Bonjour Patrice, peux-tu nous rappeler les grandes lignes de ta carrière ?
Bonjour, alors je suis passé pro en 1985 chez Skil-Kas-Miko de Jean de Gribaldy et pour ce qui est de mes principales victoires, j’ai gagné une étape et fini 2e de Tour de l’Avenir en 1986 derrière Indurain et meilleur grimpeur cette année là. J’ai gagné une étape au souvenir Agostinho, Paris-Bourges, Le Grand Prix du Midi Libre, une étape à Paris-Nice, une étape au Tour d’Espagne, Paris-Camembert… Qu’est-ce que j’ai d’autres ? Je crois que c’est tout, ça en fait déjà un peu (rires).
En quelle année as-tu mis fin à ta carrière pro ?
Fin 1994 dans l’équipe Catavana avec les frères Madiot et Sean Kelly, avec qui j’avais déjà commencé ma carrière.
Cette fin de carrière était-elle anticipée ou tu n’avais pas trouvé d’équipe pour poursuivre ?
Tout à fait, j’avais anticipé parce que je n’avais justement pas envie d’avoir ce coup derrière la tête où tu es viré en fin de carrière et je voulais sortir sur une bonne année. Malheureusement je n’ai pas gagné cette année là, j’ai failli plusieurs fois et il y a eu pas mal de choses qui se sont passée en 1994, on était un peu dans les débuts des années folles et c’est vrai que ça a aidé un petit peu à anticiper sur la fin de carrière.
Au 1er janvier 1995, dans quel état d’esprit tu étais et comment tu as anticipé la suite ?
En 1994, j’ai eu des propositions et des offres différentes et puis finalement il n’y a rien qui a aboutit donc j’ai été directeur sportif avec l’équipe Bessons Chaussures et une équipe Suisse, Univag. Ensuite je me suis orienté dans une société de communication par l’objet. J’ai rejoint des copains qui avaient arrêté quelques années avant et qui avaient créé cette structure et donc on a toujours cette structure aujourd’hui.
A ce moment là, est-ce que tu as imaginé faire un plan de formation pour une reconversion différente ?
Oui, j’ai fait un stage de création d’entreprise pour être un peu armé là dessus parce que c’est vrai que quand tu as été 10 ans pro et quelques années amateures, même si avant j’avais un CAP de cuisinier mais j’avais pas trop envie de reprendre dans ce métier, il fallait trouver quelque chose, mais bon ce stage de 3-4 mois m’a fait du bien et m’a permis de me lancer dans cette partie commerciale qui n’est quand même pas une partie qu’on fait tout les jours sur le vélo quoi.
Patrice Esnault_3 | © Wikipédia
Tout à l’heure, tu parlais de reconversion dans le milieu du vélo avec notamment Bessons Chaussures, c’est quelque chose que tu as vite oublié ou est ce que c’est une piste que tu aurais pu creuser plus profondément encore ?
Non ça a été mon choix, c’était sympa et ça m’a permis de découvrir pas mal de choses et de gérer des jeunes mais j’avais pas envie de recommencer une vie de vagabond un peu comme j’avais fait au cours de ma carrière, parce que c’est vrai que quand t’es pro, t’es toujours un peu parti et j’avais des enfants à bas âge, je voulais les voir grandir un petit peu et donc mon but n’était pas de faire de la direction sportive.
Est-ce que aujourd’hui, dans les affaires, tu retrouves une valeur qui te caractérise et qui était la tienne quand tu étais coureur ?
Oui, c’est vrai que moi mon truc c’était d’attaquer, d’aller de l’avant, rester positif et du coup j’ai gardé cette mentalité, je pense qu’on l’a en soi, c’est pas quelque chose qui s’invente et voilà, c’est le côté que je veux garder : Un peu aventurier et aller de l’avant.
Si on décrit un petit peu ce que tu fais aujourd’hui, on peut dire que tu te trouves dans l’objet publicitaire, concernant le textile et le vélo mais c’est quoi exactement ?
