Quand êtes-vous passé professionnel et quand avez-vous mis fin à cela ? Par quelles équipes êtes-vous passé ?
Je suis passé professionnel en 2006 à la Caisse d’épargne avec Valverde et compagnie. J’ai fait les 5 années avec la Caisse d’épargne ensuite j’ai été à AG2R La Mondiale. Mon aventure s’est arrêtée là en grande partie à cause d’une lourde chute en Argentine où je me suis fracturé le bassin. Je continue à pratiquer le sport parce que j’aime ça.
C’était une fin de carrière subie plutôt qu’anticipée ?
C’est sûr que se fracturer le bassin à l’autre bout du monde, c’était pas comme ça que je voyais la chose. Après je n’ai pas eu de séquelles physiques mais mentalement je sais que je n’étais plus sûr de moi quand je devais rouler dans un peloton. Quand le plaisir commence à partir, il faut penser à une reconversion.
Mathieu Perget ancien professionnel chez AG2R La Mondiale | © AG2R La Mondiale
Au premier janvier de l’année suivante, c’était une page blanche ou vous aviez déjà anticipé des possibilités ?
Justement, mon accident m’a ouvert les yeux sur certaines choses. Je me suis rendu compte de l’importance des premiers secours et c’est pour ça que je me suis dit que ça me plairait bien d’être dans ce milieu-là.
Comment avez-vous attaqué ce métier ?
Aujourd’hui je suis sapeur-pompier professionnel et en même temps j’ai un diplôme d’entraîneur et directeur sportif. Je privilégie mon métier de sapeur-pompier et de faire des missions comme le Tour de France. Je pratique pas mal de sport puisque je fais du triathlon et notamment de l’IronMan.
Mathieu à l’oeuvre en triathlon | © BalnéAman
C’est les pompiers argentins qui vous ont donné cette envie de faire cette transition-là ?
On peut dire ça.. J’avais été pris en charge par des ambulanciers mais c’est là que je me suis rendu compte de l’importance des secours et que sans eux.. Tout ça on y pense pas tant qu’il nous arrive rien. Je trouve que j’ai une très belle reconversion puisque j’ai un métier qui sert à quelque chose, en équipe, beau et qui me laisse du temps pour faire du sport.
C’était vraiment une option naturelle ou l’envie de rester dans le milieu à travers le métier d’entraîneur, de directeur sportif ?
Beaucoup de coureurs deviennent entraîneurs sportifs avec le DEJEPS qui est une longue formation très intéressante après je sais que je voulais rester dans le vélo mais sans y être dépendant. J’ai ce souvenir qu’avec la Caisse d’épargne tout se passait bien avec un sponsor très content et du jour au lendemain plus rien. On voit aussi Philippe Gilbert qui est un énorme capitaine de route et leader et qui n’est pas sur un Tour de France alors qu’il y a un départ en Belgique. On voit pas mal de choses dans le vélo qui sont dommageables. C’est le business qui ne fait pas de cadeau.
Les aptitudes physiques développées par le cycliste professionnel vous ont-elles aidé à gagner quelques étapes pour être pompier professionnel où vous êtes passé par les mêmes étapes que vos collègues ?
Je suis passé exactement par les mêmes étapes et justement ça a été quelques fois plus difficile notamment avec les bras où j’ai un gros déficit : je suis incapable de faire 50 tractions. Par contre tout ce qui est cardio et jambes, là, j’ai de l’avance.
Vous êtes basé où ?
Dans le 82 (Tarn-et-Garonne) chez moi. J’étais à Montauban et maintenant je suis à une nouvelle caserne qui est à Castelsarrasin, à 25km de la maison.
Vous faites régulièrement des formations pour progresser dans la hiérarchie ?
C’est exactement ça et c’est ça qui est super dans cette profession. On passe d’autres concours pour évoluer et il y a un mélange de différentes personnes qui font la richesse de ça. Je suis un plongeur, c’est une spécialité que j’ai obtenue. Beaucoup de personnes payent pour être plongeurs et moi c’est mon métier donc c’est cool. Je suis aussi double Champion de France en vélo chez les pompiers.
Double Champion de France des Sapeurs Pompiers (à gauche) | © Mathieu Perget
Devenir entraîneur c’est une idée à laquelle vous pensez ?
Non non. J’ai le DEJEPS, j’ai fait quelques missions avec Aix-en-Provence et le comité régional mais il faut avoir du temps pour faire cela et je n’en ai pas assez avec mes Iron Man. J’ai restructuré le cyclisme à Montaubau du coup je suis vice-président et entraîneur-manager du club Montaubau Cyclisme 82.
Parmi tous les coureurs que vous avez pu cotoyer, quel est le modèle de reconversion que vous citeriez en exemple ?
Je sais que beaucoup de collègues se posent la question de leur reconversion et ils me disent tous « toi, elle est trop bien ». Parce qu’être commercial dans le monde du vélo c’est toujours de la pression avec les chiffres et objectifs. Entraîneur, les coureurs on les forme et après ils partent dans d’autres structures donc c’est un monde très difficile. Moi j’ai un métier qui me comble où je vis de sacrées choses.
Avec le recul, est-ce que vous diriez qu’il y aurait besoin pour les coureurs d’avoir des opportunités de formation ?
En France, on est très bien suivi. Maintenant, la fédération fait tout pour que lorsque l’on arrête on ait toujours quelque chose. Le coureur le sent quand il va arrêter et dès le mois d’août, il a quand même 6 mois pour réfléchir à ce qu’il va faire l’année prochaine.
Coureur pro dans les années 2000, vous aurez aimé être pro dans l’environnement actuel avec beaucoup plus de pressions liées à la communication et les réseaux sociaux ?
J’étais pas mal là-dessus, j’avais mon site internet et le Facebook. Après c’est sûr que la course à l’armement, à celui qui va avoir le plus de « like » c’est plus les équipes qui gèrent ça. Il ne faut pas regretter la période dans laquelle on était et moi je sais que je ne quitte pas ce milieu aigri.
Sur le Tour de France vous avez la tenue NTT. A quoi ça tient ?
C’est tout ce qui gère les données d’internet. Avant c’était Dimension Data mais ça a été racheté par NTT. C’est l’équivalent de France Telecom mais au Japon et c’est l’un des principaux sponsors des JO de Tokyo 2020. C’est des groupes énormes qui génèrent des milliards et qui justement s’implantent dans le vélo. Faut les faire rêver.
Sur le Tour de France avec dimension data en 2017 | © Anthony Fitzhenry
Aujourd’hui, à un jeune qui passe pro, vous lui conseillerez de se focaliser à 101% sur son métier de coureur professionnel ou justement d’anticiper son après carrière ?
Il n’y a pas de plan, on ne peut pas dire c’est mieux comme ça ou comme ça. Romain Bardet, lors de ses premières années pros, il continuait ses études pour avoir son master comme Jérémy Roy. Il y a plusieurs coureurs qui ont souhaité continuer leurs études. Moi je sais que je les ai arrêtées et repris après coup pour avoir mon diplôme d’état. On a du temps pour se reconvertir, les années passent vite, donc je serai plus du genre à foncer et faire le job à 101%. C’est une rigueur de travailler dans les avions, tard le soir et je sais qu’au Giro ou au Tour de France, je ne me voyais pas faire ça.