Bonjour Jacques, pouvez-vous nous rappeler les grandes lignes de votre carrière ?
J’ai fait mes débuts en 1979, j’ai eu la chance en tant que néo-pro de faire également mon premier Tour cette même année et j’ai arrêté en 1984. J’ai donc fait 6 années pro.
J’ai gagné quelques courses, la plus belle victoire, c’est l’étape du Tour qui allait de Bourg-d’Oisans à Morzine, l’étape reine des Alpes. Il y avait un gros dénivelé et 6 cols. C’est vraiment l’étape la plus prestigieuse. J’ai gagné sur le Tour de Romandie, sur l’étoile de Bessèges. J’ai fait également pas mal de places car chez les pros il est difficile de gagner quand l’on ne sprinte pas.
En 1984, quand vous avez effectué votre dernière saison, vous aviez d’autres propositions ou c’était un choix ?
Non, malheureusement c’était un concours de circonstances. C’est moi qui n’ai pas décidé de faire le Tour cette année-là. J’étais dans l’équipe Coop Mercier et je n’étais pas bien, j’avais abandonné les Championnats de France et j’ai préféré ne pas faire le Tour que je ne sentais pas. Ce n’était pas une bonne saison pour moi. Et durant le Tour, j’ai appris que l’équipe s’arrêtait donc ça a été dramatique pour moi, ce n’était pas un choix. J’avais prévu de rouler encore 1 ou 2 ans. J’avais fait le tour de la question et je n’avais pas envie d’insister donc je me suis dit « j’arrête ».
Ça veut dire qu’au 1er janvier 1985, vous en étiez où de votre carrière hors cyclisme ?
J’avais des propositions dans le domaine commercial et j’ai rapidement eu des contacts avec la société Look et ils cherchaient des nouveaux commerciaux pour vendre des nouvelles pédales.
Michaud carte coureur | © Carte coureur
Vous aviez déjà la relation commerciale facile ?
Je l’avais déjà, oui, un relationnel assez facile. Donc j’ai fait ça, promotion de la pédale et également sur les skis. Ensuite j’ai eu la proposition de Bernard Thévenet qui cherchait un Directeur Sportif chez RMO et j’y suis allé jusqu’à la fin 1992. On avait une belle équipe mais ça s’est mal terminé. J’ai quitté le monde de la course dans un premier temps puis celui des Directeurs Sportifs encore d’un seul coup où il a fallu attendre un peu.
Ensuite, comment s’est fait l’enchaînement ?
Ensuite, j’ai fait une formation. Je ne voulais pas revenir dans le vélo donc j’ai fait une école de commerce pendant un an à Grenoble. Il y avait les prémices d’une équipe qui se montait en Suisse, j’ai été contacté et suis reparti avec eux en 1996. Ensuite avec l’équipe PMU, La Poste Suisse et Phonak. On a encore eu un gros coup dur avec cette dernière équipe. On ne dit jamais deux sans trois et c’était ça. J’hésitais à revenir dans le vélo et il y a eu l’équipe BMC, pour 2010 ils engageaient Cadel Evans et ils m’ont proposé. J’ai dit oui et j’en suis là aujourd’hui.
Durant cette transition, vous avez fait une autre formation ?
J’avais une formation sous le coude et j’avais laissé cette partie-là. C’est vrai qu’aujourd’hui, on sait très bien que les CV demandent un suivi dans les carrières. Dès qu’on change de domaine, c’est compliqué. Donc je suis resté en stand-by avec des petites opérations publiques. Il y a eu également la cyclosportive la Jacques Michaud, qui a duré pendant 10 ans mais à cause d’un maire qui ne voulait plus que le parcours passe chez lui, le dimanche matin, là où j’avais gagné lors du Tour de France, j’ai décidé d’arrêter.
Jacques Michaud | © Wikipédia
Ça a été facile de refaire une formation avec de jeunes étudiants ?
J’étais prêt et toujours lucide. Je savais que c’était aléatoire. Mais c’est vrai que de se retrouver avec des jeunes et des adultes de tous horizons, c’est spécial. La reconversion n’est pas forcément facile.
Parmi tous les coureurs que vous connaissez, il y a des modèles de reconversion que vous citeriez ?
Les belles reconversions, il y en avait dans notre époque. Il y a 30 ans, quelqu’un qui arrêtait le vélo n’était pas forcément riche même en faisant une carrière tout à fait correcte. Tandis qu’aujourd’hui ce n’est plus le cas. Pour moi les exemples ce sont ceux qui, à cette époque-là, ont investi de l’argent dans leur reconversion, dans une création comme Eddy Merckx. Ceux qui ont fait des marques de vélo ou de vêtements. Maintenant, créer des entreprises, les coureurs qui ont des gros capitaux on ne leur dit pas « gérer une entreprise » mais plutôt « gérer l’argent » donc voilà. Effectivement, on a moins de créations alors qu’à une époque, les gens pouvaient prendre des commerces, des hôtels, des bars…
Vous auriez aimé être coureur aujourd’hui ?
Oui, je pense que tout est amplifié avec les nouvelles technologies. La société change, c’est la roue qui tourne, on ne va pas faire marche arrière. C’est une nouvelle façon pour les jeunes d’aborder leur sport. Il faut s’adapter et ne pas être victime de l’évolution. Par exemple, les oreillettes au début ça paraissait comme sain puis certains en ont fait un outil de travail. Avant, ça n’entrait pas dans la panoplie du coureur. Mais ça reste du vélo par rapport à ça, on sait très bien qu’ils ont les oreillettes. Les meilleurs résultats, les victoires et les actions en course se passent loin des ordres des oreillettes. Dans une échappée, il faut évidemment prendre compte des informations de classement… Les oreillettes au départ, c’était pour avoir les informations sur le parcours. Après, quelques-uns en ont fait un outil à part entière et aujourd’hui des coureurs aiment bien recevoir des infos et des consignes et d’autres non. Ça fait partie de la panoplie, on ne va pas faire marche arrière même s’il y a encore une polémique là-dessus, je ne pense pas que les oreillettes changent les courses. Tout comme le fait d’avoir réduit le nombre de coureurs sur le Tour de France. Il n’y a pas moins de chutes, les leaders défendent leur rôle. Tout passe par des évolutions, il faut évoluer, les vélos évoluent. Il y a de l’évolution, il faut s’adapter. C’est aujourd’hui une qualité première.
Michaud l’emporte à Morzine | © INA
Justement, au niveau de l’adaptation, est-ce qu’il y a une valeur que vous avez toujours conservé depuis que vous êtes coureur ?
Oui, c’est la persévérance, on a la ténacité. On sait qu’il y a les hauts et les bas mais il ne faut pas se décourager. On sait que ça arrive vite, il y a les chutes, les problèmes de santé et autres. Bon, aujourd’hui il faut que les gars soient forts mentalement. Un gars un peu faible dans le monde de la course, il faut qu’il soit bien entouré. C’est un monde dur. On est dans la mondialisation alors que 30 ans en arrière, c’était qu’Européen, donc aujourd’hui c’est d’autant plus dur pour les coureurs de s’imposer.
On parlait de modèle de reconversion, quelles sont les personnalités qui vous ont inspirées ?
Comme ça à chaud, Andy Rhis, c’était une personne formidable, heureuse dans la défaite comme dans la réussite. Il acceptait la défaite et était très fort. Ce n’était pas qu’une question d’argent. C’était un mécène donc bien sûr qu’il était content quand il y avait la gagne. Ce n’était pas comme avec des sponsors où il fallait tout rendre sous la forme je te donne 1 tu me rends 1.