Des millions de français connaissent parfaitement sa voix, mais beaucoup moins prétendent connaître l’homme et son parcours. Commentateur principal du Tour de France de 2007 à 2016, de l’apogée d’Alberto Contador à l’hégémonie Sky en passant par la fantastique épopée en jaune de Thomas Voeckler, il a animé des centaines d’heures de direct, eu à meubler des séquences on-ne-peut-plus mornes comme des instants de folie, à l’image des scènes ahurissantes de Christopher Froome courant à pied sur le Mont Ventoux. En compagnie de Laurent Fignon, Laurent Jalabert ou encore Cédric Vasseur, il a indéniablement fait partie de la vie des français durant le mois de juillet, les accompagnant dans leur salon, à table ou encore sur les routes. Ce sont évidemment les coureurs qui font la course, eux qui décident de faire exploser le peloton ou de rester bien à l’abris dans les roues, mais en cyclisme davantage que dans les autres sports, le commentateur occupe une place prépondérante dans le déroulement de la retransmission, guidant le regard du spectateur, orientant son esprit. Ainsi, détesté ou envié, voici le portrait d’un homme qui ne laisse pas indifférent, celui de Thierry Adam.
Son parcours :
Thierry Adam a toujours aimé le sport, mais plus le ballon rond que la bicyclette. Né à Issy-les-Moulineaux et ayant grandi dans la Sarthe il s’imagine sportif de haut-niveau voire footballeur professionnel dans sa jeunesse. Lorsque vient le temps de la fin de l’insouciance, l’instant des rêves brisés, la tragique prise de conscience de la nécessité de trouver un plan B, il n’abandonne pas sa passion du sport pour autant. Faute de pouvoir le faire, il se décide à le commenter. Après des études de journalisme, il débarque à Amiens au Courrier Picard, ainsi que sur Radio Gazette Rurale. D’abord perplexe par ce changement d’environnement et l’isolement des lieux, il se prend au jeu et se lance dans la profession pour la vie. Atterrissant par la suite chez Radio France Picardie (ex France Bleu Picardie), il effectue également ses premières collaborations télévisuelles avec France 3 Picardie, commentant alors les matchs de Hockey sur Glace des Gothiques d’Amiens. Cette connaissance de la discipline lui permet dès lors de commenter plusieurs éditions des Jeux Olympiques d’Hiver avec France Télévision.
Forgeant sa place sur ces antennes locales, Thierry Adam se voit progressivement attribuer les commentaires de football et de cyclisme, sport lui étant relativement étranger qu’il apprend à aimer. Cette implantation dans le paysage médiatique régional l’incite à co-fonder l’association Promotion Sport Picardie, visant à encourager l’organisation de compétitions dans ce territoire du nord de la France.
En 2001, ses prestations audiovisuelles lui permettent d’intégrer définitivement le service des sports de France Télévision, au sein duquel il est majoritairement chargé des épreuves cyclistes. Consultant moto dès cette même année, succédant ainsi au légendaire Jean-Paul Ollivier, il parcourt les routes du Tour de France derrière les échappés ou le peloton afin d’apporter un complément d’information à la cabine. Au cœur de la course, au milieu des coureurs, au contact des directeurs sportifs, il doit faire parler sa spontanéité dans un exercice sans filet, véritable œil de terrain de Christian Prudhomme. Si l’héritage de « Paulo la Science » s’avère dur à porter, la tâche est toutefois réalisée de manière satisfaisante selon les dirigeants de France Télévision, qui propulsent le Sarthois au post de commentateur principal en 2007, à la suite de l’éviction d’Henri Sannier.
Alors que le chaîne du service public se cherche un nouvel homme de long-terme, après un enchaînement de trois journalistes en six ans, Thierry Adam se révèle être l’homme de la situation. Plaisant à son consultant Laurent Fignon avec qui il noue en quelques semaines une relation forte, il est naturellement reconduit dans sa fonction d’années en années, s’installant ainsi durablement sur un siège faisant l’objet de nombreux rêves, celui-là même qu’avaient occupé en leur temps les grands Léon Zitrone et Robert Chapatte. Dès lors, ce nouvel habitant d’Amiens lie sa vie au cyclisme. Reconnaissant minutieusement chaque étape de la Grande Boucle au printemps, commentant également une dizaine courses majeures, des courses par étapes organisées par ASO aux classiques flandriennes et ardennaises en passant les championnats du monde, le natif d’Issy-les-Moulineaux croque à pleine dents cette vie de passionné, faisant de la Petite Reine la partenaire privilégiée de son quotidien. Accompagné de Laurent Jalabert depuis le malheureux décès de Laurent Fignon le 31 août 2010, et occasionnellement par Cédric Vasseur en 2013, Thierry Adam tisse de véritables liens d’amitiés avec le vainqueur du Tour d’Espagne 1995, symbolisant l’authenticité de l’aventure humaine que constitue la Ronde de Juillet, pour les coureurs comme pour les suiveurs.
Cependant, fustigé par de nombreuses critiques, à tort ou à raison, l’amiénois est victime du remplacement de Daniel Bilalian par Laurent-Eric Le Lay à la tête du service des sports de France Télévision. Ecarté et remplacé par l’étoile montante du commentaire cycliste, Alexandre Pasteur, Thierry Adam récupère néanmoins son post d’antan, celui de consultant moto, généralement placé derrière le peloton.
Son statut aujourd’hui :Thierry Adam sur le Chrono des Nations 2019 | © TV Vendée
Forcément frustré et profondément attristé par cette rétrogradation, Thierry Adam s’interroge désormais sur son avenir. S’il prend plaisir à continuer de suivre la Grande Boucle chaque été, sa situation est tout de même teintée d’humiliation, et le grand plan de départ volontaires au sein du groupe audiovisuel du service public le fait hésiter à prendre son envol à son tour pour aller vers de nouveaux horizons.
Ses activités parallèles lui ouvrent d’ailleurs les voies de nouvelles fonctions. Président d’honneur de son association Promotion Sport Picardie, notamment organisatrice du Grand Prix de la Somme, le natif d’Issy-les-Moulineaux est également devenu depuis l’automne dernier le président du comité du Chrono des Nations, épreuve clôturant traditionnellement la saison européenne en octobre. De quoi lui donner des idées d’un parcours à la Christian Prudhomme, commentateur du Tour de France du début des années 2000 devenu directeur du Tour de France ?
Par Jean-Guillaume Langrognet