Dans le club des cinq pilotes qui font le cross-country masculin français, voici le dernier. Plus âgé que ses compères, il a successivement été barré des sommets par les hégémonies de Julien Absalon et Nino Schurter. Mais s’il n’est jamais parvenu à inscrire son nom au palmarès des grandes compétitions mondiales, son talent l’a propulsé à quelques occasions sur les marches des podiums des mondiaux et manches de Coupe du Monde, lui accordant ainsi le statut d’outsider parfait, dans une discipline à la hiérarchie bien réglée. A 34 ans il n’est plus un espoir, mais une valeur sûre du côté tricolore. La longueur de son palmarès en témoigne. Mais à 34 ans, ses chances de progressions se sont taries, lui ôtant tout rêve de bouquet, le subordonnant à la lutte de seconde classe, bataillant face à l’émergence d’une nouvelle vague de jeunes talents, prêts à accaparer prochainement le Cross-Country Mondial. Portrait de Stéphane Tempier.Stéphane Tempier sous son nouveau maillot Trek | © Site officiel de Stéphane Tempier
Son parcours :
Si certains errent longtemps avant de la dénicher, passent à côté sans l’apercevoir, la manquent de peu pour ne plus jamais la revoir, Stéphane Tempier trouve immédiatement sa voie. Les petites roues tout juste enlevées, le vélo à peine adopté, et le voilà déjà en train de dévaler et grimper à nouveau les collines des Hautes-Alpes, se découvrant aussitôt un goût prononcé pour l’effort et les sensations. Et en plus de cette familiarité avec ces aspects, le gapençais s’aperçoit vite qu’il en possède les facultés. Pilote particulièrement précoce, il s’engage dans la compétition dès l’âge de 9 ans, pour des résultats immédiats. Les bougies pas encore doublées, il figure parmi les pupilles de la région, protagoniste du Trophée Régional des Jeunes Vététistes dans la catégorie. En minime, le minot s’essaye même au niveau national, où il perce au milieu de l’élite du pays.
Les années filant, l’adolescent ne déçoit pas, conquérant de prestigieux prix, catégories après catégories. Ainsi, chez les Juniors, le pensionnaire de l’Union Cycliste du Pays Gapençais (UCPG) s’avère déjà être un crack. Second de la Coupe de France de la saison 2003, il se voit logiquement sélectionné en équipe de France, pour avoir l’honneur de revêtir une première fois dans sa carrière la tunique nationale et défendre les couleurs de son pays aux Championnats d’Europe de X-Country. En 2004, il tutoie les sommets, achevant les Championnats du Monde à la seconde place, s’inclinant seulement derrière la future légende Nino Schurter, grimpant ainsi sur un podium distinguant les futures pépites de la discipline. Dès lors, Stéphane Tempier marche sur les talons et suis les traces des grands.Stéphane Tempier sur le podium des championnats du monde Juniors 2004 | © Site officiel de Stéphane Tempier
L’année suivante, pour son entrée dans le monde des espoirs, le gapençais s’offre déjà un podium sur les mondiaux de relais, qu’il agrémente quelques mois plus tard d’une splendide distinction individuelle en remportant le Roc d’Azur dans sa catégorie. En 2006, il rejoint à nouveau les sommets après une année d’adaptation face à ses ainés, en multipliant les bouquets et accessits de prestige. Indomptable sur le territoire national, il s’adjuge le maillot tricolore et le classement général de la Coupe de France. Quant aux compétitions d’envergure internationale, le Haut-Alpin rate de peu les podiums mais pointe le bout de son nez, concluant les mondiaux à une belle 4e place.
Pourtant, c’est à ce moment là que Stéphane Tempier piétine, lui qui avait tant couru auparavant. Alors que la case Espoir doit être celle de l’affirmation, le gapençais stagne dans sa progression. Si un nouveau titre de champion de France en 2007 ou une médaille d’argent aux championnats d’Europe 2008 lui font occasionnellement retrouver le sourire, le haut-alpin n’améliore plus sa marque sur les épreuves majeures du calendrier, alors que le différentiel d’âge s’accroît vis-à-vis de la jeune génération. Alors que son congénère Nino Schurter est déjà double champion du monde espoirs de la discipline, Stéphane Tempier n’a toujours pas le moindre podium à se mettre sous la dent en la matière. Ses chances de triomphe futur se réduisent alors drastiquement, et cela se confirme progressivement, sans que le français ne plonge toutefois dans la profondeur des classements.
