Anne-Caroline Chausson lors du Roc d’Azur | © Vélo 101
Anne-Caroline, beaucoup de gens connaissent ton palmarès mais peux-tu nous en rappeler les grandes lignes ?
J’ai été une douze de fois championne du monde de VTT de descente, il y a eu également quelques titres de championne du monde en 4-Cross et en dual-slalom. Au total, j’ai remporté 52 manches de coupe du monde. En 2008 je suis devenue championne olympique en BMX à Pékin.
Te souviens-tu de tes premiers pas dans le monde du vélo ?
Oui complètement, j’ai deux grands frères à qui mes parents avaient offert des petits BMX. Moi je n’en avais pas reçu. Je devais les regarder en faire le week-end sur la piste et ça ne me plaisait pas d’être juste spectatrice. Je voulais faire la même chose qu’eux. Mes frères étaient mes modèles, j’essayais de faire tout ce qu’ils faisaient. Tout est parti de là. Je pense que mes parents espéraient autre chose pour leur petite fille, ils auraient aimé que je pratique un sport un peu plus féminin. Ils m’ont ensuite offert un vélo. Depuis j’ai continué et ça a plutôt bien marché.
Penses-tu que tu étais un peu trop réservée durant ta carrière, à l’inverse d’autres filles, comme Giovanna Bonazzi par exemple, qui étaient plus excentriques ?
Oui complètement, si il y avait quelque chose à changer dans ma carrière, ça aurait été d’être un peu plus ouverte sur l’extérieur. Après on ne se refait pas. J’étais quelqu’un et je suis toujours quelqu’un d’assez réservée, de très timide. Mon truc c’est de bien faire les choses, d’arriver à mes objectifs, de bien faire mon travail et de toujours progresser. Le contact avec des gens que je ne connais pas a toujours été un peu difficile. Aujourd’hui ça serait vraiment plus compliqué à gérer pour moi car il y a les réseaux sociaux qui sont très importants. A notre époque on avait des sponsors seulement si on gagnait.
Tu es passée par plusieurs vies et ta médaille olympique en 2008 a été un aboutissement quelque part. Comment as-tu rebondi à la suite de ça ? On a vu Julie Bresset être dans le dur après sa médaille olympique. Comment ça s’est passé de ton côté ?
J’avais déjà arrêté ma carrière de descendeuse en 2005. J’étais assez jeune à l’époque mais je voulais continuer de faire du vélo mais plus trop de compétition. J’avais déjà pensé un peu à ma reconversion en 2005/2006 mais je me suis vite ennuyée; l’adrénaline, l’ambition et les objectifs me manquaient. Je me suis donc fixée un nouvel objectif : les Jeux Olympiques de 2008. Au début je voulais juste me qualifier. Je comptais arrêter le BMX derrière ça et reprendre certaines activités d’image autour du VTT (sic). Les bons résultats que j’ai obtenus ont été la cerise sur le gâteau. J’avais tout de même anticipé au cas où ça n’aurait pas fonctionné. Je m’étais inscrite avant les Jeux Olympiques au brevet d’Etat comme ça, si ça s’était mal passé, il y aurait eu quelque chose derrière.
Ce n’était donc pas une fin de carrière subie ?
Non c’était quelque chose d’annoncé. Mais quoiqu’il en soit ça aurait été clairement la fin en BMX. J’aime le vélo et je voulais faire quelque chose autour de ce sport même si je ne savais pas exactement sous quelle forme. A ce moment-là l’enduro est devenu World Series, je me suis donc lancée dans cette aventure. J’en avais assez de la compétition, mais quand je suis tombée malade ça a accéléré le processus. Il fallait vraiment mettre un terme à ma carrière sportive, et rapidement.
As-tu passé ton brevet d’Etat avec l’ambition de transmettre ce que tu as appris ?
Tout à fait, je voulais transmettre quelque chose même si je ne savais pas exactement comment. Il y avait un projet d’école de VTT là où j’habitais à l’époque. Dans tous les cas je me suis dit que ce brevet allait me servir un jour ou l’autre, et aujourd’hui, ça commence à me servir.
Anne-Caroline Chausson a remporté 19 titres mondiaux durant sa carrière
On aurait pu t’imaginer dans le design de tracés de pistes sur les bike park, les pistes de BMX… Est-ce quelque chose qui trottait dans ta tête?
Ce qui est certain c’est que je peux avoir un rôle de conseil puisque j’ai mon expérience. Après il y a clairement des spécialistes qui font les choses bien. Aujourd’hui par exemple je suis en partenariat avec le bike park des Orres, je donne mon avis sur les pistes et on essaie de faire évoluer au mieux les choses mais ce n’est pas moi qui vais aller sur le terrain et préparer les pistes.
Aujourd’hui, comment réparties-tu ton activité ?
C’est très varié, je suis ambassadrice pour plusieurs marques. L’avantage de ne plus faire de compétition est que ça laisse beaucoup de temps libre pour faire d’autres activités. Ça peut être très déroutant car les objectifs ne sont pas les mêmes. J’en profite pour faire beaucoup plus de ski en hiver, du ski-rando, beaucoup de moto, d’escalade et voyager. Finalement je fais tout ce que je n’ai jamais pu faire auparavant et dès que les beaux jours arrivent je suis évidemment sur mon vélo.
As-tu des modèles de reconversion ?
Chacun vit se reconversion comme il l’entend. C’est une période assez difficile quand on a fait du sport de haut niveau sur une longue période. Au départ je me voyais bien être manager dans un team mais je ne voulais pas revivre la même vie : être partie aussi longtemps, être autant prise. J’avais envie d’avoir une vie plus calme, plus posée, un peu comme tout le monde. Après si je devais citer un modèle de reconversion, je dirais Luc Alphand car il a fait beaucoup de choses. Je pense qu’il a une vie très riche. Le bon modèle c’est surtout celui qui nous convient et qu’on choisit. Il ne faut pas subir. Les sportifs sont des gens qui ont beaucoup voyagé, qui savent se remettre en question et je ne pense pas qu’on puisse rentrer dans une monotonie du travail. On a besoin de quelque chose qui bouge.
Aimerais-tu que la Fédération apporte plus de soutien pendant et après la carrière d’un sportif pour que le rebond soit plus facile ?
C’est vrai qu’on parle rarement de l’après-carrière. A mon époque on ne nous proposait pas de formation, il n’y avait pas de sport-étude… Aujourd’hui c’est différent il y a des possibilités pour aménager les études, il y a plein de choses qui permettent de s’entraîner et continuer à étudier. A mon époque il n’y avait pas ça et je pense qu’aujourd’hui les jeunes sont bien accompagnés. C’est toujours plus facile de se reconvertir lorsqu’on a un diplôme en poche. Il faut qu’il y ait du suivi sur ce niveau-là, c’est sûr.
Dirais-tu qu’il est possible de rendre compatible le sport de haut niveau avec des études et l’investissement que ça demande ?
A priori oui car plusieurs sportifs le font. Loïc Bruni dit que continuer les études ou travailler pour d’autres personnes lui apporte un équilibre. Vu qu’il y a de bons exemples c’est forcément possible, mais encore plus lorsqu’il y a des aménagements qui vont dans ce sens. Le sport nous fait évoluer en tant que personne mais ça peut aussi s’arrêter rapidement.
Comment te vois-tu dans dix ans ?
Dix ans, ça passe vite ! J’espère que je serai toujours capable de faire autant de vélo et autant de sport. C’est ce qui me plait, je vis pour le sport depuis toute petite et j’espère pouvoir en faire encore très longtemps.