Pascal, dans quelles circonstances avez-vous pris un jour la décision de mettre fin à votre carrière ?
C’était au Tour du Poitou-Charentes en 2001, une course qui ne figurait pas à mon programme initial. J’avais déjà beaucoup couru, je sortais du Tour de France, j’étais fatigué. L’équipe Festina allait s’arrêter, sans ça j’aurais peut-être continué un an ou deux. Mais j’avais 35 ans, retrouver de bonnes conditions en fin de carrière était difficile, je me doutais que c’était la fin et je n’avais plus trop la motivation. Je me souviens qu’il faisait un cagnard pas possible sur ce Tour du Poitou-Charentes. J’ai mis mon dernier dossard, j’ai bâché, et ma carrière s’est arrêtée sur cet abandon.
Etiez-vous prêt à affronter l’après ?
On s’y prépare toujours un peu, j’avais fait des placements, mais quant à la nature du travail que j’allais faire après, ça restait imprécis. Quand on arrête sa carrière, on a la possibilité de suivre une formation pour passer son Brevet d’Etat. C’est ce que j’ai fait. J’ai passé neuf semaines en cours au CREPS de Montry. Par la suite, ASO, par l’intermédiaire de Jean-Marie Leblanc et Laurent Bezault, m’a appelé pour savoir si je souhaitais faire quelques épreuves avec eux. J’ai intégré cela dans mon emploi du temps.
Une première année s’est ainsi écoulée…
A ce moment-là, mon épouse, qui était déjà dans la branche, a rencontré des gens sur un salon et j’ai lancé mon activité de distribution de montres. J’ai toujours porté de belles montres, j’ai toujours aimé ça. J’ai donc monté une entreprise individuelle à Vannes. Je vends des montres aux bijoutiers et horlogers. Je travaille avec un grossiste belge. Ce sont des montres moyen de gamme. J’essaie d’importer ces marques dans le Grand Ouest. Le fait de pouvoir gérer mon temps me permet de faire pratiquement tout le programme ASO en tant que pilote direction. Pouvoir mixer les deux, rester dans le milieu du vélo et avoir une activité à côté, me plaît.
Le nom de Pascal Lino vous sert-il aujourd’hui dans votre milieu professionnel ?
Un petit peu, oui. Des bijoutiers me reconnaissent… et se disent surpris que je ne travaille pas avec Festina ! Ça m’a effectivement permis, parfois, de rentrer plus facilement chez un client.
Qu’est-ce qui, dans l’esprit des gens, revient systématiquement lorsqu’ils évoquent votre carrière ?
C’est le maillot jaune, toujours ! J’ai fait 5ème du Tour, une fois 11ème, j’ai gagné la Coupe de France, le Tour de l’Avenir, mais tout ça ils ne le savent pas. Ce maillot jaune, il doit en rester un chez moi reçu sur le podium. De ceux que j’ai portés en course, il y en a un encadré chez mes parents, un autre chez mes beaux-parents.
Vous faites partie des incontournables pilotes du Tour de France. En quoi consiste votre rôle ?
Je pilote la voiture qui ouvre et assure le sas de sécurité devant le véhicule de Christian Prudhomme. Nous assurons un sas afin que Christian ne soit pas bouchonné et ne se retrouve pas avec des coureurs dans le coffre ! Nous sommes toujours au contact de la course. A bord, j’ai avec moi François Lemarchand, dont le rôle est de signaler tous les problèmes que nous allons rencontrer : les ralentisseurs, les ronds-points, les rétrécissements… C’est une voiture assez importante pour la sécurité de la course.
Les pilotes, sur le Tour, sont toujours d’anciens coureurs. Pourquoi ?
C’est la devise d’ASO que de prendre d’anciens coureurs qui connaissent bien le fonctionnement des véhicules en course, qui sont relativement détachés pour faire vivre la chose le mieux possible à leurs invités sans gêner le déroulement de la course, et surtout qui peuvent anticiper. Vous remarquerez qu’à chaque fois qu’il y a un incident sur le Tour, ce n’est jamais de la faute d’une voiture ASO. Vous ne pouvez pas balancer n’importe qui dans un peloton, surtout sur le Tour, tant il faut toujours anticiper. Ça n’a rien à voir avec une autre épreuve. Il faut ajouter l’immense public…
Et la pression médiatique. Vous avez vous-même évité un drame en esquivant Lilian Jégou, accroché par une moto images sur le Tour 2003 ?
C’est la fameuse histoire du câble de la caméra de France Télévisions, dont les pilotes et les cameramen sont vraiment excellents. Ce jour-là toutefois, le cameraman s’est approché un peu trop près du coureur, le câble pendait et s’est pris dans la poignée de freins. Quand le pilote s’est écarté, il a emmené le guidon avec. Puis le câble s’est décroché, Lilian Jégou s’est brusquement rabattu de mon côté. Là, tout va très vite ! Tu es à 45 km/h, on est juste derrière… Ce qui m’a « sauvé », c’est qu’en moi-même j’avais noté que le cameraman déconnait en lui mettant la caméra sous le nez. J’étais sur le qui-vive. Quand Lilian est tombé, il s’est retrouvé dans mon angle mort, devant le capot. Il n’y avait pas de public, j’ai mis un coup de volant à droite, fait un écart… Je suis passé assez près, ce jour-là on a eu beaucoup de chance.
Le vélo, ça ne peut pas être une histoire ancienne pour vous ?
J’en fais toujours en effet. Pas régulièrement, je n’ai pas le temps, mais comme mon fils court en Espoirs, je suis beaucoup sur le scooter et de temps en temps sur le vélo pour une sortie de récupération. Sur l’acquis de ta carrière, même si tu ne roules pas pendant deux, trois ans, ça va. Après, c’est mort : tu redeviens un mec comme tout le monde et si tu ne roules pas, c’est dur !
Et vous avez une particularité : celle de vous être mis au judo à la fin de votre carrière !
J’avais un très bon copain prof de judo. Quand j’ai arrêté ma carrière on a fait du VTT ensemble, ça le sortait de son tatami, et puis un jour il m’a proposé de venir sur le tapis. J’ai fait dix ans de judo et j’ai passé ma ceinture noire il y a deux ans. Mais je lève désormais le pied. Autant je ne me suis pas tellement blessé pendant ma carrière, autant en judo j’ai morflé. A l’approche de la cinquantaine, je vais faire des trucs un peu plus cools !