Bonjour John, peux-tu rappeler les grandes lignes de ta carrière ?
Je suis passé professionnel en 2003, chez une équipe Belge ensuite, j’ai fait une longue carrière chez Ag2r Prévoyance puis Ag2r La Mondiale et j’ai terminé ma carrière avec 2 années chez Movistar en 2014. J’ai un palmarès correct, je n’ai pas à rougir. Il y a des professionnels qui n’ont pas de victoires, moi j’en ai 8 à mon palmarès, notamment avec une victoire sur le Tour d’Italie en 2011 et où je termine également 3ème du général la même année. J’ai deux titres de Champion de France de cyclo-cross également.
Tu as fait une certaine transition entre la route et le cyclo-cross c’est ça ?
Oui, j’ai arrêté ma carrière professionnelle et j’ai décidé de refaire 2 saisons de cyclocross et mon premier championnat de France était à Lanarvilly en 1996 donc j’ai voulu terminer ma carrière là-bas et avec une médaille en plus. C’était un moment exceptionnel. La première médaille, c’est mon père qui l’a à sa maison et la dernière, c’est mon beau-père qui l’avait et je l’ai mis dans son cercueil avant qu’il parte donc ça a vraiment un goût particulier pour moi.
A cette époque-là, monter une équipe de cyclo-cross tu y avais pensé ?
Non, pas forcément, Steve a fait une superbe structure d’ailleurs ! Moi je voulais voir autre chose mais ça ne m’empêche pas de rester dans le cylocross, je m’occupe du département des Hauts de France donc j’accompagne les jeunes, je fais des stages avec et je ne me voyais pas faire ça.
Durant tes deux années de cyclocross, tu as anticipé ton après-carrière, travaillé là-dessus ou autre ?
J’ai fait un bilan de compétences mais ce n’est vraiment pas facile quand on arrête sa carrière, je me suis cherché un pue, de façon à savoir ce que je voulais faire et puis j’ai eu cette opportunité de travailler au conseil du département du Pas-de-Calais, à la direction des sports donc c’est un gros soulagement pour moi. Je ne savais pas ce que j’allais devenir. Je pense que c’est le cas de beaucoup de coureurs qui ne savent pas ce qu’ils vont retrouver derrière, une après-carrière c’est difficile à gérer.
La victoire au Giro | © Sky Sport
Quand tu parlais de bilan de compétence, tu pensais à faire un plan de formation ?
J’ai des études dans la viticulture mais je suis dans Hauts-de-France. Mon père a travaillé dans la viticulture et quand je vois la vie aujourd’hui, je ne me voyais pas faire ça. J’ai assez souffert dans le vélo pour souffrir dans les vignes et j’ai trouvé un travail qui me conviens bien et je suis très bien là-bas. J’ai envie d’évoluer dans ma carrière aussi.
A l’image de cette transition à travers le cyclocross, tu aurais pu aller vers un statut de directeur sportif ?
A aucun moment j’y ai pensé. Je pense que j’ai arrêté ma carrière non pas pour une raison physique mais parce que j’en avais marre de partir donc directeur sportif c’est la même chose qu’un coureur sur ce plan-là.
On parlait de reconversion des uns et des autres, tu citerais des modèles de reconversion ?
Oui, il n’y a pas que des coureurs qui galèrent pour retrouver un métier. Je pense à Anthony Geslin qui a eu une belle reconversion. Il y a plein d’autres modèles. On prend tous des routes différentes et le principal et de s’y retrouver. On est anciens cyclistes et on arrive toujours à retomber sur nos pattes.
Justement, quelle est la valeur du milieu du cyclisme que tu retiens le plus aujourd’hui ?
Le cyclisme m’a apporté beaucoup de choses. L’école de la vie dans un premier temps, ensuite le respect de pleins de choses et puis de rien lâcher, se battre tout le temps, travailler en équipe. Il y a plein de choses. Tous les sports ont leurs petits truc mais le cyclisme est le plus difficile, il faut se remettre en question tout les jours pour évoluer.
Globalement, tu dirais que tu as plus appris par tes expériences à l’étranger ou en France ?
J’ai appris dans les deux mais principalement pris du plaisir avec Ag2r. Avec Movistar, c’était une autre culture et ça reste de très bons souvenirs, l’ambiance y était familiale et ça l’est encore. C’est franchement une expérience qui m’a marqué et on a gardé un contact dans le respect avec tous les coureurs.
John Gadret | © max ppp
Aujourd’hui, avec ton recul, quel serait le conseil que tu donnerais à un jeune coureur pro ?
Je lui dirais qu’il faut se battre avec ces armes et ne jamais rien lâcher. Penser à une reconversion. A mon époque, on n’avait pas tout ce qu’il y a aujourd’hui et il faut y penser. On pense qu’une carrière dure longtemps mais quand elle s’arrête c’est compliqué. Aujourd’hui les coureurs font des études à côté et je trouve ça super !
Concilier études et sport de haut niveau, tu penses que c’est jouable, comme le font Romain Bardet ou Jérémy Roy ?
Ils le démontrent bien, Romain est dans les premiers du Tour de France et il a fait des études à côté, Jérémy tout pareil. Ils font compter sur ces gens là pour montrer qu’on peut faire une carrière sportive et faire des études à côté.
Sur le Tour de France, tu y es arrivé de quelle manière, ici chez Sodexo ?
Je suis chez sodexo depuis 3 ans car ils cherchaient un pilote avant-course. C’est une superbe aventure avec une très bonne équipe et je suis parti pour pas mal d’années avec eux je pense. Il n’y a pas de pression et ils me font confiance sur toute la ligne, je suis content de travailler avec eux. Je pourrais travailler avec ASO mais je vais mettre un couteau dans le dos à Sodexo qui me font confiance depuis 3 ans.
Ça permets aussi de garder un pieds dans le milieu du cyclisme ?
Oui, c’est un milieu que j’apprécie, je revois des coureurs que je connais et puis ça permet de créer des liens avec des personnes importante et de s’enrichir, c’est important.
Tu te vois comment dans 10 ans ?
Dans 10 ans, je ne sais pas. Pour l’instant je vis au jour le jour.
Aujourd’hui, là où tu travailles, tu penses que tu peux y faire une carrière à long terme ou tu penses que le cyclisme te rappellera un moment ou à un autre ?
Pour l’instant je suis au département et espère y faire une longue carrière. Je l’ai dit, je vis au jour le jour, aujourd’hui j’ai retrouvé un équilibre de vie correct, j’avais déjà une vie correcte avant grâce à ma femme mais dans 10 ans je ne sais pas.
Tu étais un coureur discret, les réseaux sociaux existaient moins, tu aurais aimé vivre dans le peloton aujourd’hui ?
Il faut vivre avec son temps donc je l’aurais fait, je ne vis pas trop sur les réseaux. Ça me dérangerais pas, on sait tout en temps réel et j’aime bien donc c’est bien mais après je suis pas fan de ceux qui s’étalent trop.