La nostalgie est toujours ce qu’elle était. A quelques jours de l’Eroica, en Toscane, qu’on vous souhaite de vivre un jour; Vélo 101 a souhaité lancer une nouvelle rubrique, côté tenues cette fois. 20 comme vintage, c’est mode et pour un public de passionnés comme vous l’êtes, ça peut plaire, vous nous le direz.
Qu’est ce qu’était PDM, Salvarani et RMO, que sont devenues ces marques ? Quels ont été les grands moments de vélo vécus sous ces couleurs ? Comment les patrons de ces entreprises en sont-ils arrivés à faire du sponsoring dans le vélo ? C’est à toutes ces questions et aux réponses que nous vous convions chaque 20 du mois. 1er rendez-vous, le maillot qui a sans doute le plus gagné : Molteni, suivez le fil…..
18 juillet 1971, Paris. Une seule formation arrive au complet pour le final de cette 56ème édition du Tour de France : la Molteni. Ajoutons à cela que le grand vainqueur porte alors les couleurs de ce fabricant italien de charcuterie en passe de devenir célèbre, et qu’il s’agit de celui que l’on surnommera plus tard « le Cannibale » — plutôt cocasse… Revenons donc sur l’histoire de ce célèbre maillot dont on se souvient bien souvent à travers celui qui l’a porté de 1971 à 1976 ; j’ai nommé Eddy Merckx.
La société italienne alimentari Molteni est fondée par la famille du même nom, à Arcore dans la belle région de Lombardie. Il s’agit alors d’une entreprise de charcuterie notamment reconnue pour son salami. Il semblerait que la famille Molteni — bien que la charcuterie italienne ne soit pas particulièrement recommandée dans le régime alimentaire du cycliste professionnel… — ait toujours eu des affinités avec le monde cycliste, puisque le premier manager de l’équipe cycliste professionnelle n’est autre que Renato Molteni lui-même, épaulé par Pietro Molteni. Ce dernier transmet sa passion à son fils Ambrogio, qui court dans le milieu cycliste professionnel avant d’intégrer le staff de l’équipe. La marque italienne sponsorise ainsi une équipe cycliste de 1968 à 1976, et se fait ainsi un nom dans le paysage du cyclisme professionnel de l’époque. L’équipe est d’abord — et naturellement — italienne jusqu’en 1970, avant de devenir belge à partir de 1971.
Le mythique maillot de couleur havane a essentiellement marqué l’histoire à travers celui dont le surnom ne pouvait qu’aller à merveille avec une marque de charcuterie italienne — serait-ce pour cela qu’il a rejoint l’équipe Molteni ? Le mystère reste entier et le doute permis… — vous avez tous reconnu le « Cannibale », qui remporte sous ce maillot non moins de trois éditions du Tour de France (1971, 1972, 1974), trois éditions du Giro (1972, 1973, 1974) et une Vuelta (1973). Et l’on n’évoque pas encore les Classiques qu’Eddy Merckx remporte sous ces mêmes couleurs ; entre autres Milan-San Remo, Paris-Roubaix ou encore le Tour des Flandres et Liège-Bastogne-Liège.
Toutefois, de grands noms italiens ont également brillé sous les couleurs de Molteni, et ce avant le Cannibale. On se rappelle de Gianni Motta, qui a tout de même remporté un Giro en 1966, ou encore de Marino Basso, dont le palmarès comporte de nombreuses victoires d’étapes sur le Tour, la Vuelta et le Giro, et un titre de champion du monde. En tout, ce ne sont pas moins de 124 coureurs qui ont revêtu la tunique Molteni, et 663 victoires au compteur final. On peut noter que si le maillot qui est dans les mémoires de tous les amoureux de la route est de couleur havane, il n’en a pas toujours été ainsi : en effet, quelques variantes ont plusieurs fois été proposées, notamment aux couleurs de la nation italienne.
En 1976, l’équipe cycliste devient la « Molteni Campagnolo » : le premier sponsor s’associe avec un autre, avant de complètement disparaître du paysage cycliste. Complètement ai-je dit ? Peut-être pas… Si l’usine qui produisait originellement le fameux salami fait faillite en 1987 et ferme en 1993, et si le nom « Molteni » disparaît alors définitivement des routes, la même famille a pourtant continué de s’investir dans le monde cycliste. C’est grâce à la société Salmilano — que les Molteni dirigent aujourd’hui — et à travers la sponsorisation de l’équipe professionnelle Tenax Salmilano, active de 2003 à 2007, que le tour de passe-passe s’est effectué. Pour ceux qui se disent à cet instant précis que ce nom ne leur évoque rien, petit rattrapage : la Tenax Salmilano fut italienne en 2003 et 2004 puis irlandaise de 2005 à 2007, et participa à deux reprises au Giro, en 2003 et 2004. – Romane Gauthier