Oui, c’est ça, c’est tout objet, donc c’est très vaste, ça va évidemment du stylo au pin’s et tout le reste. C’est surtout toute la partie textile qui est énormément développée aujourd’hui, toutes les entreprises communiquent par le biais du textile et donc il y a une petite mutation un peu dans ce métier on fait un peu moins d’objet pub mais beaucoup plus de textile, et évidemment, l’incontournable maillot de vélo, j’équipe une cinquantaine de clubs de vélo.
Quel-est le nom de la société déjà ?
C’est Goodicom, c’est notre groupe et on est 5 anciens pros également à faire ça sur la France.
Justement, le fait d’être 5 anciens pros, est-ce que aujourd’hui vous retrouvez les rôles que vous aviez sur le vélo c’est à dire les attaquants, les sprinters, les rouleurs, les équipiers, les leaders etc. ?
Non, on est tous égaux, on est tous des leaders (rires). Effectivement, il y en a un qui est plus ancien donc c’est lui qui chapote un petit peu, c’est Claude Seguy, qui était le premier à avoir arrêté, il est sur Clermont Ferrand et donc pour nous c’est un peu notre doyen même si il a notre âge (rires) mais sinon chacun a son entreprise, Goodicom, c’est un groupe, une franchise un peu, et on a chacun son groupe.
Patrice Esnault_1 | © Le Site du Cyclisme
Maintenant, c’est une sorte de parenthèse pour toi, cela fait quelques années que tu travailles pour Orange, c’est un moyen de réactiver ton réseau ? Comment est-ce que tu vois ce rôle là sur le Tour ?
Oui, c’est vrai que il y a un petit peu de business qui se fait également mais c’est aussi pour retrouver un petit peu le milieu du vélo, on y va une fois par an et ça a un côté sympa, il y a quand même beaucoup d’anciens pros et ça permet au moins de se revoir une fois par an. C’est vrai que ça fait 20 ans que je suis avec Orange, pratiquement depuis le début et je reste fidèle à Orange, tant qu’ils seront là, je serais là et après je pense que j’arrêterai le Tour.
Est-ce que tu as un modèle de reconversion réussie qui te viens à l’esprit, comme Laurent Jalabert par exemple ?
Oui, justement, dernièrement j’ai rencontré Gérard Rué par hasard sur le Tour et il me disait qu’il possédait 5 Intersport, je me dis que c’est beau, il a 200 employés pratiquement et c’est la première qui me vient à l’idée parce que c’est vrai que je l’ai revu il n’y a pas très longtemps et c’est une belle reconversion. Le coureur est quand même quelqu’un de teigneux et courageux et il y en a une bonne partie quand même qui réussissent dans leur reconversion et ceux qui ont le moins bien réussi, ce sont effectivement ceux qui n’ont pas préparé leur reconversion. Ils se sont retrouvé dans une situation d’échec et se faire virer ce n’est jamais facile. Quelqu’un dans une société qui a plus de 50 ans et qui se retrouve un peu à la rue, est obligé de se relancer.
Pour le coup, toi, aujourd’hui, si tu avais un conseil à donner aux jeunes coureurs qui passent pro ce serait déjà de penser à leur reconversion ?
Non, on ne peut pas y penser trop tôt parce que quand tu es dans le vélo, t’es à 100 % voir 150 % et du coup tu ne peux pas penser à ta reconversion. Autant tu peux anticiper ta retraite et cotiser mais sinon, non, il faut faire le job et c’est quand tu sens que ça commence à aller un petit peu moins bien, là il faut commencer à anticiper et surtout bien prévoir cette sortie, c’est très important parce qu’on a encore du chemin à faire et tout le monde ne s’appelle pas Laurent Jalabert ou Bernard Hinault et avoir suffisamment pour ne pas trop travailler derrière.
Une dernière question, aujourd’hui, les pros vivent dans un environnement très médiatisé, avec les réseaux sociaux et d’autres opportunités de se faire connaître ou reconnaître, tu aurais aimé toi être pro aujourd’hui avec les opportunités nouvelles que ça peut apporter ?
La seule chose qui m’aurait intéressé aujourd’hui, je pense que c’est les nouveaux salaire (rires). Hormis ça, tout le reste, les oreillettes, être téléguidé non ce n’est pas mon vélo à moi (rires).