Peux-tu nous rappeler les grandes lignes de ta carrière ?

J’ai vraiment débuté en 2002 en tant que stagiaire chez Festina mais l’équipe s’est arrêtée cette année là. J’ai ensuite fait un an au club UC Châteauroux, puis j’ai eu la chance de rentrer comme stagiaire chez CSC en fin d’année. En 2003 je suis passé pro, jusqu’à l’année dernière en 2016.

La fin de ta carrière a dû être mûrement réfléchie, qu’est-ce qui t’a amené à mettre fin à ta carrière ?

Après 14 ans en pro, c’était le bon moment. J’étais en forme, je gagnais encore des étapes dans la Vuelta, d’ailleurs je pense qu’un Top 10 dans le Tour de France était encore possible. Après 14 ans de carrière, on gagne en maturité, il y a aussi des enfants à la maison. Ce n’est pas comme quelque chose qu’on met sur ON ou sur OFF, je pense que c’est plutôt comme un processus dans le temps. Je voulais être celui qui prendrait la décision d’arrêter. J’aurais pu continuer mais je ne voulais pas être dégoûté du vélo. Je voulais pouvoir savourer comme je savoure maintenant. C’est pour cela qu’après le Tour de France, j’ai décidé d’en parler avec ma famille et d’annoncer la fin de ma carrière pendant les JO de RIO.

Je ne peux pas dire que cela me manque, pas du tout, faire du sport et rouler avec mon équipe, oui, ça ça me manque, mais la compétition en elle-même ne me manque pas. En tant que père de famille et en étant plus mature, j’ai envie de profiter de mes enfants maintenant.

En début de saison, j’imagine que tu as dû te poser la question, ne suis-je pas en train de faire l’année de trop ?

Oui bien sur ! C’est bien pour cela que cette année, je ne voulais pas faire cette année de trop qui justement allait me dégouter du vélo. Si on pense qu’un pro fait en moyenne 30 000 km par an et 90 courses par année, c’est énorme, donc ajouter à nouveau 30 000 km à son propre compteur ce n’est pas une décision à prendre à la légère. Je souhaitais vraiment m’arrêter en étant encore en forme et compétitif et que ce soit mon choix.

La fin de carrière de ton frère Andy t’a t-elle inspirée, que ce soit en positif ou en négatif ?

Pour Andy, c’était différent, il a dû s’arrêter sur blessure. Ce sont des choses qui arrivent. J’ai fait 3 ans de plus que lui. Je n’étais pas encore prêt. On se ressemble beaucoup mais nous sommes différents sur ce point. Il n’a pas eu le choix après sa chute, moi je l’ai eu.

 

Tu fais partie d’une famille de cyclistes et avec ton expérience, on t’imagine bien directeur sportif ou manager, est-ce que c’est une idée que tu as creusé ?

J’y ai pensé mais en étant amis avec tous les cyclistes et connaissant ce qu’ils pensent, passer d’ami à directeur sportif l’année suivante, c’est compliqué et je pense que ce n’est pas une bonne idée. En tant que directeur sportif, il faut être capable de disputer tes collaborateurs si nécessaires, et ça, je n’aurais pas pu le faire. Pour l’instant, ce n’est pas d’actualité mais il ne faut jamais dire jamais.

En tout cas, j’adore parler de mon sport et partager cette passion en faisant partie de la famille Mavic. Quand j’avais 6 ans je voyais déjà passer les voitures jaunes Mavic et je trouve que cette marque est restée fidèle à son rôle. Elle est omniprésente, sur toutes les courses et elle est indispensable. On a besoin de ces gens là. Et pour moi être dans la famille Mavic, c’est vraiment un honneur. Actuellement, je roule avec leur roues, casque et vêtements. Ces gens là savent ce qu’ils font. Ils évoluent avec le temps et ne s’arrêtent jamais donc c’est un plaisir de pouvoir leur donner un feedback et de travailler sur leurs produits en termes de matériaux ou d’aérodynamisme. Si je peux mettre mes 25 années de vélo à leur service, c’est avec plaisir !

Avec ton expérience, ton nom et les six langues que tu parles, n’as-tu jamais pensé te reconvertir dans les médias comme Laurent Jalabert ou Jacky Durand ?

Oui pourquoi pas. J’ai été leader 8 ans, je connais les tactiques de jeu donc je pense que je pourrais le faire. Pour l’instant, ce n’est pas fait et je n’ai pas été sollicité mais pourquoi pas !

Tu es organisateur d’une course, la Schleck Gran Fondo, souhaites-tu développer plus cette activité d’organisateur ?

Oui bien sur, je me suis posé la question. L’idée c’était de partager mon sport un maximum et de faire découvrir le Luxembourg et mes routes d’entrainement. Le Luxembourg est un pays magnifique ! D’autre part, le sport est important pour la santé. Je trouve que dans les grandes villes, on n’utilise pas assez le vélo pour se déplacer, pour aller au travail ou pour aller chercher les enfants à l’école, comme dans le vieux temps. Au 21ème siècle, c’est important de penser vélo pour réduire le trafic et préserver l’environnement. Dès le plus jeune âge, il faut habituer les enfants à aller à l’école en vélo et à rouler en toute sécurité.

Avec cette longue et belle carrière, quels conseils peux-tu donner aux jeunes cyclistes qui se donnent à 101% pour penser à leur fin de carrière ?

Il n’y a pas de conseil à donner, c’est une question difficile. Un jeune talent qui gagne des courses, on ne peut pas lui dire de rouler tranquillement. C’est comme mettre un tigre en cage. On ne peut pas freiner un jeune de 21 ans qui enchaine les victoires.

Jean-Claude Bagot qui a son fils dans le peloton, lui, conseillerait d’apprendre à parler plusieurs langues étrangères pour anticiper une reconversion professionnelle. Penses-tu qu’effectivement cette compétence linguistique est un vrai plus en sortie de carrière ?

Etre un athlète, ce n’est pas uniquement gagner des courses et faire des entrainements. C’est aussi une ouverture pour la vie qui vient ensuite. Beaucoup de coureurs apprennent à souffrir avec le vélo, ce qui prépare à l’après vie de cycliste. On apprend à bien se nourrir, à être en bonne santé. Finalement, le sport, c’est un apprentissage de la vie. Il a totalement raison, si on parle beaucoup de langues, on connait différentes cultures donc c’est forcément un avantage.

Si tu devais citer un exemple réussi de reconversion de coureur, lequel citerais-tu ?

C’est une question difficile ! C’est plus facile pour un grand champion comme Eddy Merckx de se reconvertir que pour un cycliste moins connu. Je pense juste que la reconversion se passe bien si on garde les pieds sur terre. Je pense qu’il faut 3 ou 4 ans avant de pouvoir juger un processus de reconversion. Ce processus se travailler avec la famille et doit être pensé en fonction de la personnalité de chacun.

 

Interview de Philippe Lesage

Transcrite par Mathilde Duriez