Nicolas, avant de vous reconvertir en tant que commercial, vous avez vécu une brillante carrière. Quelles en sont les grandes lignes que vous retenez ?
Je suis passé professionnel en 1995 et je l’ai été jusqu’en 2009. J’ai donc près de 15 ans de carrière. J’ai commencé par la Mutuelle Seine-et-Marne, puis j’ai rejoint les équipes Cofidis, Once, CSC, Phonak et Agritubel. J’ai à mon actif dix Tours de France, dont huit terminés. A mon palmarès, il me manque quelques victoires mais j’ai beaucoup de places de 2. J’ai, par exemple, fait 2ème d’une étape sur le Tour de France 2004 à Nîmes, 2ème du Championnat de France en 2002. Mais, j’ai aussi remporté la Coupe de France en 1997.
Comment qualifieriez-vous le type de coureur que vous étiez ?
J’aimais bien les profils accidentés mais disons que j’ai trouvé ma place en tant qu’équipier au bout d’un certain nombre d’années. C’est d’ailleurs ce qui m’a permis de faire une longue carrière. Je pense que c’est un rôle que je jouais bien étant donné que j’y suis resté longtemps ! C’est important de connaître ses limites. Mais il y avait des courses comme les manches de Coupe de France, le Championnat de France… Là j’avais toujours ma carte à jouer. Et des fois ça pouvait marcher.
Étant donné que vous étiez dans des équipes étrangères souvent, vous vous retrouviez isolé aux Championnats de France…
Oui mais ça ce n’était pas un problème ! Mieux vaut être seul que mal accompagné ! (il rit)
Vous avez donc dit stop en 2009. Cette fin de carrière était-elle préméditée ou subie ?
En fait, Laurent (ndlr : son frère Laurent Jalabert) a fait 14 ans de carrière et je lui avais dit que j’en ferais un de plus pour le battre au moins une fois ! C’était un challenge ! Plus sérieusement, l’équipe Agritubel arrêtait en 2009. J’avais 37 ans, il était temps que j’arrête aussi.
Dès lors, aviez-vous réfléchi à l’après-carrière ?
Non, je n’avais pas préparé ça. J’ai passé un brevet d’Etat après ma fin de carrière. Et finalement ça s’est bien passé. Ça fait maintenant plus de six ans que j’ai terminé ma carrière et ma reconversion s’est bien déroulée puisque j’ai un bon travail désormais. Au début je faisais du coaching, j’avais des clients mais ce n’était pas viable pour autant.
Quelle est votre activité désormais ?
Dorénavant, je suis commercial dans le cycle, dans une société qui s’appelle Winora. Cette société fabrique et distribue des vélos électriques, mais aussi des pièces détachées de beaucoup d’autres marques.
Quelle plus-value vous apporte votre carrière de cycliste dans votre activité aujourd’hui ?
La volonté tout d’abord. Lorsque j’ai terminé ma carrière, j’ai d’abord fait du coaching, mais ça ne marchait pas donc j’ai arrêté. Du coup je suis devenu commercial dans l’électricité, alors que je ne savais pas changer une ampoule ! Et là le mental de coureur professionnel aide car ce n’est pas évident d’aller vendre des disjoncteurs à des électriciens. Le premier jour j’avais les chochottes !
Le fait de s’appeler Jalabert permet-il d’ouvrir certaines portes quand on travaille dans l’univers du cycle ?
C’est à double tranchant. Il arrive au contraire que ça te ferme des portes. Aujourd’hui, ça fait quatre ans que je suis commercial dans le vélo, donc j’ai fait ma place. C’est la première année la plus difficile, c’est là où il faut rencontrer et connaître la clientèle. Après ça se passe bien quand les clients ont l’habitude de te voir.
Auriez-vous aimé être cycliste professionnel en 2016 à l’heure des oreillettes, des capteurs de puissance, Strava, etc ?
Strava, je l’utilise ! Aujourd’hui d’ailleurs ça a planté et j’ai trop les boules (ndlr : l’interview a été réalisée après une cyclosportive) ! Mais à l’époque où je courrais, j’aurais aimé avoir Strava, j’en aurais eu un paquet de KOMs ! Et puis il y a un vrai côté pratique. Ça te permet d’avoir un carnet d’entraînement, ça te calcule tout. Franchement ça te motive et ça te pousse vers l’avant. Mais c’est addictif je l’admets. Dès que tu y as pris goût, ça manque vite !
Comment vous voyez-vous dans dix ans?
Si tout va bien je serai toujours commercial. Par contre je ne pense pas que je continuerai comme ça jusqu’à la retraite, même si c’est vrai que ça se passe bien, et que je m’entends bien avec tout le monde. Ça représente quand même 60 000 à 80 000 kilomètres de voiture par an. C’est le seul côté difficile du métier, parce que je m’occupe d’un gros secteur. J’ai 25 départements du sud à couvrir.
Si une opportunité de travailler dans une équipe professionnelle se présentait, seriez-vous attiré ?
Aujourd’hui, non. En revanche, les deux premières années qui ont suivi l’arrêt de ma carrière, oui j’aurais bien voulu. J’ai d’ailleurs frappé à beaucoup de portes mais personne n’a voulu de moi. Je n’en veux à personne. Mais aujourd’hui je pense être mieux installé que si j’avais continué dans le monde du cyclisme professionnel.