Bernard, pouvez-vous nous rappeler les grandes lignes de votre carrière ?
Je suis passé professionnel en fin d’année 1975 dans l’équipe Mercier. Pour ma première année officielle en tant que coureur professionnel, j’ai côtoyé Raymond Poulidor ou encore Joop Zoetemelk. J’ai d’ailleurs couru deux ou trois années avec la génération Merckx. Ensuite, j’ai remporté une étape du Tour de France en 1980. En 1982 je remporte le maillot à pois de meilleur grimpeur sur le Tour de France ainsi que deux victoires sur le Critérium du Dauphiné. J’ai au total une quarantaine de victoires à mon palmarès. J’ai mis un terme à ma carrière en 1987 après treize années au plus haut niveau.
Par quelles équipes êtes-vous passé durant ces treize années ?
J’ai effectué mes trois premières années chez Mercier. Ensuite, en 1979, je signe dans l’équipe La Redoute-Motobécane. Puis je suis passé par La Vie Claire durant deux ans avant de finir chez RMO. Par la suite, j’ai continué chez RMO mais en tant que directeur sportif. J’ai également eu la chance de travailler dans l’organisation du Critérium du Dauphiné avec Thierry Cazeneuve et par la suite avec Amaury Sport Organisation. Pour finir, en 1991, j’ai acheté une entreprise consacrée aux médias, vendue il y a peu.
Lors de l’arrêt de votre carrière, aviez-vous déjà réfléchi à un poste en tant que directeur sportif ou est-ce que cela s’est fait naturellement ?
Ça s’est plutôt fait naturellement. Le directeur sportif de l’équipe RMO, qui connaissait mes qualités de meneur d’hommes, m’a proposé le poste en 1987 tout de suite après l’arrêt de ma carrière. J’ai été directeur sportif chez RMO pendant trois ans. Ensuite, j’ai travaillé avec Bernard Tapie dans l’équipe Toshiba. Malheureusement l’équipe s’est arrêtée. Et je n’ai plus trouvé de poste en tant que directeur sportif. J’ai seulement continué à travailler en tant que directeur adjoint sur le Critérium du Dauphiné Libéré. Grâce au Dauphiné, j’ai d’ailleurs pu créer ma propre entreprise puisque j’ai été mandaté pour prendre la distribution sur le secteur de Valence, le plus gros secteur français à l’époque. J’étais donc le dépositaire central, je n’avais pas de magasins. Sauf qu’à un moment donné le Dauphiné ne voulait plus d’intermédiaire et notre collaboration professionnelle s’est arrêtée là. J’ai tout de même continué à gérer mon entreprise en créant un village VIP sur l’Ardéchoise. Je suis également analyste un mois par an sur les Grand Prix Cycliste de Québec et de Montréal en compagnie de Charly Mottet.
Vous n’avez jamais effectué de formations pour occuper tous les postes cités précédemment ?
J’ai passé un diplôme à l’époque pour être directeur sportif. Mais ce n’était pas le même diplôme que maintenant, nous avions simplement une formation au niveau de la sécurité et du secourisme. Ils considéraient qu’en tant qu’ancien professionnel j’avais les connaissances requises pour devenir directeur sportif. Ensuite, c’était la rencontre avec les différentes personnes du milieu. Pour le poste de directeur sportif, je me suis toujours comporté, sans prétention, comme un meneur d’hommes, donc j’avais beaucoup de compétences et de qualités pour ce travail. Pour le Dauphiné c’est Thierry Cazeneuve qui m’a fait rencontrer le directeur de course de l’époque en mentionnant mes qualités. Mais, sinon, je n’ai pas passé de formations spécifiques. Tout cela s’est fait grâce aux rencontres.
Y a-t-il des postes particuliers auxquels vous auriez aimé aspirer dans le milieu du cyclisme ?
Les deux ou trois ans en tant que directeur sportif m’ont beaucoup plu. Avec RMO on a quand même terminé meilleur équipe UCI en fin de saison avec Charly Mottet et Thierry Claveyrolat entre autres. Chez Toshiba on a gagné cinq étapes sur six sur Paris-Nice avec Tony Rominger et Laurent Jalabert. C’est un métier et un milieu qui me plaît. Si j’avais eu la possibilité de construire un projet sur le long terme, à l’image d’un Marc Madiot ou d’un Vincent Lavenu, je l’aurais fait. Malgré tout je n’ai aucun regret.
Les coureurs d’aujourd’hui, grâce à l’UNCP de Pascal Chanteur, ont la possibilité d’effectuer des formations liées à leur reconversion. Auriez-vous aimé à votre époque bénéficier de tels moyens ?
Bien sûr, c’est très bien ! Nous étions livrés à nous-mêmes à l’époque. Ce que nous touchions dans les années 70 et jusqu’à la fin des années 80 n’a rien à voir avec les salaires d’aujourd’hui. C’est pour cela que la reconversion est importante. J’ai vu beaucoup de collègues qui, une fois leur carrière terminée, ont galéré à retrouver du travail. Aujourd’hui, les coureurs arrivent mieux à se reconvertir malgré tout. Ce serait plus au niveau fiscal que j’ai des choses à regretter. En 1982, j’ai gagné pas mal de courses et mes revenus étaient bien plus élevés que la moyenne. Mais cette même année là, j’ai donné plus de la moitié au fisc. J’aimerais que cet argent nous soit reversé en fin de carrière afin d’investir pour notre futur. Moi j’ai toujours rêvé d’ouvrir un hôtel par exemple.
Auriez-vous aimé courir dans la génération actuelle avec l’environnement des réseaux sociaux ?
Il faut vivre avec son temps mais je vais être franc avec vous, non ça ne m’a jamais attiré. J’apprécie beaucoup les conforts actuels comme les bus, l’évolution du cyclisme, la communication… mais non je ne regrette pas du tout mon époque. Ne serait-ce que l’amitié entre coureurs qui était, selon moi, beaucoup plus forte à mon époque. Aujourd’hui c’est business, business !