David, après quatre années chez les pros de Skil-Shimano de 2007 à 2010, vous exercez aujourd’hui la fonction de chauffeur de bus de l’équipe Giant-Alpecin. Aujourd’hui, que reste-t-il de votre carrière pro ?
Avant de passer professionnel, j’ai couru au Vélo Club de Roubaix avec lequel j’ai gagné une étape du Tour de Bretagne. Puis je suis passé stagiaire chez Skil-Shimano en 2006 et professionnel en 2007. Mes plus grands moments restent ma 9ème place de l’étape reine de l’Eneco Tour, qui équivalait à un petit Amstel Gold Race, et ma 6ème place sur une étape du Tour de Belgique. Etant nordiste, avoir pris le départ de Paris-Roubaix reste également une grande chose pour moi.
Comment s’est arrêtée votre carrière professionnelle ?
Je me suis retrouvé sans contrat fin 2010. Je suis alors redescendu chez les amateurs dans l’équipe de Laurent Pillon, à l’ESEG Douai. C’était alors plus pour retrouver du plaisir sur le vélo avec ma bande de copains que dans l’idée de repasser pro, ma dernière saison n’ayant pas été la plus facile. Mais j’ai chuté aux Boucles de l’Artois et je me suis cassé le fémur. Cela m’a amené à partir dans une autre branche, toujours dans le monde du vélo, mais en tant que soigneur dans l’équipe Skil-Shimano à l’époque.
Votre carrière s’est arrêtée à 25 ans. Aviez-vous anticipé l’avenir ?
Je ne cache pas que j’avais beaucoup la tête dans le guidon, je ne pensais pas du tout à ma reconversion quand je suis redescendu en amateur. Au moment de ma fracture du fémur, j’ai pensé que c’était le gros coup dur de ma vie mais au final cela a été une chance de pouvoir me reconvertir assez vite, passer un permis bus l’hiver suivant. J’ai eu beaucoup de chance et je remercie vraiment la direction de l’équipe qui m’a permis de rebondir. Cela fait maintenant cinq ans que je travaille dans le staff de l’équipe Giant-Alpecin.
C’était une belle preuve de confiance de sa part ?
Cela s’est toujours bien passé pendant mon passage dans l’équipe. J’ai compris pourquoi ils ne renouvelaient pas mon contrat et je sentais aussi que de mon côté je n’aurais pas pu continuer avec eux à ce niveau. L’équipe cherchait à évoluer, moi j’étais au maximum de mes capacités, il faut aussi être réaliste sur sa carrière.
En tant qu’ancien de l’équipe, l’intégration a-t-elle été facilitée ?
Ce qui m’a le plus facilité les choses, c’est que 70 % des coureurs à ce moment-là étaient mes anciens coéquipiers. Je n’avais pas vraiment d’expérience mais ils m’ont appris à les écouter sur ce qu’ils recherchaient au niveau du massage. Même la préparation des bidons et du ravitaillement s’apprend car en étant cycliste, on ne connaît pas forcément ce qui se passe autour. La seule chose qu’il faut dans ce métier c’est de la volonté. Je me suis fait masser des centaines et des centaines de fois donc je connais l’attente du coureur, après il faut savoir exactement à quel endroit masser pour que le coureur ait un vrai ressenti. Savoir relaxer le coureur, l’écouter. En tant qu’ancien cycliste pro, on est capable de le faire. Les kinés, eux, sont plus à l’écoute du corps des coureurs.
Aujourd’hui, beaucoup de masseurs passent le permis poids lourd pour conduire le bus des équipes, diriez-vous que ça devient une obligation pour ce métier ?
Effectivement, les équipes demandent de plus en plus ce permis aux masseurs mais je pense que c’est un peu une erreur. Chauffeur de bus, c’est un métier. On conduit un véhicule très lourd tous les jours. Personnellement, je serais pour qu’il n’y ait pas de massage pour les chauffeurs de bus parce qu’il y a beaucoup de choses à préparer autour. On a besoin de repos, de préparer nos cartes, etc. Quand on est chauffeur de bus et masseur en même temps, le temps se raccourcit de plus en plus. Les transferts aux hôtels sont longs et on perd en motivation le soir pour préparer la route pour le lendemain. C’est là que des erreurs arrivent et que les accidents sont plus propices, mais ce n’est que mon point de vue. Je pense qu’on devrait être beaucoup plus reconnus en tant que chauffeur de bus qu’en double activité. On doit être au moins la moitié à faire les deux dans le WorldTour actuellement. En signant dans l’équipe je savais comment ça se passait donc je ne me plains pas du tout mais j’estime qu’on doit être davantage reconnus en tant que chauffeur de bus.
En termes de formation et de préparation d’après-carrière, y a-t-il des choses que vous auriez aimé connaître quand vous étiez coureur ?
Je suis passé pro à 20 ans, on en oublie nos études, ce qui est une grosse erreur je pense. Moi, je n’avais pas de formation à côté. A l’époque j’étais en section sport-étude puis je suis passé directement dans l’équipe amateur de Roubaix. J’ai arrêté mes études pour ça. Mais maintenant, beaucoup de choses ont été améliorées. Des formations ont été prévues pour les sportifs. Dans l’équipe Giant-Alpecin, les coureurs sont bien payés, ils sont quasiment sûrs de trouver une reconversion derrière, que ce soit dans le milieu ou pas. Beaucoup ont fait de grosses études avant de passer professionnels. Je prends aussi l’exemple d’Alexandre Geniez qui était mon coéquipier : il est arrivé dans l’équipe en 2009, au premier stage, après les entraînements, on faisait tous la sieste alors que lui il bossait, il avait la tête dans ses bouquins. On peut donc aussi être coureur professionnel et mener des études à côté. Maintenant, j’ai la chance d’avoir un permis bus, ce n’est peut-être pas grand-chose comparé à d’autres mais je sais qu’avec le domaine du transport qui s’est beaucoup développé, j’aurai du travail derrière.