quelque sorte, car on ne produit rien. C’est pour cela qu’en échange du bonheur que l’on transmet au public, il faudrait mettre en place des structures servants de tremplin pour démarrer quelque chose et ne pas taper dans le mur.
Aujourd’hui, on a de très jeunes coureurs comme Bernal qui a 22 ans. Vous diriez quoi à un de ces coureurs qui arrive dans le monde pro ? Est-ce qu’ils devraient être ouverts aux études pour pouvoir anticiper leur après carrière ?
Non, car je pense que quand on fait quelque chose, on le fait à 100 %. C’est une passion qu’il faut vivre à fond. Il ne faut pas utiliser une partie de ton énergie ailleurs. Bien sûr, c’est un risque, mais c’est mon point de vue.
Une dernière question, vous avez des aptitudes pour la communication et la partie commerciale. Est-ce que vous aimerez vivre dans le cyclisme dans l’époque actuelle avec les réseaux sociaux et la multitude d’outils de communication que vous n’aviez pas à votre époque ?
Je ne peux pas avoir de réponse objective. On ne compare pas une époque à une autre. On ne peut pas se replacer dans un état d’esprit qui a été façonné dans mon plus jeune âge et se transposer dans une ère d’aujourd’hui. Ça ne colle pas, ce sont deux choses différentes. Effectivement, j’étais bien dans mon époque, je vois l’évolution aujourd’hui et j’y serais bien je crois aussi, mais c’est parce que je serais né dedans. Aujourd’hui, je me sens un petit peu en parallèle.
Par Nathan Malo