En effet, le VTT étant l’une des rares disciplines où l’âge fort se situe encore au niveau de la trentaine, ses premiers pas chez les élites sont relativement satisfaisant, à la vue de sa 12e place au classement général final de la Coupe du Monde, pour sa première saison dans l’exercice en 2009. Sa montée en puissance s’effectue alors sur un rythme plus lent qu’au cours de son adolescence, mais lui ouvre peu à peu les portes des hauts de classements. Placé de nouveau au sommet de l’élite nationale en terminant sur le podium des championnats de France 2010, il confirme ce statut un an plus tard, tout en l’agrémentant de son premier top 10 au classement général de la Coupe du Monde. En 2012, il s’adjuge d’ailleurs le titre honorifique de 1er français aux Jeux Olympiques de Londres, en terminant 11e de l’épreuve, après avoir décroché le 3e ticket de la sélection au mérite. Surtout, cette année est celle de sa première victoire majeure lors du Roc d’Azur, où il s’échappe en début de course pour résister au retour de ses poursuivants dans le final, et offrir ainsi un beau cadeau de départ à Bianchi, qui l’avait jusqu’alors accompagné tout au long de sa carrière professionnelle.
Et s’il note dans le débrief d’après-course son manque de références en Coupe du Monde, il s’en va combler se manque dès la saison suivante à Vallnord, pour y connaître le point d’orgue d’une année en dents de scie. Mis en confiance par de tels succès, le pilote du BH – SR Suntour – KMC explose en 2014, où deux podiums de prestige en Coupe du Monde et une régularité remarquable sur les autres manches le hissent au cinquième rang du classement général, se présentant ainsi comme la relève tricolore du légendaire mais vieillissant Julien Absalon, sacré pour la dernière fois cette année-là. Si la saison 2015 est placée sous le signe de la malchance et de la méforme, le gapençais revient aux affaires en 2016 en remportant de nombreuses épreuves de second rang pour terminer 6e au classement UCI, avant de connaître la meilleure saison de sa carrière en 2017.
En effet, de retour chez Bianchi à la suite de ses galères de 2015, Stéphane Tempier surfe sur une vague de réussite tout au long de l’année. Toujours placé en début de saison, le haut-Alpin apparaît comme le « meilleur des autres » à la fin de l’été, en achevant les manches du Mont-Saint-Anne (Canada) et de Val di Sole (Italie) à la seconde place, derrière l’indéboulonnable Nino Schurter, pour se hisser à la seconde place du classement général final de la Coupe du Monde, au terme d’une année absolument exceptionnelle. Si le français ne se retrouve plus jamais à de telles hauteurs, les saisons 2018 et 2019 entérinent alors son statut d’outsider de renom, de prétendant aux breloques de bronze et d’argent. Second de la manche d’Albstadt, vainqueur pour la seconde fois du Roc d’Azur en 2018, ou encore troisième des championnats du monde 2019, Stéphane Tempier se confirme ainsi en concurrent de second rang, peinant face aux cadors, mais prêt à saisir les médailles quant les leaders ne sont pas au rendez-vous.Stéphane Tempier sur le podium des championnats du monde 2019 | © Site officiel de Stéphane Tempier
Son statut aujourd’hui :
De ce fait, il paraît aujourd’hui évident que Stéphane Tempier – sauf surprise monumentale – ne serait jamais champion, ni mondial, ni olympique. Même un bouquet en Coupe du Monde semble inaccessible si Nino Schurter continue d’être aussi fort, ou si la relève helvétique s’affirme. Mais grâce à son expérience, sa force physique et sa technique, le gapençais peut continuer sa collecte parcimonieuse de médailles, profitant des déboires occasionnels des favoris pour émerger aux premiers plans. Contrairement à ses compères français, le gros de sa carrière est désormais situé dans le passé, et non dans l’avenir. Mais s’il n’incarne effectivement plus le futur du cross-country français, il peut encore surprendre, et rêver d’une médaille aux Jeux Olympiques de Tokyo de 2021, si la crise sanitaire est endiguée et le bonhomme bien préparé. A ce titre, son transfert chez Trek à l’intersaison, à la suite du désistement de Bianchi, lui permet de concourir au sein d’une top Team du circuit mondial, côtoyant notamment en son sein la championne d’Europe en titre, Jolanda Neff. Mais avant de se rêver médaillé olympique, il lui faudra d’abord s’avérer meilleur que ses compatriotes, le DTN ne disposant que de trois tickets pour 5 hommes, source d’une lutte fratricide…
Par Jean-Guillaume Langrognet