Frédéric, de 1996 à 2007, retracez-nous vos années dans le monde professionnel.
Je suis passé pro en 1996 au sein de l’équipe Petit Casino avec Vincent Lavenu, juste après l’arrêt de Chazal. Je suis resté chez Casino jusqu’en 1999 avant de tenter ma chance chez Jean Delatour pour une saison en 2000. C’est une équipe qui s’est montée à deux pas de chez moi par mon ancien manager au Vélo Club Caladois. Ensuite, j’ai fait deux belles années au Crédit Agricole avec Roger Legeay. De ces années, je retiens surtout mes participations au Tour de France et surtout le contre-la-montre par équipes remporté en 2001. Puis, j’ai fini ma carrière avec l’équipe Cofidis de 2003 à 2007.
Aviez-vous pu anticiper votre fin de carrière ou fut-elle subie ?
J’ai essayé de l’anticiper en passant mon Brevet d’État lors d’une session sportive de haut niveau en 2005, donc en cours de carrière. À ce moment-là, j’étais déjà dans l’optique de préparer l’après-carrière. Lors de ma dernière année, j’ai eu du mal à quitter le milieu, probablement la peur du vide, et je pensais continuer une année supplémentaire. Mais, Cofidis m’a proposé un poste de directeur sportif adjoint dans le courant de l’année 2008 que j’ai accepté. J’ai notamment été sur la Vuelta où je garde d’excellents souvenirs avec entre autres le maillot de meilleur grimpeur de David Moncoutié et une victoire d’étape en prime.
Que s’est-il passé par la suite ?
Toujours en 2008, j’ai également été directeur sportif du Chambéry Cyclisme Formation pour une trentaine de jours dans l’année. Après réflexion et suite à quelques doutes concernant mon envie réelle de faire ce métier, j’ai repris un cursus de formation en école de commerce et de management grâce à l’aide de Cofidis qui m’a accompagné dans ma reconversion. J’avais besoin de me rassurer et de rester dans un élément que je connaissais mais aussi de faire quelque chose de différent. On a beau dire qu’il faut préparer la reconversion, je pense que chaque cycliste professionnel passe par des moments de doutes. Mon cursus de formation m’a ouvert des portes sur d’autres milieux professionnels.
Auriez-vous aimé bénéficier d’un bilan de compétences ?
J’ai eu l’occasion de le faire. C’était au tout début grâce au soutien de l’Union National des Cyclistes Professionnels (l’UNCP) notamment. C’étaient les premiers bilans de compétences qui étaient proposés en fin de carrière. Malheureusement, il faut aussi être dans les dispositions qui permettent d’avoir un bilan de compétences productif. La principale difficulté est de mettre en valeur toutes les qualités développées comme sportif de haut niveau afin de faire un transfert vers l’après-carrière. C’est là où j’ai eu du mal. Il m’a fallu un petit peu de temps pour mettre en valeur mes compétences.
Aujourd’hui, vous avez intégré l’entreprise BMC où vous occupez un poste de responsable de secteur.
Pendant mon cursus j’ai rencontré Paul Diguet qui est mon supérieur chez BMC aujourd’hui. Il était en train de monter son projet. Il m’a expliqué un peu ce qu’il souhaitait faire pour qu’ensuite nous collaborions ensemble. C’était un pari sur l’avenir par rapport à l’envie que j’avais de rebondir et cette capacité à m’ouvrir sur des nouvelles choses. Il m’a aidé à mettre en avant toutes les valeurs développées en tant que sportif professionnel.
Quels éléments ont joué en votre faveur au moment de l’embauche ?
Je pense que la proximité y est pour quelque chose. Il a fait un pari sur mon côté volontaire, sur mon envie de me remettre en question. C’est également en rapport avec la persévérance du sportif de haut niveau. Ensuite, on apprend sur le terrain, on met en place les concepts appris à l’école afin de les retransmettre sur le terrain. D’ailleurs j’ai même évolué depuis puisque je suis passé de responsable de secteur à responsable pour la France depuis presque deux ans. Je commence à gérer une petite équipe. C’est un parcours dont je suis assez fier.
Aujourd’hui, votre crédibilité pour parler d’un vélo est-elle toujours un atout dix ans après l’arrêt de votre carrière ?
Ce n’est pas ma nature d’utiliser mon passé de sportif professionnel d’un point de vue commercial. On m’a d’ailleurs déjà souvent reproché de ne pas l’avoir assez mis en avant. D’un point de vue commercial, je préfère faire mes preuves sur mes compétences et sur les services que je peux apporter aux revendeurs. Après, ça vient naturellement dans des discussions de temps en temps. Mais je suis rarement là, à raconter les faits d’armes de ma carrière.
Quelles sont les similitudes entre le poste que vous occupez aujourd’hui et celui de directeur sportif ?
Les similitudes seraient plutôt au niveau de mon rôle de capitaine de route que j’avais sur ma fin de carrière. Je suis là en soutien, en support. J’ai fait le même job qu’eux dans les deux cas. Je ne suis pas juste un chef de secteur qui doit manager son équipe, je suis encore en charge d’un secteur.
Dix ans après la fin de votre carrière, auriez-vous aimé bénéficier de certains outils modernes ?
Non, pas spécialement. J’étais dans mon temps, je me suis adapté au contexte dans lequel j’étais et je suis très satisfait du chemin que j’ai parcouru aujourd’hui. Donc non, je n’envie pas la génération actuelle. J’aurais pu éventuellement me lancer dans les médias mais il n’y a pas de place pour tout le monde.
Votre ancien coéquipier, David Moncoutié, lui s’y est fait sa place. Que pensez-vous de sa reconversion avec Eurosport ?
Je trouve qu’il est très bon. Je ne m’attendais pas à ce qu’il soit à ce niveau en fait. David est quelqu’un de très intelligent qui a toujours été un petit peu en retrait, en marge du milieu cycliste en général. C’est quelqu’un qui sait analyser avec son propre mode de fonctionnement. Il a aussi cette capacité à s’adapter rapidement. Là en l’occurrence il est excellent et je pense qu’il doit bien bosser.